Témoignage. "On ne va pas laisser passer ça" : la compagne de "Manu", le "Gilet jaune" qui a perdu un oeil, est choquée

Publié le Mis à jour le Écrit par HT/SR/EM

La compagne du manifestant valenciennois qui a perdu un oeil après un tir de grenade lacrymogène samedi à Paris, témoigne.

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Séverine est choquée, désemparée et aussi révoltée. Son compagnon, Manuel T. dit Manu, intérimaire dans l'industrie automobile, a été touché par une grenade lacrymogène samedi à Paris. Ce lundi, après une intervention chirurgicale à l'hôpital Huriez (Lille), il a appris qu'il avait définitivement perdu son oeil gauche.

"Le globe a été coupé à cause de la violence de l'impact. Les os sont fracassés, du coup, ça ne tient plus le globe oculaire. Il a maintenant l'oeil bandé. Par la suite, il devra sûrement mettre une prothèse. Il souffre beaucoup...", témoigne Séverine au bord des larmes. 

"Il est choqué. Il se demande ce qu'il va faire de sa vie maintenant. Il a 41 ans. On essaie de le rassurer comme on peut. On lui dit qu'il va s'habituer. Il garde quand même son calme. J'ai l'impression qu'il garde la rage à l'intérieur de lui. Il en veut au gouvernement, aux CRS, à tout ce qui a fait que, alors qu'il était tranquillement en train de parler, pacifiste comme nous le sommes depuis le début du mouvement, il a été visé... Alors qu'il était juste tranquille. Il se pose beaucoup de questions."
 


Séverine est aussi revenue sur les conditions dans lesquelles son compagnon a été touché par le tir de grenade lacrymogène. Comme le montre la vidéo filmée par un street-medic, Fred, Manuel T. était en train de parler avec d'autres manifestants, place d'Italie, quand il a reçu ce projectile dans l'oeil. "Ça aurait pu être moi ou le street medic ou la personne derrière nous. C'était un tir droit alors que c'est censé être des tirs cloche pour exploser avant de retomber. Pourquoi à hauteur d'homme ? On ne comprend pas. La grenade a éclaté juste après l'impact sur Manu. Je n'ose même pas imaginer si elle avait éclaté au moment de l'impact."
 


Manuel et Séverine sont "Gilets jaunes" depuis le début du mouvement. Ils ont participé à de nombreuses manifestations. Ils revendiquent ce droit, malgré les violences récurrentes. "On va évidemment porter plainte. On ne va pas laisser passer ça. Il y a déjà eu énormément de blessés inutiles. A chaque fois, c'est tombé dans les oubliettes. Mais là, vous avez vu la vidéo ! On ressent ça comme une grand injustice." Et elle poursuit : "On travaille dur. On aimerait pouvoir vivre, et pas juste survivre. Nos enfants ne manquent de rien, mais on travaille, on paye, on ne fait que ça. On trouve ça injuste de perdre un oeil pour ça. C'est notre droit de manifester pacifiquement, pour exprimer notre mécontentement."
 
Ce lundi, la préfecture de police a annoncé que l'IGPN (Inspection générale de la Police nationale) allait être saisie sur cette affaire "à la demande du ministre de l'Intérieur". De son côté, le parquet de Paris a ouvert une enquête judiciaire pour "violence par personne dépositaire de l'autorité publique avec armes ayant entraîné une interruption temporaire de travail de plus de huit jours". 

Les manifestations de samedi, marquant le premier anniversaire des "gilets jaunes", ont été émaillées de scènes de chaos dans certains quartiers de la capitale. Selon le décompte du journaliste indépendant David Dufresne, 24 personnes ont été éborgnées depuis le début de ce mouvement inédit de contestation sociale.




 
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