Dégâts aux cultures : haro sur le sanglier en Lorraine

Les préfets des Vosges et de la Meurthe-et-Moselle ont prolongé d'un mois, jusqu'au 31 mars, l'ouverture de la chasse au sanglier. Cette saison, près de 15.000 bêtes ont déjà été abattues dans les Vosges et 12.000 en Meurthe-et-Moselle. Mais vu les dégâts commis dans les champs, c'était insuffisant.

Combien sont-ils ? Chasseurs comme scientifiques sont bien en peine d'évaluer les populations de sangliers. L'animal est discret, nocturne et baladeur. Les chiffres oscillent entre 1 et 3 millions d'individus en France.

Mais une chose est sûre : les dégâts qu'ils causent dans les cultures sont en nette augmentation, ce qui laisse supposer que l'espèce prolifère. En Meurthe-et-Moselle, par exemple, les surfaces agricoles ravagées par les sangliers ont doublé entre 2018 et 2019. De quoi mettre en fureur les agriculteurs, qui sont venus déverser cinq tonnes de fumier devant la fédération départementale de chasse jeudi 5 mars.

Pourtant, les chasseurs payent la casse : 1,640 millions d'euros d'indemnités dûes par la fédération 54 pour 2019 ; là aussi, c'est le double de l'année précédente. Mais selon les responsables agricoles, cela ne compense pas les pertes et, parfois, le sentiment de travailler... pour nourrir les sangliers.

Une colère qui est remontée dans les préfectures. Le préfet de Meurthe-et-Moselle a donc prolongé d'un mois l'ouverture de la chasse au sanglier. Son collègue des Vosges a fait de même, tout en remerciants les chasseurs pour leurs "efforts" : déjà 15.000 animaux abattus cette saison, 3000 de plus que l'an passé à la même période !

Les autres départements lorrains ne sont pas en reste. En Moselle - où la chasse est régie par le droit local - un arrêté de janvier 2019 autorisait déjà, pour deux ans, les tirs de jour et de nuit jusqu'au 14 avril. En Meuse, confrontée à la menace de la peste porcine, un arrêté "nuisibles" du 2 sepembre 2019 prévoyait déjà, sur autorisation, les tirs de sangliers jusque fin mars.

Blockbuster

Les causes de la prolifération des sangliers sont multiples. Presque disparu au début des années 60, l'animal a fait l'objet de mesures de conservation avant de devenir un "blockbuster" des tableaux de chasse. Les statistiques de prélèvements annuels par les chasseurs français sont éloquentes :
"Autrefois, quand on tuait un sanglier, c'était la fête", raconte un vieux paysan-chasseur meusien. "Aujourd'hui, les chasseurs, venus parfois de loin, en veulent pour leur argent. Pas question de revenir bredouille". Les fédérations de chasse seraient donc responsables en pratiquant un véritable "élevage" pour satisfaire leurs "clients".

A bon grain, bon groin

La pratique de l'agrainage (épandage de maïs pour nourrir les sangliers) est notamment pointée par les agriculteurs. Loin de "maintenir les animaux dans la forêt", elle leur permettrait de passer l'hiver... tout en les accoutumant au goût du grain. Faute d'accord sur ce point entre chasseurs et agriculteurs, le préfet des Vosges a interdit l'agrainage d'hiver en plaine, et toute l'année en montagne.

Mais depuis quelques années, les chasseurs eux-mêmes conviennent qu'ils sont débordés : "On n'y arrive plus", reconnaît dans l'Est Républicain le directeur de la fédé 54. Lui voit la tempête de 1999 comme déclencheur du baby-boom, ou plutôt du marcassin-boom. "Les chasseurs n'ont pas pu aller dans la forêt pendant des mois".

Refuges

Puis vint le réchauffement climatique : avec les hivers doux, les sangliers ne meurent plus de froid ni de faim. Les laies (femelles) font des petits plus souvent, et ils sont plus nombreux à survivre. Hors chasse, la population peut doubler tous les ans. Enfin, la réduction des espaces "chassables" offre de nombreux refuges aux sangliers : réserves naturelles, cultures, mais aussi infrastructures routières ou zones périurbaines.

L'extension des périodes de chasse devrait permettre de mieux gérer la prolifération. Mais comme le dit Patrick Massenet, président de la fédération des chasseurs de Meurthe-et-Moselle, c'est "compliqué" de chasser en mars car il y a plus de monde dans les forêts. Et il soulève un autre problème : que faire de tous les animaux abattus ? C'est peut-être le moment de s'y mettre en cuisine. Le cours du sanglier est au plus bas. 
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