Manifestations des soignants en Alsace : "Des pépettes, pas des paillettes ; des actions, pas des promesses"

Comme à Mulhouse, les personnels soignants ont aussi manifesté par milliers à Strasbourg, ce mardi 16 juin 2020. Ils étaient environ 4.500 dans la capitale alsacienne. Mathilde, Nicolas, Claudia ou Sylvie nous ont expliqué leur état d’esprit et leurs attentes.

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Les personnels soignants, du public comme du privé, ont manifesté ce mardi 16 juin 2020 à Strasbourg. Parmi les quelques 4.500 manifestants qui ont battu le pavé, nous avons rencontré Mathilde, assistante sociale, Nicolas, infirmier anesthésiste, mais aussi Claudia, dix ans de métier ou Sylvie, 20 ans d'expérience. Tous estiment que les applaudissements c’était bien, mais que maintenant il faut vraiment passer aux actes. De toute urgence.

A Strasbourg, cela a été très vite une évidence : il y aurait beaucoup de monde à cette manifestation du monde médical. Ceux qui étaient là parlaient aussi pour les absents. "Il y a eu ceux qui étaient sur le devant de la scène et connu du public, mais il y a beaucoup de métiers inconnus ou insoupçonnés qui étaient présents dans les hôpitaux pendant ces trois mois, comme les psychologues, les diététiciennes, les kiné, les assistantes sociales, les rééducateurs… ».

Mathilde : "Ce qui m'a le plus frappée, c'est le manque de moyens"

"J’ai vingt-deux ans, trois ans d’études et je gagne 1.470 euros nets par mois. Je travaille dans l’hôpital public et mon contrat de travail est un contrat précaire. Même pour louer un appartement, c’est compliqué, face à un propriétaire. Sans parler d’un prêt à la banque, sans CDI, on peut l’oublier. Nous demandons 300 euros de plus par mois, c’est indispensable, mais il faut aussi des moyens pour l’hôpital, car moi ce qui m’a le plus frappée pendant cette épidémie, c’est le manque de moyens."

 

Claudia : "En haut lieu, on ne sait pas que nous existons"

Claudia, dix ans d'expérience. "Cette crise a mis en évidence le manque de dispositifs à l’attention des plus fragiles de la société, les sans-abri, les migrants, des personnes victimes de violences intrafamiliales. Notre métier consiste à aider les personnes hospitalisées, à faire valoir leurs droits pour qu’elles aient tout l’accompagnement et les aides nécessaires pour un bon retour à domicile. Nous leur sommes indispensables, mais en haut lieu, personne ne sait que nous existons, nous sommes des invisibles. On s’est sentis seuls et abandonnés par l’Etat. Moi, au bout de dix ans de métier, je touche 1.800 euros nets par mois. »

 

Nicolas :"J'attends que chacun prenne ses responsabilités"

"J’ai trente-sept ans, pendant la crise du covid19 j’ai été déporté sur l’hôpital de Colmar. En réanimation post-opératoire. J’ai travaillé dans des locaux pas prévus pour cela, mais aménagés en urgence à cause de l’afflux des patients covid. Les conditions étaient très difficiles. Il y avait là du personnel projeté de partout, un manque énorme de matériel, au point où il a fallu faire des choix thérapeutiques. Ça veut dire que par manque de médicaments, on a du faire des mélanges de molécules pour faire une anesthésie ou retirer certains médicaments. Il a fallu adapter les malades aux respirateurs que nous avions, à défaut de pouvoir adapter les respirateurs aux malades. Nous avons dû former au pied levé des moins bien formés que nous et si nous l’avons fait, c’est parce que nous savons intervenir dans toutes les situations. Alors ce que j’attends, c’est que le gouvernement prenne ses responsabilités. Moi je ne suis qu’un pion dans cet ensemble, mais que chacun reconnaisse ses limites. On peut tout entendre. Sur le plan du salaire ? On est les moins bien classé en comparaison des pays voisins, alors que nous travaillons comme eux et avons même des spécialités plus variées et un cursus plus important. La prime annoncée, nous l’attendons toujours, et nous ne savons pas de combien elle sera exactement."

Sylvie : "1, 08 euros pour une heure de nuit, tout est dit"

"Le problème est très ancien, mais la situation ne fait que de se dégrader. On tire sur la corde, on fait des horaires à rallonge. Ce que je demande, c’est plus d’effectif et un salaire décent. Je gagne 1 euro et 8 centimes par heure quand je fais la nuit, soit dix euros la nuit au CHU. Tout est dit."

Aux côtés de tous ces corps de métiers de soignants, des citoyens, des personnes dont on voit que le personnel médical leur est indispensable au quotidien. Une femme plus âgée demande : "Des euros pour nos héros" sur son panneau.

Marie-Colette, 76 ans : "Des euros pour nos héros"

"Moi je suis juste citoyenne et une potentielle patiente de ces soignants. Je les ai applaudi tous les soirs pendant des semaines, alors c’était la moindre des choses de venir les soutenir. Il faut cesser de détruire l’hôpital public, il faut arrêter de fermer des lits et de supprimer des postes. Il y a beaucoup d’argent pour les cliniques privées, il en faut aussi pour l’hôpital public, c’est pour ça que je suis là malgré mes 76 ans."

Un cahier de doléances déposé à la direction de l'ARS 

A l'arrivé de la manifestation devant l'Agence régionale de santé, les représentants syndicaux sont allés à la rencontre de la direction de l'ARS. Christian Prud'homme (FO) faisait partie de la délégation : "Nous avons déposé un cahier de vingt-cinq pages avec nos revendications. Nous y défendons toutes les professions. Ce Ségur est important, il faut en être, pour obtenir l'arrêt de la fermeture des lits, l'embauche de personnel et la revalorisation salariale." 

Dans le Haut-Rhin également, la mobilisation a été importante. A Colmar, mais surtout à Mulhouse qui a été l'un des plus importants épicentres du covid19 en France, où en fin de parcours, le cortège avait rassemblé près de 3.000 personnes sur la place de la Réunion.

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