Légumes, baguettes et pizzas : les distributeurs en zone rurale trouvent leur public, "pratiques là où il n'y a plus de commerce"

Dans les petites communes rurales, des distributeurs sont apparus pour acheter légumes ou pain en libre-service depuis plusieurs années. Beaucoup trouvent leur public, et permettent de maintenir un semblant de commerce de proximité.

La fermeture, ou le risque de fermeture d'une boulangerie ou d'une épicerie dans un village fait souvent la une des titres de presse quotidienne régionale (PQR). Il faut dire que c'est souvent le dernier commerce de proximité sur place.

Parfois, une telle enseigne finit par rouvrir après des années de vacance. Ou alors finit par laisser la place à des distributeurs automatiques en libre-service. Le département de la Marne n'y fait pas exception.

On met ses pièces ou on passe sa carte bancaire. Une porte vitrée laissant voir les appétissantes victuailles s'ouvre alors sur une baguette bien cuite, des légumes savoureux, ou encore une pizza cuite ou à réchauffer chez soi. Le modèle s'est imposé dans de nombreuses communes rurales.

Pour un échec, dix succès

Bien souvent, quoique pas toujours, ces distributeurs trouvent leur public. Et sont donc pérennisés. Tel ne fut pas le cas de celui dédié aux baguettes (il les cuisait au passage), qui avait été installé en 2014 (le premier de la région Champagne-Ardenne) à côté de la mairie de Champillon, village de 500 âmes. Le maire, Jean-Marc Béguin, raconte que des défauts techniques sont en cause, entraînant sa disparition en un peu moins de deux ans. "Le succès était là : ça marchait très bien, les gens du village étaient ravis. Mais comme l'appareil fonctionnait mal, le boulanger en a eu assez et il a fini par abandonner."

"Mais c'était l'un des premiers appareils", concède le maire, fier de cette première expérience quand même. "Maintenant, ce doit être de meilleure qualité." Et en 2024, un nouveau pourrait être installé. Il y en a eu un autre dans la commune voisine de Saint-Imoges (310 âmes), mais la boulangerie qui l'approvisionnait a fait faillite, déplore le maire. Depuis, "les habitants de Champillon n'ont pas d'autre choix que d'aller plus loin" (voir les distributeurs passés et présents cités dans l'article sur la carte (non-exhaustive) ci-dessous).

Mais souvent, c'est un succès. Plusieurs exploitants agricoles du secteur de Coole (150 âmes) y ont implanté, sous un petit abri, un large distributeur. Le village est très peu peuplé, mais la clientèle s'y presse régulièrement, s'épargnant plusieurs kilomètres de voiture. France 3 Champagne-Ardenne en parlait déjà en 2017. En décembre, on y vendait même... des huîtres. Parfait pour les fêtes.

Autre produit frais : le lait. Les distributeurs installés par la Ferme du Tremblay (à Planrupt, Haute-Marne) ont essaimé dans tout le département de la Marne. Le frais sied aussi à certains produits comme les fraises de Sonia Demalvoisine, à Corfélix (110 âmes). Son distributeur - avec le chalet l'abritant - lui a coûté la coquette somme de 25 000 euros.

Si le retour sur investissement tarde à se faire, il lui a offert un gain de temps conséquent. Et c'est précieux. "On est producteurs d'œufs de plein air, de fraises, et de viande limousine." Mais pour des raisons techniques, la viande n'est pas proposée dans le distributeur. "Sans la production de fraises, on ne l'aurait pas forcément installé. Il nous facilite la vente et évite de nous coincer à la ferme à attendre les clients sans pouvoir faire autre chose. Il a clairement trouvé son public." Et ce même en dehors de la période de récolte des fraises : "les clients sont friands des œufs, tout au long de l'année"

Du côté de Sommesous (480 âmes), une véritable mini-épicerie, le Mur des saveurs, propose littéralement de tout : des fruits au pain en passant par la viande et les plats préparés. Mais contrairement à une épicerie, il est possible de s'y rendre 24 heures sur 24, tous les jours de la semaine.

Des distributeurs pallient la fermeture de commerces

Le succès a également souri à Benjamin Guillemot. Boulanger à Fère-Champenoise, il a installé des distributeurs à Gourgançon, Linthes (qu'il va bouger par manque de public vers Normée), et Sommesous (où la boulangerie vient de fermer). "Ça marche bien. C'est pratique pour les endroits où il n'y a plus forcément de commerce : je propose, car des habitants n'ont plus de boulangerie. Le matin, quand j'arrive, je discute avec des clients." Le lien avec le public est préservé le temps de réassortir les baguettes, pains, et même brioches au matin. Le boulanger prévoit déjà de disposer d'un quatrième distributeur de ce type dans le département.

Autre succès : celui de Condé-sur-Marne (750 âmes). Au point qu'à côté du rond-point sud, on trouve non pas un mais deux distributeurs. Le premier pour les fruits et les légumes (vers 2019), le deuxième pour des pizzas (installé en 2021). Le maire, Romain Sinner, parle d'un vrai succès. "Cela fonctionne très bien. C'était déjà le cas pendant le covid. [...] Et depuis, ça marche plutôt bien." De quoi "offrir un commerce de proximité à notre village et aux villages voisins. Beaucoup de gens extérieurs à la commune s'y arrêtent aussi." 

Beaucoup de gens extérieurs à la commune s'y arrêtent aussi.

Romain Sinner, maire de Condé-sur-Marne

Seule ombre au tableau : des voleurs qui ont braqué celui des légumes, quelques fois au cours des dernières années. Le plus souvent pour vider le tiroir des pièces (maintenant, c'est prévenu par le paiement par carte), plus rarement pour voler un peu de verdure...

Devoir compter avec les vols

Le journal L'Union rapportait une telle déprédation (cinq en trois ans) sur le distributeur de légumes de Matougue (620 âmes)  - et ailleurs autour de Châlons - évoquant l'inflation comme cause possible. Ce fut aussi le cas à Coole. Avec un fort préjudice financier à la clé.

Concernant les pizzas, il s'agit d'un marché très lucratif. L'un des gérants, qui vient de revendre son distributeur dans un village, affirme qu'il y a désormais beaucoup de concurrence (il préfère revenir à une méthode de vente plus traditionnelle).

Au point qu'il y aurait maintenant "un distributeur tous les trois ou quatre villages". Et même, hors ruralité, à côté de la gare TGV de Bezannes (à l'intérieur, il y en a un autre qui vend du miel). Ces distributeurs essaiment désormais aussi en ville. Et ça ne semble être qu'un début : la page Internet de la chambre d'agriculture de la Marne en répertorie certains sur sa carte. 

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