L'hippodrome de Reims (Marne) a accueilli la 12e étape du Grand National du Trot, mercredi 18 octobre. Pour l'occasion, de nombreux parieurs de la région se sont réunis pour miser de l'argent. Nous leur avons demandé d'où venait cette passion du turfisme.
"As ! J’ai le couplé 1 - 2, j’ai gagné !" ; "Moi, j'ai le deuxième, quatrième et cinquième, c’est perdu !" À l'hippodrome de Reims, les parieurs chevronnés et amateurs se sont réunis pour assister à la réunion [course hippique] de la douzième étape du Grand National du Trot (GNT), mercredi 18 octobre.
Ils étaient 750 dans les marches et la salle de jeu pour suivre les huit courses de l'après-midi, dont celle du quinté à 13 h 50. Parmi eux, Francine, Jean-Marie et Damien, parieurs depuis de nombreuses années, partagent la passion du jeu, mais pas à la même fréquence, ni pour les mêmes raisons.
La passion des chevaux...
Fils d'agriculteur, Jean-Marie, 75 ans, habite Reims depuis des décennies, mais le rapport à la nature et aux animaux ne l'a jamais quitté. "Si je n'étais pas venu en ville pour travailler, j'aurais eu des chevaux, confie le septuagénaire. J'adore les voir à l'hippodrome, d'ailleurs je ne parie que lorsque je les vois."
Sa voisine de table, Francine, 61 ans, partage cet avis : "ça me détend de les regarder. Mais je suis aussi capable de jouer en ligne, parce qu'à la télévision, on peut quand même bien les observer. Et il y a l'adrénaline du jeu."
...mêlée à celle du jeu
L'adrénaline. Cette émotion intense qui rend parfois accro Damien, 26 ans, venu de Haute-Marne exprès pour l'occasion. "Depuis cinq ans, je joue tous les jours, admet le jeune demandeur d'emploi. C'est une véritable passion, je me déplace parfois sur les hippodromes comme aujourd'hui à Reims." Vincennes, Amiens, Abbeville, il parcourt une partie de la France avec son petit frère Jérémy, 20 ans, attiré aussi par le jeu.
Pour Francine, c'est une façon de décompresser. Atteinte par divers problèmes de santé, l'habitante de Saint-Dizier en Haute-Marne, ne peut plus travailler après avoir passé 30 ans dans les vignes et neuf ans en tant que peintre en bâtiment. "Le jeu me déstresse, m'occupe et m'aide aussi un peu financièrement."
Des paris pour arrondir les fins de mois
La passion, mais aussi l'appât du gain. "Ça m’aide aussi un peu financièrement. En mars par exemple, j'ai remporté 1 300 euros pour un quinté. J’aime bien miser sur les courses étrangères, ça paye bien", s'esclaffe Francine avec Natacha, sa compagne qui travaille aussi dans les vignes. "Pour gagner plus, je joue en ligne en regardant à la télévision", ajoute la sexagénaire. Damien aussi joue chaque jour et parie sur les courses nocturnes, mais pour lui, "il ne faut pas compter sur les paris hippiques pour réellement gagner de l’argent, sauf lorsqu’on a vraiment beaucoup d’informations, on peut mettre plus donc remporter plus."
Pour devenir un expert, certains s'immiscent dans les écuries, suivent les conseils des chaînes spécialisées ou ceux des comptes de parieurs sur les réseaux sociaux. Jean-Marie, lui, fait confiance à son intuition. "Une fois, j'ai vu un cheval s'emballer avant la réunion, il avait mis son jockey par terre et était sorti de l’hippodrome, se remémore le Rémois en souriant.
Vingt minutes plus tard, il a été récupéré pour courir et je me suis dit “ce cheval-là va tout déchirer sur la piste, il est tellement énervé.” Résultat ? Il est arrivé premier."
Un flair qui lui a déjà permis d'arracher le gros lot. "À l'époque, ce n'était pas le même quinté qu'aujourd'hui. On a joué avec sept autres amis, chacun a mis dix francs, on en a remporté 830 000, raconte-t-il les yeux ébahis. Mais une autre fois, on est passés à côté d'un énorme coup. On avait choisi six chevaux au lieu de sept, soit on mettait plus, soit on retirait un cheval. On en a retiré un, en tant qu'enfant d'ouvriers, c'était compliqué. Évidemment, c'était le bon ! On est passé à côté de 183 millions de francs."
Une passion et des risques d'addiction
Si Francine et Damien sont "tombés dedans par hasard", Jean-Marc a hérité de cette passion de ses parents. Néanmoins, tous partagent aujourd'hui cet intérêt pour les courses hippiques avec leur famille. "Je joue avec ma fille qui a 40 ans, sur certains jeux, on met toujours les mêmes numéros 1, 2 et 6. Sauf quand ma petite-fille de quatre ans choisit d'autres chevaux et on l'écoute parce qu'elle a toujours raison", résume en riant la Haute-Marnaise. Un engouement qu'il faut réussir à contenir parce qu'il n'est pas toujours facile de gagner.
"La chance avec les paris hippiques n'arrive qu’une seule fois dans votre vie", affirme Jean-Marie. Mais les courses hippiques, il y en a tous les jours. Il faut donc se limiter. "Quand je joue en ligne, c'est maximum 20 euros par mois, détaille Francine. À l'hippodrome, c'est 50 euros." Chez Damien, le seuil peut fluctuer : "je dépense 50 à 100 euros par semaine, mais si je gagne, je peux jouer plus. Le tout c'est d'être à l'équilibre à la fin."
Les parieurs que nous avons rencontrés l'assurent, il est nécessaire de se fixer un budget. Parfois même d'arrêter, comme l'a fait pendant une période Jean-Marie : "je jouais depuis mes 18 ans, mais à un moment, j'ai eu une maison à rembourser et avec mon bas salaire, ce n'était plus possible."
Attention, l'addiction aux paris sportifs fait l'objet d'une mise en garde par le ministère des sports. "Compte tenu des graves répercussions sur la santé physique et psychologique qui peuvent en résulter, il est important que la personne souffrant d’addiction puisse parler, librement, de ce qu’elle vit ou a vécu, à des personnes de confiance qu’il s’agisse de l’entourage familial, amical ou auprès de structures d’écoute", précise le site du ministère. Parmi ces structures : le numéro anonyme (09 74 75 13 13) de Joueurs-Infos-Service. Pour plus d’informations : https://anj.fr/jouer-en-toute-securite/prevenir-laddiction". Un joueur averti en vaut deux.