Atteinte d'une forme de cancer du sein très agressive, la Marnaise Laure René veut sensibiliser sur l'importance du dépistage et de la prévention.
Assise sur le canapé, son chat à ses côtés, Laure René reçoit dans son appartement lumineux situé à Tinqueux, près de Reims. Ce matin, cette médecin de profession semble plutôt en forme. Du moins, elle essaie. D'ici quelques heures, elle va reprendre son traitement pour lutter contre le cancer du sein qui la ronge. Les jours suivants s'annoncent plus compliqués. "La dernière perfusion, c'était difficile sur le plan digestif, se rappelle-t-elle, et puis il y a la fatigue omniprésente et le goût désagréable de la chimio dans la bouche, mais j'ai trouvé une solution, je prends des sucettes."
A 51 ans, elle sait aussi qu'elle n'a pas le choix. "J'en ai marre des traitements, mais je n'ai pas envie de partir." Donc elle se bat jour après jour. Un combat qui a commencé il y a presque deux ans. "En novembre 2019, je remarque une boule au-dessus du sein, je pense que c'est un hématome mais il ne disparait pas. Je vais voir le radiologue qui me dit "ça ne me plaît pas, on va faire une biopsie".
"Un calvaire"
Les premiers résultats reviennent, négatifs, mais le radiologue lui prescrit de nouveaux examens. "Et là, le couperet tombe. C'était le 17 janvier 2020, je m'en souviendrai toute ma vie, il m'annonce que j'ai un cancer du sein triple négatif, une forme très agressive." Elle sait que le temps lui est compté, qu'elle lutte désormais pour sa survie. Les examens s'enchaînent. La semaine suivante, elle démarre la chimiothérapie. "Et c'est parti pour le calvaire, je suis ratatinée, malade, c'est abominable", résume-t-elle.
Après neuf séances, la tumeur continue de s'étendre. Elle se fait opérer à Paris en juillet 2020. La radiothérapie s'ajoute au traitement. "Je prends alors de la chimio par comprimé qui augmente les effets indésirables de la radiothérapie, les brûlures sont atroces." Elle souffre, mais continue à se battre. Un ganglion apparaît au début de l'année 2021 près du cou. Nouveau coup dur. Les examens révèlent des métastases au niveau des poumons. "Je ne voulais pas repartir sur une chimio, ça ne marchait pas sur moi et j'avais été traumatisée par ce goût dans la bouche, ces odeurs, je ne voulais pas revivre ce calvaire, mais les cancérologues n'avaient que ça à me proposer."
Un cancer difficile à soigner
Au printemps, elle se rend à plusieurs reprises dans une clinique privée en Allemagne qui propose un traitement basé sur la vaccinothérapie et l'immunothérapie. Sa famille la soutient en lançant une cagnotte, car les frais sont élevés. "Quand il n'y a plus rien à faire, vous tentez quand même car vous n'avez pas envie de mourir, insiste-t-elle. Certaines patientes s'en sont sorties après avoir suivi ce traitement, mais pour moi, ça n'a pas marché, le cancer a de nouveau évolué."
C'est un cancer très agressif, il fait ce qu'il veut, où il veut et bloque le système immunitaire.
Ce type de cancer représente près de 15% des cancers du sein et touche chaque année près de 7.500 femmes en France, selon le centre de lutte contre le cancer Gustave-Roussy (Val-de-Marne). Il tient son nom, triple négatif, de l'absence de récepteurs aux œstrogènes, à la progestérone et à la protéine HER2, souvent identifiés dans les cancers du sein et qui permettent des traitements ciblés.
Si aujourd'hui 9 femmes sur 10 guérissent de leur cancer du sein, le triple négatif est l'un des plus difficiles à soigner. Il se développe vite et les chances de survie sont minces. "Au cours des quinze dernières années, aucune innovation thérapeutique n’a émergé pour la moitié des femmes qui rechuteront après leur protocole de traitement standard", précise l'Institut Gustave Roussy. En cas de rechute, la durée médiane de survie est de 14 mois. La Marnaise aimerait qu'un centre de référence du cancer triple négatif soit créé en France. "Cela permettrait d'orienter et d'informer les soignants de toute la France sur ce cancer encore méconnu, explique-t-elle. Il y a des avancées, mais elles sont encore minimes."
Un nouveau traitement
Un nouveau traitement, le Trodelvy, est arrivé récemment en France, mais ne sera autorisé qu'à partir du 1er novembre. Depuis début septembre, Laure René en bénéficie grâce à une autorisation exceptionnelle accordée à certaines patientes gravement atteintes. Elaboré par un laboratoire américain, il allie immunothérapie et chimiothérapie. "Ce n'est pas le produit miracle, il y a des échecs, observe-t-elle, mais il peut augmenter notre espérance de vie."
Chaque jour qui passe est une victoire pour elle. "Dès que je peux, j'essaie de voir les gens que j'aime, qui sont présents, confie-t-elle. Déjeuner avec une amie, papoter au téléphone, c'est important pour le moral de ne pas parler que de cancer, il faut que les gens continuent à nous inclure dans leurs vies de tous les jours." Après l'annonce de sa maladie, certaines personnes s'éloignent d'elle. "On renouvelle son carnet d'adresses, ironise-t-elle. Certains s'en vont, mais vous redécouvrez d'autres personnes formidables."
Il y a encore du travail à faire sur le regard posé sur les personnes malades. Une personne chauve, ça dérange.
Prévention et dépistage
Laure René a accepté de témoigner car "il faut en parler, le cancer ne doit plus être un tabou". Avec ses deux soeurs, elle a monté en, mai dernier, l'association "Une pivoine pour l'avenir" pour faire connaître ce type de cancer et inciter les jeunes femmes à se faire dépister. "Il ne faut pas hésiter à se palper les seins, fréquemment, insiste-t-elle. Et si on sent quelque chose d'anormal, il faut en parler, prendre rendez-vous, même si c'est chiant, même si c'est long, c'est important." En France, plus de 12.000 personnes meurent chaque année du cancer du sein.
La médecin milite également pour avancer l'âge du dépistage organisé du cancer du sein qui ne commence qu'à partir de 50 ans. "C'est trop tard, estime-t-elle. Les femmes touchées par le triple négatif sont souvent jeunes." Environ 40% des patientes ont moins de 40 ans au moment du diagnostic.
Un match de basket au profit de l'association
L'association cherche à récolter des fonds pour aider à financer les traitements non pris en charge par l'assurance maladie et organiser des actions de prévention. A l'occasion d'Octobre rose, un match de basket-ball entre les Pétillantes de Reims et l'équipe de Chartres est organisé ce samedi 16 octobre au gymnase René-Tys.
Une partie des recettes et de la tombola sera reversée à Une Pivoine pour l'avenir, dont la soeur aînée de Laure est la présidente et sa soeur cadette la secrétaire. "On est une famille de battants qui est confrontée au cancer depuis une trentaine d'années, date du premier cancer du sein de notre mère, explique Rose Lison, l'aînée. On se bat pour elle, on se bat avec elle."