À Creil, le quartier prioritaire du plateau, avec plus de 20.000 habitants, est l'un des plus peuplés de France. Ici, sept familles sur dix vivent avec moins de 1 000 € par mois. La pauvreté y côtoie souvent les incivilités et les petits trafics. Une image dévalorisante colle à la peau des habitants du quartier et pénalise les jeunes à la recherche d'un emploi ou d'un stage.
Des tours et des murs de béton comme seul horizon. De Creil à Nogent, en passant par Montataire, dans l'Oise, grandir dans les quartiers érigés dans les années 1970, c'est se confronter, aujourd'hui, à une dure réalité. Ici, le taux de chômage des jeunes est deux fois plus élevé qu'ailleurs en France. Selon l'INSEE, la part des 16-25 ans sans emploi ni formation dans le bassin creillois, atteint 47 %.
Dans ces grands ensembles, vivent des familles nombreuses et des jeunes dont les parents sont employés ou ouvriers. Malgré la précarité et parfois les discriminations, pour la plupart, il est hors de question de ne pas croire en leur réussite. "Qui dit personnes de cité dit vols, dit mauvais langage, dit personne qui ne respecte personne, quelqu'un de mauvais", remarque Joelie Médina, stagiaire à l'école de la 2è chance. Et d'ajouter : "Et du coup, voilà. La réalité, c'est que forcément, tout le monde n'est pas comme ça et que d'autres cherchent à avancer dans leur projet professionnel pour avoir une vie beaucoup plus meilleure."
Qui dit personnes de cité dit vols, dit mauvais langage, dit personnes qui ne respectent personne, quelqu'un de mauvais. Et du coup, voilà.
Joelie Médina, stagiaire à l'école de la 2è chance
"Quand on vient de Creil, c'est forcément plus difficile pour réussir"
À Creil, pour celles et ceux qui peinent à trouver une voie professionnelle ou les décrocheurs scolaires, une structure offre à ces jeunes une deuxième chance : remise à niveau, cours de bureautique, ouverture au monde. Autre point fort pour redonner confiance à ces jeunes : des stages en milieu professionnel. "Tu ramènes un CV, tu viens du plateau, de la ZAC, c'est pas très bien vu, parce que les gens ils ont une vision des quartiers qui sont : "Voilà, c'est des chômeurs, c'est pas des gens qui ont envie, c'est pas des gens sérieux. En fait, non, il y en a des gens sérieux ! Il y en a qui sont pas sérieux, mais comme partout, comme partout.", témoigne Yemna Bezzerrouki, élève à l'école de la 2è chance de Creil.
Pour Adam Bussy, stagiaire à l'école de la 2è chance, "grandir à certaines adresses, c'est un peu compliqué, certaines adresses font peur. Mais pour moi, tant qu'on a des valeurs, des principes, on peut y arriver tout simplement." Il concède : "C'est vrai que c'est un peu compliqué, on va dire, de grandir dans ces endroits-là. Comme un peu partout, il y a de la délinquance, il y a plusieurs chemins qui nous mènent à la faillite. Mais tant qu'on a les valeurs et les principes, il n'y a pas de soucis. Tant qu'on veut, on peut."
Des stagiaires déterminées à mettre à mal les préjugés
Discriminations à l'embauche, inégalités sociales, le chemin de la réussite est semé d'embûches. Porter le voile peut générer une stigmatisation supplémentaire, quand on vient "des quartiers". Wided Sama, bénévole de l'association Humanity Project, raconte : "Je ne sais pas si j'ai été recalée par rapport à ça, mais, par exemple, j'avais cherché un stage en crèche, donc j'avais eu la dame au téléphone, elle m'avait dit que c'était bon. Et quand je l'ai vue, pour un entretien, elle ne m'a plus rappelée... Je ne sais pas si c'est par rrapport à ça ou peut-être que ça prend du temps..."
Briser le plafond de verre
À Montataire, le lycée Malraux était avant en proie à des émeutes à répétition. Désormais sécurisé, l'établissement est devenu l'un des meilleurs du département, avec 90 % de réussite au bac général. Mais même avec des bonnes notes, les élèves font face à un manque de confiance en eux et des difficultés de choix d'orientation.
Je pense qu'en habitant à Montataire, on a une auto-censure. Parce qu'à Montataire, on est un petit peu restreints dans notre milieu... On va plus aller, par exemple, à Amiens, ou juste à côté, pour faire nos études.
Marion François, élève en Tle au lycée André Malraux de Montataire
Enquêtes de région. La jeunesse dans les Hauts-de-France
Mercredi 31 janvier à 23h20 sur France 3 Hauts-de-France et sur france.tv
Les invités d'Ophélie Masure
"Enquêtes de Région", le magazine de reportages de France 3 Hauts-de-France, se pose la question : "Ça veut dire quoi, être jeune dans les Hauts-de-France en 2024 ?".
Au sommaire, trois reportages pour interroger et mieux comprendre la jeunesse d’aujourd’hui : les jeunes et l’amour, les jeunes et le travail, les attendes des jeunes dits "des quartiers"
- Sofiane Casisa, vice-président Etudiants de l’Université de Picardie Jules Verne, à Amiens
- Romain Dupuis, chef du service Jeunesse de la ville d’Amiens et des jeunes des services civiques engagés dans l’association Uniscités