Ils en ont assez. Déjà pénalisés par la crise du Covid, les commerçants du centre-ville de Nancy demandent l'arrêt des manifestations rituelles contre le pass sanitaire (et désormais vaccinal) qui plombent, selon eux, leur chiffre d'affaire tous les samedis.
La dernière manifestation nancéienne, samedi 15 janvier, s'est une fois de plus terminée par des échanges musclés en plein centre ville. Jets de pétards contre gaz lacrymogènes, un rituel désormais bien rodé pour manifestants et forces de l'ordre. Mais les commerçants, eux, ont du mal à s'y faire.
Certes, il n'y a pas les violences, les feux de poubelles, les vitrines brisées, qu'on a pu connaître en particulier lors du mouvement des Gilets Jaunes. Le seul manifestant interpellé samedi était coupable… de tags anti-policiers.
Mais c'est la répétition (quasiment tous les samedis depuis juillet) qui exaspère les commerçants, obligés malgré tout de baisser le rideau à l'approche des cortèges.
Aurélie vend des chaussures pour enfants dans le centre-ville. La clientèle, évidemment familiale, évite désormais le samedi après-midi. "Entre 14 et 17 heures, je ne vois personne" se lamente ma jeune femme. A la peur des violences s'ajoutent les rues fermées, les parkings inaccessibles, les trams et bus bloqués.
Vendredi 14 janvier, les "Vitrines de Nancy", l'association des commerçants, interpellait à nouveau le maire et le préfet à la veille d'une nouvelle manifestation en pleins soldes d'hiver. "Combien de fois l’association devra-t-elle répéter à la Préfecture que certes, manifester est un droit, fondamental et respectable, mais travailler dans des conditions correctes l’est aussi ?"
Leur principale revendication serait d'exclure les manifestations de l'hypercentre commerçant. Ils reprochent au préfet de valider des parcours qui passent justement là où, le samedi, les nancéiens vont faire leur shopping.
Pourquoi autoriser un tel parcours ? Celui annoncé pour ce samedi 15 janvier est impensable !
Sébastien Duchowicz, président des Vitrines de Nancy, le 14 janvier dernier.
Et c'est là que le bât blesse. La préfecture avait tenté, fin novembre, d'interdire les manifs au centre ville à l'approche des fêtes de Saint-Nicolas. Mais elle s'était fait retoquer par le tribunal administratif au nom de la liberté de manifester : Plusieurs organisations avaient déposé un recours contre cet arrêté préfectoral qui interdisait toute manifestation, quel que soit le mot d'ordre, à la veille… d'une mobilisation féministe.
Juridiquement, il est en effet délicat pour l'autorité préfectorale de poser une interdiction "à la tête du client", qui serait d'ailleurs facile à contourner. Comment empêcher les "anti-pass" de se greffer, par exemple, sur un défilé de la CGT ou de défenseurs de la cause animale ? "Pourquoi autoriser un tel parcours ? Celui annoncé pour ce samedi 15 janvier est impensable ! "rappelle Sébastien Duchowicz.
Les commerçants appellent donc à une solution négociée : "Le dialogue
semble possible avec les organisateurs, comme en témoignent les exceptions faites à l’occasion du Livre sur la Place ou sur certains samedis de décembre", écrit Sébastien Duchowicz. De fait, le "Bloc Lorrain", animateur du mouvement anti-pass sur Nancy, avait levé le pied avant Noël. Les manifs n'avaient lieu qu'un samedi sur deux, et à l'écart du centre-ville.
Kevin Grillot, (dit "Le Lorrain") est le porte-parole de ce mouvement plutôt "à gauche de la gauche" qui regroupe anti-pass, gilets jaunes et anarchistes. "On propose d'arrêter les manifs durant la période de soldes... si on est reçus par la mairie et par la préfecture. Ce qu'on veut c'est être entendus."
Pour l'instant, le seul dialogue qu'on a, c'est à coups de gaz lacrymogène et de matraques
Kevin "Le Lorrain", Bloc Lorrain
Une forme de chantage qui n'est évidemment pas du goût des intéressés. "Que celles et ceux qui veulent manifester pacifiquement leur point de vue - même si je suis en désaccord avec eux - puissent le faire. Mais il est hors de question de donner une légitimité à une organisation qui ne cherche que la violence" répond Mathieu Klein. Pour le maire de Nancy, le centre-ville est devenu un "théâtre pour des groupes qui ne cherchent que l'affrontement" avec la police.
Les commerçants de Nancy ne sont donc pas tirés d'affaire. Pour le moment en tous cas, ils sont au centre d'un bras-de-fer qui les dépasse.