Quatzenheim ce mardi, Herrlisheim, Sarre-Union... Les profanations de cimetières juifs et inscriptions antisémites aux murs se multiplient en Alsace. Pourquoi autant d'actes antisémites en Alsace?
La profanation de cimetières juifs en Alsace n'est malheureusement pas une nouveauté. Et si d'autres affaires non-alsaciennes, comme la profanation du cimetière de Carpentras (Vaucluse) en 1990, ont marqué les esprits en France, les profanations en Alsace se sont multipliées ces dernières années et ces derniers mois : la profanation du cimetière juif de Quatzenheim ce mardi 19 février 2019, deux mois après celui de Herrlisheim en est le douloureux symbole.
Un antisémistisme qui se lit aussi en dehors des cimetières, sur la permanence du député Bruno Studer en janvier 2019, sur un centre d'accueil pour demandeurs d'asile à Strasbourg également en janvier, sur la maison du maire de Brumath en novembre 2018, sur les murs de la mairie de Zoebersdorf en octobre 2018, sur une aire de jeu pour enfants dans le parc de la Robertsau, à Strasbourg, en 2017...
On relève depuis l'an 2000 au moins 11 profanations de cimetières juifs alsaciens (Wolfisheim, Cronenbourg, Rosenwiller, Pfastatt...) la plus marquante étant celle de Sarre-Union, en 2015. C'était la septième fois que ce cimetière était profané depuis 1945. Le pays tout entier avait été marqué, le chef de l'État d'alors, François Hollande, avait fait le déplacement. Les profanateurs, mineurs à l'époque des faits, étaient tous originaires de la région, voire du village et n’avaient pas d’antécédent judiciaire.
De nombreux cimetières juifs
Comment expliquer ce particularisme régional? Pour le politologue Richard Kleinschmager, c'est d'abord une raison démographique: "L'Alsace a historiquement été peuplée par de nombreux Juifs, notamment en zone rurale. C'est pour ça qu'il y a autant de cimetières juifs dans les petits villages."
L’historien Thierry Legrand, interrogé par France 24 en 2015 ne disait pas autre chose: "Ce n’est pas parce qu’il y aurait plus de groupes néonazis qu’ailleurs, bien au contraire: il y a un dialogue interreligieux qui fonctionne très bien dans la région. S’il y a régulièrement des profanations de cimetières juifs dans la région, c’est tout simplement parce que l’Alsace a été durant de nombreux siècles une terre d’accueil pour la communauté juive, et qu’il y a de nombreux cimetières juifs."
Mais si l'Alsace n'est pas antisémite, "elle a un passif", explique Richard Kleinschmager, interrogé ce mardi par France 3 Alsace. "Au XIIIe siècle, on a brûlé 2.000 Juifs à Strasbourg. Et il y a eu la nazification lors de la Seconde guerre mondiale. Ça laisse des traces. Et le politologue de rajouter: à cause du climat délétère, la haine du juif ressurgit. Il constitue un bouc-émissaire."
"Je parle de cette omerta qui existe dans toute l'Alsace du Nord"
Maurice Dahan, le président du consistoire israélite du Bas-Rhin, présent à Quatzenheim, a vivement réagi à cette nouvelle profanation et parle, lui, d'une omerta. "Quand je parle de silence, je parle de cette omerta qui existe dans toute l'Alsace du Nord que je stigmatise volontairement maintenant parce que ce n'est pas possible qu'on tague partout en Alsace, des croix gammées partout, des "sales juifs" partout et que personne n'ait jamais rien entendu, personne n'ait jamais rien vu et que personne n'ait même entendu un de ces voyoux, peureux, pas courageux, s'exprimer autour d'une bière [...]. Il est temps que les gens ouvrent leur bouche et disent ce qu'ils entendent et que la police et la gendarmerie puissent faire leur travail."
La semaine dernière, Maurice Dahan a rédigé un manifeste pour dénoncer et contrer la montée de l'antisémitisme: "Le Cri de Strasbourg". Un manifeste dont il a rappelé l'existence à Emmanuel Macron, venu visiter le cimetière de Quatzenheim juste après sa profanation.