Ce mercredi 30 octobre 2024, quatre nouvelles personnes migrantes sont décédées entre Neufchâtel-Hardelot et Equihen-Plage, dans le Pas-de-Calais. Des drames qui n'ont pas empêché le départ de plusieurs centaines de personnes, sous le regard désemparé des habitants et des promeneurs.
Les bénévoles présents sur place sont toujours sous le choc. Une membre de l'association Osmose 62, qui a vu l'hélicoptère emmener le corps d'une personne migrante, décédée ce mercredi 30 octobre matin, est sonnée et ne trouve pas ses mots. "Désolée, je ne réalise toujours pas ce qu'il se passe", parvient-elle à articuler à travers le combiné du téléphone. La voix blanche, reniflant quelques larmes, la bénévole vient de rentrer chez elle après une longue matinée, passée sur le terrain pour venir en aide aux exilés qui ont massivement tenté de rejoindre le Royaume-Uni.
Ces 29 et 30 octobre 2024, les traversées ont été nombreuses sur le littoral du Pas-de-Calais en raison d'une fenêtre météorologique optimale : la Préfecture maritime (Prémar) souligne que 600 personnes ont été secourues ce mercredi au cours de 23 "évènements maritimes". Des dizaines de départs en mer qui ont coûté la vie à 4 personnes selon le dernier bilan de Jacques Billant, préfet du Pas-de-Calais.
Un premier décès était à déplorer dans la matinée à Neufchâtel, où un homme migrant est décédé en mer par arrêt cardio-respiratoire. Dans l'après-midi, deux corps ont été découverts à Equihen-Plage, suivi d'un troisième en fin de journée, portant le bilan annuel à 60 décès depuis début janvier. Soit plus que le nombre de personnes ayant perdu la vie dans le détroit du Pas-de-Calais sur l'ensemble de l'année 2023.
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Les habitants, touchés par les évènements
Hypothermies sévères, taxi-boats, AVC... Une journée difficile pour les associations d'aide aux personnes migrantes, mais également pour les habitants de Neufchâtel-Hardelot qui ont assisté aux drames. Armelle, qui habite sur le front de mer, était présente au moment des faits.
"On a tout de suite vu depuis chez nous qu'il se passait quelque chose. On a vu un hélicoptère qui a essayé de porter secours à une victime dans l'eau, mais il était trop tard. On l'a vu remonter et embarquer dans le camion de pompier... C'était vraiment terrible", livre l'habitante d'Hardelot, tristement habituée à ces scènes tragiques et consternantes. "Tous les jours il y a des départs, on entend le SAMU, les pompiers, on retrouve des vêtements sur la plage, des baskets... Ça fait partie de notre quotidien mais on se sent impuissant face à leur détermination à rejoindre l'Angleterre."
On a vu un hélicoptère qui a essayé de porter secours à une victime dans l'eau, mais il était trop tard. On l'a vu remonter et embarquer dans le camion de pompier... C'était vraiment terrible.
Armelle, habitante d'Hardelot
Peinant à revenir à la réalité, Armelle a tâché de reprendre son quotidien. Mais impossible de s'ôter les évènements de la tête. Surtout, lorsque la Neufchâtelloise s'est aventurée hors de chez elle en début d'après-midi, elle a constaté que les départs n'avaient pas ralenti malgré le drame survenu quelques heures plus tôt. "Je suis allée faire quelques courses et en revenant je voyais des bateaux, des personnes qui essayaient de s'entasser dessus. Ils avaient de la difficulté à partir, mais ils sont partis, et il aurait pu se passer un autre drame ici aussi."
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Des départs sur tout le littoral
Désemparée, la témoin de ces terribles évènements évoque amèrement l'évolution de la crise migratoire à Hardelot, une commune qui "a beaucoup changé" ces dernières années : "Il ne se passait rien, c'était très tranquille, et maintenant on se retrouve au cœur de drames humains."
Il ne se passait rien, c'était très tranquille, et maintenant on se retrouve au cœur de drames humains.
Armelle
Un phénomène que le préfet du Pas-de-Calais a évoqué lors d'une conférence de presse, donnée ce mercredi. Le représentant de l'État tente d'expliquer la stratégie des passeurs : "On voit qu'ils cherchent à saturer le trait de côte, à utiliser la totalité du littoral pour organiser des passages." Selon les associations d'aide aux migrants, depuis quelques années, les départs vers l'Angleterre ont lieu de plus en plus au sud du littoral, afin d'échapper aux opérations de police. Une méthode qui rend donc les traversées plus dangereuses car plus longues pour les demandeurs d'asile. "On voit bien que la semaine dernière le centre de gravité des départs était plutôt porté sur la partie nord du département, sur le Calaisis, sur ce début de semaine les tentatives sont plutôt sur le Boulonnais", détaille Jacques Billant.
Depuis le début d'années, 29 878 personnes sont parvenues à regagner les côtes de l'Angleterre. Au 29 octobre, ce chiffre avait déjà surpassé celui établi sur l'ensemble de l'année 2023.