Ce vendredi 22 mars, Zohra Hamdane, journaliste à France 3 Picardie, a pu entrer dans la prison de Liancourt dans l'Oise. Une visite en présence de l'eurodéputée RN Mylène Troszcynski.

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En arrivant devant la prison de Liancourt dans l'Oise, la chaussée est noire, brûlée. Ce sont les traces de la dernière mobilisation des surveillants. Ils manifestaient à l’appel de leurs syndicats pour réclamer de meilleures conditions de travail, et surtout davantage de sécurité. Une mobilisation qui fait suite à l’agression survenue à la prison de Condé-sur-Sarthe dans l’Orne. Deux surveillants ont été grièvement poignardés mardi 5 mars dernier par un détenu radicalisé. 
 

En réaction à cette agression, d'autres blocages ont eu lieu dans plusieurs prisons françaises, et en Picardie, les blocages ont duré plusieurs jours, à Beauvais, à Laon. Le 12 mars, un détenu agresse un surveillant en essayant de l'étrangler.
 

Un accès possible uniquement par le biais des parlementaires


En tant que journaliste, j’observe qu’il est de plus en plus difficile de réaliser des reportages à l’intérieur des prisons. Nos demandes sont presque systématiquement refusées par l’administration pénitentiaire. Ces derniers mois, nous n'avons pu y entrer que par le biais des parlementaires. Leur statut leur offre la possibilité d’aller dans n'importe quelle prison quand ils le souhaitent. Et ils ont le droit d'emmener avec eux des journalistes. Comme ce fut le cas du député LREM de l’Aisne, Jacques Krabal en août  2018 à Château-Thierry.
 
Ce vendredi matin, nous avons reçu l’invitation de la députée européenne RN Mylène Troszcynski pour rentrer à la prison de Liancourt. Au vu du contexte tendu de ces dernières semaines, nous avons saisi l’occasion. Mais sans caméra : nous ne pourrons tourner aucune image ni faire aucune photo. 

Je suis la seule journaliste à être présente. En arrivant, j’explique qu’il nous est très compliqué de rentrer dans les prisons, que cette absence de transparence nous empêche de rendre compte de la réalité, donc de faire notre métier. Et que ce qui nous intéresse ce matin-là, c’est de voir l’intérieur de cette prison, de connaître son fonctionnement, les conditions de vie des détenus, et bien évidemment les conditions de travail des gardiens de prison.
 
La directrice du centre pénitentiaire, Aude Wessbecher, nous accueille dans son bureau. C’est elle qui nous fait visiter la prison de Liancourt qui semble être en bonne état. 614 détenus vivent ici. Et 20 dans le quartier des mineurs. Il n’y a ici que des hommes. Ce centre n’accueille plus que des condamnés. L’établissement est labélisé pour accueillir les personnes ayant été jugées pour actes sexuels.

Visite guidée


Nous avons l’obligation de déposer nos portables. Après être passés par un portique de sécurité qui détecte les métaux, nous découvrons une cour intérieure avec à notre droite, une zone consacrée aux parloirs. Vingt au total. Nous voyons quelques familles d’assez loin.

L’une des particularités de ce centre pénitentiaire, ce sont les UVF (unités de vie familiales privées) : 4 appartements , deux T2 et deux T3. Les détenus peuvent y accueillir leur enfant, leur femme pour quelques heures. Ces visites ne sont possibles qu’après vérifications des mesures de sécurité. Cela permet au détenu de ne pas couper le lien avec ses proches, et de préparer sa réinsertion. Dans cette prison, il y a une bibliothèque, des ateliers.

Dans un autre bâtiment totalement sécurisé là encore, le quartier disciplinaire, avec une salle qui ressemble à un petit tribunal. C'est là que sont instruites les affaires dont la sanction va jusque 30 jours de prison. Il s'agit généralement d'affaires de drogue.

Comme je n'ai plus mon portable pour faire des photos, je demande à la directrice de me prêter le sien : elle m'enverra les clichés par mail dans la journée. Je prends des dizaines de photos et finalement, on ne m'en enverra qu'une seule : 
 
 

Il manque une vingtaine de surveillants pour espérer un climat social serein


La prison de Liancourt compte 230 surveillants. "Il en manque une vingtaine, explique la directrice du centre pénitentiaire, Aude Wessbecher. Cela permettrait d’avoir de meilleures conditions de travail et d’éviter les tensions entre surveillants et détenus".  Davantage de moyens humains permettrait d’avoir des relations plus sereines. J’apprends qu’un code de bonne conduite est demandé aux gardiens, comme respecter le vouvoiement pourtant obligatoire. Il manque des personnels soignants. Un kiné, un dentiste notamment. 
 

La lutte contre radicalisation, un objectif permanent 


Les gardiens sont formés pour éviter que les détenus ne puissent se radicaliser. Cela n’est pas fréquent mais peut néanmoins arriver. Les surveillants doivent savoir reconnaître les signes : lorsque le détenu ne parle plus ou se coupe de sa famille, il peut basculer vers l’islamisme radical. "Les gardiens doivent observer ces changements de comportements afin de les protéger. Quand un déténu en voie de radicalisation est détectée, nous le changeons de bâtiment ou de prison lorsque cela est possible", explique la directrice.

À Liancourt, les gardiens portent des gilets de protection pour éviter les agressions au couteau. Une avancée selon la directrice. 

Une cellule, un détenu. Pour éviter les tensions. Une situation rare par rapport à d'autres prisons. Des travaux de réhabilitation ont été entamés il y a 4 ans. Ils se terminent dans deux mois. Les espaces que j'ai pu visiter sont propres et en bon état.
 
La moyenne d’âge des détenus est de 35/40 ans. Nous n’avons pas pu en rencontrer pour qu'ils évoquent eux-mêmes leurs conditions de détention. La prochaine fois peut-être. Espérons que cela soit possible. Cela témoignerait de la bonne santé de la démocratie.
 
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