Des forêts, un jardin, des pâturages, un fleuve. Comment des personnes apprennent à les regarder autrement pour les exploiter différemment. Avec plus respect et moins de profit. Et comment des artistes rendent compte de ces évolutions, où la place de l'homme se fait plus humble. "La disparition des lucioles, une nature redessinée", un documentaire de Vincent Marie à voir sur les antennes de France 3.
Ce sont des hommes et des femmes qui vivent à la campagne. Ils vivent de leurs terres, ou tout simplement dans des espaces ruraux, des paysages moins urbains. Ils vivent dans et avec la nature. Cette proximité les a amenés à l'observer et à l'étudier jusqu'à remettre en cause les us et coutumes. Qui revoit un système de pâtures, qui s'affranchit de la mode du jardin anglais, qui encore veut donner des droits juridiques à un fleuve, aussi vivant qu'un être humain.
Et puis il y a les artistes, illustrateurs et auteurs de bandes dessinées qui observent à leur tour ceux qui observent la nature. L'homme qui a vu l 'homme. Ils les croquent, chacun dans son espace naturel, faisant de ces paysages des personnages à part entière de leurs BD.
Voici trois bonnes raisons de se laisser porter par le documentaire La disparition des lucioles, une nature redessinée" de Vincent Marie. À retrouver en cliquant sur ce lien.
1. Pour les paysages et la diversité de nos campagnes
Quoi de plus beau que le lit d'un fleuve, surtout quand ce fleuve s'appelle la Loire ? Quoi de plus naturel qu'une forêt dans un massif montagneux ? Les paysages de notre nature ne cessent de nous enchanter partout où on prend le temps de les observer. Qui ne s'est jamais surpris à suivre le vol de l'abeille bleue, qui butine sur la verveine de Buenos Aires, ou les reflets irisés du carabe doré ?
Et même les lignes tracées au printemps ou à la sortie de l'été dans les champs par les engins agricoles, qui dessinent des courbes au gré des champs vallonnés, impriment en nous la poésie des lieux.
Les témoins du documentaire La disparition des lucioles sont tous tombés en amour avec leur lieu de vie et la biodiversité qui le compose. En Normandie, ce sont deux éleveurs qui aiment leurs terres certes, mais lui préfèrent leurs vaches. Dans les Cévennes, c'est le paysage et la vie de son village qui passionnent Aurel, à travers l'histoire d'une menuiserie qui se transmet de génération en génération.
Quant à Claudie Hunzinger, elle semble habitée par son territoire, dans les Hautes Vosges. Elle connait tous les recoins de la forêt, toute la faune qui y vit, les champignons et les essences d'arbres, sans oublier les arbres "morts", où la vie grouille paradoxalement. Elle fait corps avec la nature qui l'entoure de manière "m'extraire de moi-même, m'affranchir du genre humain, élargir mes sens".
Mais Pascal Rabaté, auteur de bande dessinée, confie malgré tout au réalisateur : "pour moi, c'est l'humain qui m'intéresse, mais le paysage est un personnage à part entière. Si je n'ai pas de lieu où j'inscris mon truc, j'ai du mal à croire à l'existence de mon récit".
2. Pour les personnes qui font bouger les lignes
"Ce sont des personnes qui se posent la question légitime de l'aménagement de leur espace de vie", indique Etienne Davodeau, quand il évoque l'histoire de la ferme de Catherine et Philippe, qui a été rasée pour faire passer une autoroute. "À l'époque, on ne parlait pas des "soulèvements de la terre", des ZAD (ndrl : zones à défendre) mais c'était la même chose ".
En Normandie, le frère et la sœur, Xavier et Emmanuelle Braux sont éleveurs laitiers. Ils sont passés au bio à une époque où on leur expliquait qu'il n'était plus rentable de rester en conventionnel. "Ça peut être intéressant de témoigner de leur histoire et de ce qu'ils font aussi pour nous" explique Aurélie Castex (co-autrice et dessinatrice de Terre ferme). Car avec leur façon d'observer leur environnement, avec leurs vaches en point central, ils ont remis en questions le pâturage traditionnel et ont opté pour une solution plus adaptée à la terre et aux bêtes.
3. Pour les BD qui donnent à voir ces changements
Et si ces agriculteurs, ces acteurs des territoires redessinent les lignes, s'ils repensent leurs paysages autrement, pour les épargner et épargner la vie qui s'y trouve, les illustrateurs donnent à voir leurs avancées. À travers, leurs BD, leurs dessins et leurs interprétations, ils font de ces agriculteurs, de ces gens engagés, les personnages de leurs ouvrages.
Etienne Davodeau, auteur de Rural !, a choisi de raconter l'histoire de Catherine et Philippe, agriculteurs qui voient leurs terres et leur maison préemptées pour la construction d'une autoroute. "Aujourd'hui, quand vous allez de Cholet à Angers, vous passez dans leur salle de bain". Et à partir du drame qu'ils ont vécu, il nous interpelle sur nos usages, nos manières de vivre. "On prend tous l'autoroute, l'avion, le train et sans le savoir, on passe sur des vies". Dans un autre livre Le droit du sol, il évoque son chemin par la fameuse "diagonale du vide" vers le centre d'enfouissement souterrain de déchets nucléaires à longue vie à Bure en Meuse.
" Ils m'apparaissent comme des héros de notre époque, qui prennent [des décisions] envers et contre tout, à l'encontre de notre société, qui n'est pas encore passée à ça", s'extasie Elise Gruau (co-autrice de "Terre ferme"). Des héros qu'elle met en scène dans sa BD.
Enfin, il y a Simon Hureau, qui s'est installé en Touraine et qui est littéralement fasciné par la vie de la flore et de la faune de son jardin. Dans L'Oasis, il l'évoque amoureusement : "il faut avoir envie d'être émerveillé par tout ce que propose ce décor : odeurs, couleurs, renouvellement des saisons, chant des oiseaux, de beaux insectes.(...) C'est un dialogue, une quête d'harmonie. Une oasis de biodiversité au milieu d'un environnement mis à mal, à défendre".
Sa façon à lui de militer pacifiquement comme les autres auteurs illustrateurs qui s'emparent de la thématique de la protection de l'environnement. En espérant toucher un public le plus large possible et faire bouger nos rapports à la planète qui nous accueille.
La disparition des lucioles, une nature redessinée, un documentaire de Vincent Marie à voir ici.