Le député Charles de Courson (Utiles) est en poste à l'Assemblée nationale depuis 1993. Près de 30 ans après sa première élection, il a annoncé le jeudi 11 juillet être candidat à la présidence de la chambre basse.
L'annonce n'est pas passée inaperçue. Charles de Courson, 72 ans, haut-magistrat à la Cour des comptes dans son autre vie, est connu pour être le député (Utiles) de la cinquième circonscription de la Marne, autour de Vitry-le-François, et ce depuis sa première élection en 1993. Il y plus de 30 ans.
Depuis, il a été réélu sept fois, la dernière étant pas plus tard que le dimanche 7 juillet 2024, après les élections législatives précipitées par la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron. Mais cette réélection l'a fait vaciller : il ne s'en est fallu que de 400 voix pour que l'extrême-droite s'empare de son siège.
La réputation du septuagénaire (né le 2 avril 1952) le précède : nul n'est besoin de le présenter. Il a toutefois l'ambition d'ajouter une nouvelle corde à son arc : celle de président de l'Assemblée nationale. Jusqu'ici, ses plus hautes fonctions à la chambre basse avait été la vice-présidence de la prestigieuse commission des Finances.
Le député avance ses pions
Le Parisien le cite parmi les prétendants au Perchoir. "Ma candidature s’inscrit dans la nécessité de respecter la Constitution [...]. Il s’agit donc de renforcer le Parlement et de garantir enfin son indépendance par rapport à l’exécutif, ce qui n’est pas le cas lors des précédentes mandatures."
Pour lui, le résultat de ces élections législatives, où le parti présidentiel n'est pas arrivé en tête, signalent "un changement de cap et de méthode". Il se présente donc au poste suprême en sa qualité de "député indépendant, expérimenté et de dialogue" : son élection serait "un signe envoyé au peuple français". Auprès de France Bleu, il a confirmé que "c'est une possibilité" que n'écarte nullement celui qui a fini par être surnommé "l'indéboulonnable" : il est vrai que c'est le plus ancien député encore en place.
On n'en saura guère plus sur cette candidature, pas encore concrétisée en attendant la rentrée parlementaire prévue le jeudi 18 juillet. Mais certains experts ont leur avis sur la question. C'est le cas d'Olivier Dupéron, politologue et directeur adjoint du centre de recherches du droit et des territoires (CRDT) à l'université de Reims Champagne-Ardenne (Urca). Auprès de France 3 Champagne-Ardenne, il explique que "c'est un personnage. Il est connu pour sa rigueur et sa droiture."
Une candidature qui fait sens
Le spécialiste cite aussi les coups d'éclat du député, parfois "spectaculaires" : nul n'a oublié sa farouche opposition à la loi réformant le régime des retraites, qualifiée de déni de démocratie, qui avait été très médiatisée. "C'est incontestable que c'est une personnalité forte de l'Assemblée, aujourd'hui."
"Au moment de rechercher quelqu'un qui aurait de l'expérience et un parcours personnel qui plaide en sa faveur, ça peut être mis au crédit de Charles de Courson." Il y est aussi particulièrement reconnu pour sa maîtrise du droit parlementaire, et son expertise en finances publiques. Également, sa liste de fonctions depuis 1993 à l'Assemblée nationale est longue comme le bras.
Sa candidature pourrait passer pour "une très bonne idée". Le politologue estime que Charles de Courson "a ses chances" en ce moment. "Chaque groupe politique va présenter ses candidats. Mais avec le morcellement de l'Assemblée, aucun candidat n'obtiendra la majorité absolue [289 voix; ndlr]. Donc assez rapidement, aux deuxième et troisième tours, il faudra rechercher des personnalités qui permettent de faire la synthèse, ou de dépasser les formations politiques classiques."
"Et lui, il a un profil qui peut être intéressant. Il est centriste, il n'appartient à aucun des trois - ou quatre - grands blocs qui se découpent aujourd'hui. Il peut satisfaire, rassurer la gauche. Pendant la réforme des retraites, il a fait partie de ceux qui ont cherché à censurer le gouvernement et montré l'opposition parlementaire à Emmanuel Macron."
