Rédange, Hayange, Haucourt-Moulaines... depuis plusieurs mois les dépôts d'ordures sauvages se multiplient dans le Nord lorrain, à proximité des frontières belge et luxembourgeoise, parfois par camions entiers venus des pays voisins. Désemparés, les élus locaux tirent la sonnette d'alarme.

"C'est une véritable explosion". Lors des contrôles aux frontières, les douaniers ne saisissent plus seulement des stupéfiants, du tabac ou des vêtements de contrefaçon. Depuis deux ans, les déchets en tous genre sont devenus un produit phare de la contrebande aux frontières Nord de la Lorraine. 

"En 2017, nous avions effectué 11 constatations pour un total de 7 tonnes d'ordures. En 2018, 42 infractions relevées pour 135 tonnes. Et 2019 confirme la tendance", nous révèle Thomas Daguin, inspecteur principal des Douanes à la division Lorraine Nord. Mais les contrôles aux frontières sont aléatoires, et les tonnages déversés dans la nature sont beaucoup plus conséquents.

Comme toutes les "marchandises", les ordures peuvent circuler en Europe, à condition d'être en règle. Et en particulier d'avoir pour destination un centre de traitement des déchets homologué. Mais le traitement, ça coûte de plus en plus cher. Et beaucoup - particuliers ou entreprises - préfèrent se débarrasser du problème... chez le voisin. La Lorraine, ses anciennes carrières et ses friches industrielles, semble être la destination rêvée pour y jeter discrètement ses déchets.

Cela commence par le particulier belge ou luxembourgeois qui traverse la frontière avec ses sacs poubelle, pour échapper à la redevance "au poids", et s'en débarasse dans le fossé.  Il y a aussi les artisans du bâtiment qui évitent ainsi de payer la déchetterie. Mais parfois le trafic prend des formes industrielles, avec une organisation digne de la Mafia.

A Rédange, en Moselle, ce sont plus de 200 tonnes d'ordures qui se sont accumulées depuis l'automne dans une ancienne carrière. Le maire ne peut rien faire : le terrain est privé. Les riverains qui ont fouillé les ordures ont trouvé la trace de l'expéditeur, une société belge.

A Haucourt-Moulaines, près de Longwy, en octobre, même noria de camions pour déverser 500 tonnes de déchets "encore fumants", en quelques nuits, sur un ancien crassier de hauts-fourneaux. Un chauffeur est interpellé. Les policiers remontent vers l'entreprise de transport, et son donneur d'ordre : Mondial Services, société logistique belge.

Dernière affaire en date à Hayange, le 16 décembre dernier. Les policiers municipaux surprennent un camion embourbé dans une friche industrielle. Deux chargements de quarante tonnes ont déjà été déversés sur place, pour l'essentiel des textiles et chaussures. Le chauffeur maladroit est interpellé. Le donneur d'ordre est encore Mondial Services, mais la "marchandise" vient de Snoeys Recyclage. une société de Brecht, près d'Anvers, qui garantit à ses clients un service "rapide et correct" pour le traitement de leurs déchets...

Des entreprises qui n'hésitent pas à s'approprier des sites en déshérence, en cassant le cadenas si nécessaire... pour y mettre le leur. Allant parfois jusqu'à usurper l'identité d'un destinataire français, pour pouvoir produire un "bon de livraison" en cas de contrôle.

Face à ce type d'organisation, les élus locaux sont débordés. Plusieurs d'entre eux ont interpellé l'Etat pour qu'il renforce, en amont, les contrôles aux frontières. Mais la douane a d'autres priorités. Quant au traitement judiciaire des affaires déjà mises à jour, il s'annonce laborieux.
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