À partir de ce mardi, la métropole de Lille déconseille de faire boire l'eau du robinet aux bébés de moins de 6 mois.
À compter de ce mardi 17 septembre, la consommation de l'eau du robinet est déconseillée pour les femmes enceintes et les nourrissons de moins de six mois, dans 74 communes (sur 90) de la Métropole européenne de Lille (MEL).
La MEL avait annoncé vendredi dans un communiqué qu'il s'agissait d'une "recommandation" en vertu du "principe de précaution" car la teneur en perchlorates, dans l'eau courante, dépasasit le seuil de 4 microgrames par litre.
Qu'est-ce que c'est ?
Le perchlorate d'amonium "est un ion, c'est un produit chimique qui entre en compétition avec l'iode" nous expliquait en 2013 Sandrine Segovia-Kueny, directrice générale adjointe chargée de la santé publique à l'Agence régionale de la santé (ARS).
Selon le site internet de l'ARS, les sels de perchlorates, très solubles dans l'eau, "peuvent être utilisés dans de nombreuses applications industrielles, en particulier dans les domaines militaires et de l’aérospatiale (propulseurs de fusées, dispositifs pyrotechniques, poudres d’armes à feu, etc)".
D'où est-ce que ça vient ?
On trouve des traces de perchlorate dans l'environnement à la suite de rejets industriels, mais l'hypothèse la plus probable sur l'origine des perchlorates dans le sol est qu'il s'agit d'un résidu des explosifs utilisés il y a un siècle pendant la Première Guerre mondiale. Une théorie renforcée par le fait que les zones les plus touchées par cette pollution correspondent à l'ancienne ligne de front.
Aujourd'hui encore, ce perchlorate pollue les sols. Si l'on en parle aujourd'hui, c'est parce que la MEL se dit contrainte, dans un communiqué, de "diversifier" ses sources d'approvisionnement en eau : les "trois années de sécheresse consécutives" ont descendu les nappes phréatiques à un niveau critique, aussi "la MEL a décidé de mobiliser des forages situés au sud de la métropole pour lesquels la présence de traces de perchlorates est identifiée"
Est-ce que c'est dangereux ?
Quatre microgrammes de perchlorate par litre d'eau, suffisant pour justifier le principe de précaution mais pas assez pour représenter un réel danger. Il faudrait que ce taux atteigne 15 microgrammes par litre pour que la consommation d'eau soit interdite pour les femmes enceintes, indique l'ARS. En revanche, "l'eau du robinet ne doit pas être utilisée pour préparer les biberons à partir de 4 microgrammes par litre".
"Il n’y a pas lieu de s’inquiéter plus que de mesure mais il est nécessaire de protéger les nourrissons dans cette période particulière" souligne
Les perchlorates "ne sont classés cancérogènes ou mutagènes par aucun organisme international" précise l'ARS. En revanche, ils "interfèrent avec le processus d’incorporation de l’iode par la thyroïde". Ainsi, le risque serait que le perchlorate ingéré en trop grande quantité provoque des problèmes d'hypothyroïdie chez les nourrissons, et donc des problèmes de croissance ou de développement neurologique.
Est-ce inédit ?
C'est loin d'être la première fois que l'on parle de perchlorate. En octobre 2012, déjà, un arrêté avait été pris par les préfets du Nord et du Pas-de-Calais pour restreindre la consommation de l'eau du robinet pour les nourrissons et les femmes enceintes. Cinq mois après, la situation n'était d'ailleurs toujours pas réglée.
Le problème a même resurgi en novembre 2017. Dans la commune de Brebières, à la frontière entre le Nord et le Pas-de-Calais, le maire indiquait alors que le problème était récurrent depuis 2013. "Quand il y a une petite anomalie, nous en sommes informés" expliquait-il alors. "Comme sur celle du mois d'octobre, où on nous disait qu'il y avait des ions de perchlorate dans l'eau et qu'il fallait faire attention."
Le problème peut-il être réglé ?
Alors que peut-on faire ? Si l'eau distribuée dans les robinets provient d'un forage où du perchlorate a été détecté, c'est en partie à cause du niveau critique des nappes phréatiques. Respecter les restrictions d'usage de l'eau, alors que le département du Nord se trouve toujours en état d'alerte sécheresse, pourrait permettre plus rapidement un retour à la normale.D'autres solutions existent, pour les collectivités. L'ARS rappelle que "le traitement des perchlorates par des résines échangeuses d’ions ou des procédés membranaires peut être envisagé, afin de réduire leur teneur au robinet".