Des obstacles à franchir
Il devra toutefois se faire pardonner auprès des forces de gauche (qui ont fait jouer le barrage républicain en sa faveur aux législatives) sa proximité avec La Manif pour tous : il a toujours refusé d'étendre le droit au mariage aux couples de même sexe, préférant pour ces derniers une union civile. Côté avortement, il avait finalement voté la constitutionnalisation... car elle ne changeait rien à la loi de 1974. Il n'en demeure pas moins guère favorable à ce droit.
Charles de Courson n'est pas non plus réputé pour être un révolutionnaire.
Olivier Dupéron, politologue
"Il n'est pas non plus réputé pour être un révolutionnaire et quelqu'un qui heurterait le groupe central ou les députés à droite. Il est conservateur. Il fait partie de ce centre-droit qui peut travailler avec des députés allant jusqu'aux Républicains."
"Il vient aussi d'une circonscription très rurale, dont il connaît bien les problématiques. Il y a été réélu de justesse. Il sait ce que c'est de se consacrer au Rassemblement national." De quoi peut-être faire la synthèse. "Il est de ceux qui peuvent sortir du lot."
Mais c'est loin d'être acté. "C'est son mandat le plus difficile, quelque part, car c'est là où sa réélection a été la plus serrée. Et c'est lors de ce mandat qu'il cherche à devenir président de l'Assemblée nationale. Cela peut constituer une difficulté." (voir la ville où est établie sa permanence parlementaire sur la carte ci-dessous)
De plus, son groupe parlementaire ne compte qu'une vingtaine de personnes, toutes du centre ou issues de partis régionalistes. "Il y a plusieurs grands blocs, dont aucun ne le soutient : il pourrait ne pas faire beaucoup de voix au début. On peut imaginer que Les Républicains et Ensemble [la coalition présidentielle ; ndlr] se rejoignent sur un nom commun. La gauche représente aussi un pôle important, mais on voit mal avec quels renforts elle pourrait propulser son candidat au Perchoir."
"On imagine aussi mal l'extrême-droite voter De Courson. Il a toujours eu des positions très claires vis-à-vis de l'extrême-droite." Il faut dire qu'on parle de quelqu'un à l'histoire familiale chargée : père résistant, grand-mère morte en déportation. "Il a toujours été irréprochable sur ce terrain-là, ou en tout cas incontestable", rappelle Olivier Dupéron. Quant aux partis d'Emmanuel Macron, ils pourraient vouloir lui faire payer son obstination à s'opposer à la loi retraites. "C'est possible... Tout est possible : rien ne s'impose avec évidence. Chacun va jouer sa partition."
Des stratégies électorales dures à anticiper
"La règle, c'est majorité absolue au premier et deuxième tour, puis la majorité relative suffit au troisième. Si on va jusque-là, la gauche, si elle parvient à se mettre d'accord, peut tenter de tenir jusqu'au troisième tour. Et pourrait obtenir le Perchoir s'il n'y a pas de recherche de consensus."
"Mais si on va vers cette recherche, pour une candidature qui dépasse les formations principales, alors De Courson peut être une bonne solution. Tout dépendra de cette volonté ou non."
Une candidature du Nouveau Front populaire (NFP) pourrait être "neutralisée" si le camp présidentiel et la droite républicaine s'allient. "Dans ce scénario, la gauche, comprenant qu'elle a perdu, pourrait préférer quelqu'un comme De Courson, plutôt qu'un député d'Ensemble ou des Républicains. C'est LA condition."
Le camp présidentiel, s'il ne parvient pas à conclure d'alliance, pourrait aussi se reporter sur De Courson plutôt que de voir un candidat de gauche élu. "C'est là qu'on a un jeu à plusieurs bandes qui va se faire..." Rendez-vous le 18 juillet, en somme.