En ce jour de reprise, le lundi 6 janvier, les étudiants de Sciences Po Strasbourg n’ont pas pu faire leur rentrée. Des étudiants ont organisé un blocage de l’établissement pour dénoncer le renouvellement d’un partenariat controversé avec une université privée israélienne.
Voilà trois mois que la polémique secoue Sciences Po Strasbourg et le changement d’année ne semble pas avoir apaisé les esprits. En ce jour de retour de congés, les élèves se sont retrouvés face à un établissement barricadé. Amas de poubelles, de barrières et de banderoles ont été amassés à l’aube devant la porte d’entrée par une cinquantaine d’étudiants. Objet de leur mobilisation : le partenariat renouvelé mi-décembre entre l’établissement d’études politiques strasbourgeois et l’université privée israélienne Reichman, située à Herzlya.
"La décision de renouer ce partenariat s’est faite sans dialogue, la direction a fait un coup de force", dénonce Simon, étudiant de quatrième année qui a participé à la mise en place du blocage.
Mi-décembre, le conseil d’administration a en effet voté le rétablissement d’un partenariat avec l’université privée israélienne Reichman (lire notre article). Un partenariat qui avait été gelé fin octobre, alors que le conflit s’intensifiait entre Israël et le Hamas, à la suite des attaques du 7 octobre du mouvement islamiste palestinien.
Contactée à l’époque sur les raisons de la rupture de ce partenariat, la direction la justifiait alors par "l'incapacité à assurer la sécurité [des] étudiants présents sur place ". Mais pour les membres – étudiants ou enseignants - du conseil d’administration qui avaient voté en faveur de ce gel, c’est la nature même de cette université qui justifiait à leurs yeux ce désengagement. Dans le texte de leur motion proposée lors de ce conseil d’administration, ils l’accusaient d’être une université sioniste, outil de propagande du gouvernement et soutien logistique du Mossad et de l’armée israélienne.
La rupture de ce partenariat avait rapidement suscité de vives réactions, jusqu’au sommet de l’Etat. Le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Jean-Noël Barrot l’avaient qualifiée de "décision affligeante". Le bas-rhinois Patrick Hetzel, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, avait également "déploré" cette décision sur les réseaux sociaux. Le président de la région Grand Est, Franck Leroy l’avait, lui, estimé "inadmissible" (accéder à l'article).
Conséquence ou pas de ces pressions politiques, la question s’est à nouveau invitée sous la forme d’une contre-motion présentée au conseil d’administration mi-décembre. "Le texte a été adopté à une avec 14 voix pour, sur 40 membres, la majorité d'entre eux ayant préféré ne pas prendre part au vote", précise Vincent Dubois, enseignant à Sciences Po Strasbourg opposé au partenariat, qui a fait le choix de démissionner de l’instance à l’issue de ce vote. "Sur ces 14 voix, seules sept représentaient des membres internes à l’établissement. Les autres étaient externes : représentants du conseil régional ou de grandes écoles publiques", ajoute-t-il.
⚠️ 322 étudiant-es signent un communiqué de soutien à leurs professeurs et d’appel à la mobilisation dès la rentrée. La direction minoritaire au sein de l’école est durement critiquée !
— S 🇻🇳 (@banhmi_enjoyer) December 23, 2024
RDV à la rentrée pour observer les conséquences de ce revirement autoritaire.
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De quoi réveiller la colère des étudiants opposés à ce partenariat qui ont dès lors lancé une pétition pour consulter tous les étudiants. "En quelques jours, on a recueilli près de 400 signatures, alors qu’on était en pleine période de vacances. Cela représente un tiers des étudiants de Sciences Po", constate Simon qui y a vu une bonne raison d’organiser ce blocage de rentrée.
"Pour moi il n’y a pas de problème avec cette université. Il est donc hors de question de revenir en arrière".
Jean-Philippe HeurtinDirecteur de Sciences Po Strasbourg
Un blocage qui devrait durer. Réunis en assemblée générale en ce lundi matin de reprise, les étudiants ont décidé de poursuivre leur action les prochains jours. "C’est une semaine d'examens partiels. Cela ne peut que relancer un débat que l’on demande depuis le début", espère Simon. Un débat qui a fait défaut selon lui au sein de l’établissement, mais que ne semble pas prêt à ouvrir le directeur de Sciences Po Strasbourg, Jean-Philippe Heurtin. Il est malgré tout venu saluer les étudiants présents pour assurer le blocage, sans pour autant leur laisser entrevoir d’espoir de réouverture de la discussion. "La protestation des étudiants procède d’une dénonciation de la guerre et de la façon dont elle est menée, vision que je partage, déclare Jean-Philippe Heurtin. Mais pour moi il n’y a pas de problème avec cette université. Il est donc hors de question de revenir en arrière".
Depuis sa mise en place ce lundi 6 janvier, ce blocage suscite de nombreuses réactions – politiques notamment – sur les réseaux sociaux. Les uns pour approuver, les autres pour dénoncer le mouvement. Signe que cette polémique ne semble pas près de retomber.