Haut-Rhin : la révolution du vin à la tireuse, avec des fûts et des bouteilles en consigne

La maison Jean Huttard, à Zellenberg (Haut-Rhin), propose son vin dans un contenant un peu particulier depuis la fin de l'année 2020. Il s'agit de bouteilles consignées et de fûts, destinés à alimenter une tireuse. Une démarche écoresponsable.

C'est une petite révolution dans le monde du vin alsacien. Une révolution verte qui a eu lieu à la maison Jean Huttard de Zellenberg (Haut-Rhin, voir sur la carte plus bas), village de la route des vins d'Alsace... TopMusic a repéré cette démarche écologique... et insolite.

La bière peut se déguster à la tireuse. Alors pourquoi pas le vin ? Deux ans après leur conversion à l'agriculture biologique, c'est le concept écoresponable mis en place par Hélène et Antoine Huttard. La nouvelle génération d'une famille qui a créé son vignoble en 1860... 

Ce concept écologique et durable émerge au lendemain de la rénovation - et végétalisation - de cette maison de vin, pour son 140e anniversaire. Pour ouvrir, et inscrire la viticulture pleinement dans le XXIe siècle. Hélène Huttard a expliqué la démarche de sa famille à France 3 Alsace.
 


Comment est né ce concept ?

"Les vins à la tireuse, c'est un concept qu'on a lancé fin 2020 dans notre nouvel espace de dégustation. Avec mon frère, on s'était posé pas mal de questions sur notre empreinte. Sur nous en tant qu'humains, sur quelle place on a sur cette Terre... Et comment avoir une empreinte plus spirituelle que physique sur ce monde."

"On s'est rendu compte que 60% de notre bilan carbone est impacté par uniquement l'emballage. Ça veut dire qu'on peut être le plus écologique possible à la vigne, malheureusement, dès qu'on veut vendre le vin et le conditionner en bouteille, 60% de notre bilan carbone est impacté par ce déchet-là."
 

60% de notre bilan carbone vient du conditionnement du vin.

Hélène Huttard, co-gérante de la maison Jean Huttard


Quel est le constat actuel ?

"Même si en Alsace, on a une forte attention sur le recyclage, sur le développement durable, sur les consignes... on l'a perdue dans le monde du vin. C'est quelque chose que nos parents, nos grand-parents faisaient. De nos jours, très peu d'entreprises sont capables de trier, de nettoyer le verre. On est de plus en plus performant - malheureusement - sur les étiquettes, donc on a besoin de plus en plus de solvants pour les dissoudre. À l'époque, un bain d'eau dégradait la colle des étiquettes. Sur le marché, il est donc bien plus aisé d'accéder à des bouteilles neuves que recyclées." 


Quelle décision avez-vous prise, et comment ça marche ?

"On a voulu que notre impact soit plus positif. On a retravaillé tout le concept de la distribution du vin. C'est à ce moment-là qu'on a trouvé qu'en France, on produit des écofass. Des fûts qui sont beaucoup plus pratiques et plus légers : ils ont un bilan pour le transport beaucoup plus intéressant, ça génère moins de CO2. Ils sont en plastique, mais ils ne sont pas jetés quand ils sont vides : ils sont consignés. On a donc notre réseau de fûts, en circuit fermé : on va distribuer, récupérer, nettoyer, reremplir et redistribuer [illustration dans la vidéo ci-dessous; ndlr]..." 
 


"Certes, le coût d'achat est un peu plus élevé. Mais vous êtes sur un système de rotation qui est beaucoup plus important et plus durable. Ces fûts de 30 litres, rigides, contiennent une poche souple en aluminium. Elle va s'ouvrir comme un parapluie à l'intérieur et elle va combler tout l'espace avec le vin qui la remplit. Ce qui est très intéressant avec ce système, c'est qu'il n'y a aucun contact entre l'air et le vin. L'air qui est entre l'aluminium et le plastique va compresser la poche, et permettre de faire sortir le vin du fût - et de le brancher à une tireuse."

"L'Alsace a la particularité de recycler beaucoup. Chez nous, les centres de tri recyclent l'aluminium : c'est la matière la plus facile à remettre dans le circuit, car elle se recycle à l'infini. Conclusion : la poche d'aluminium conserve le vin avec propreté, et le fût de plastique la contenant sert à faciliter le transport. En le réutilisant, on évite de polluer."


Quels sont les avantages de ce système ?

"Le principe du fût, c'est de le conserver pendant deux ans - fermé - et six mois à partir du moment où on l'a percé pour le relier à une tireuse. C'est une durée de vie extrêmement longue, on le récupère après. On distribue en CHR, dans les petites épiceries, les bars et restaurants. Ça leur permet d'avoir une cuvée qui n'est pas obligée d'être écoulée rapidement, de ne pas avoir à faire de stock, d'éviter les goûts de bouchon, de dépenser moins d'énergie pour refroidir le vin... L'efficacité dans le service est bien plus importante que s'il s'agissait d'une bouteille, elle est écologique et économique." 
 


Et vos bouteilles, justement ?

"Pour la distribution aux particuliers, on a une bouteille avec une capsule mécanique - comme pour certaines bouteilles de bière ou de limonade - fabriquée en Alsace. Plus proche, on ne peut pas faire. Cela permet au client de venir acheter une bouteille, et de la remplir à l'infini. Le verre est produit dans le nord de l'Italie, c'est la fabrique la plus proche de chez nous, et la plus écologique car il y a 85% de verre recyclé. Elle fait même de la géothermie avec la chaleur des fours. Et la résistance de ce verre est beaucoup plus importante."

"Une bandelette vient sertir le haut de la bouteille, pour certifier que c'est bien fermé, que ça a bien été rempli à telle date. Il n'y a plus d'étiquette, donc il n'y a plus à avoir de nettoyage intensif à l'extérieur."


Quels sont les retours ?

"Les gens viennent, et reviennent. Ils remplissent leurs bouteilles à l'infini. On a créé deux cuvées : l'Effrontée, blanc issu de chardonnay, et rouge issu de pinot noir. Et le rosé va sortir. On peut mettre en fût ce qu'on veut, mais la particularité est qu'on perd l'appellation vin d'Alsace : ce sont des règles présentes dans le cahier des charges depuis les années 70. Les clients s'en fichent et savent que ça vient de la même parcelle que pour mes bouteilles classiques : ce qui leur importe le plus, ce n'est pas l'indication d'origine, mais l'éco-concept." 

 

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