À cinq kilomètres de Saint-Omer, le vestige de l'oppression nazie pendant la Seconde Guerre mondiale est devenu en 1997 un centre historique et scientifique. La Coupole d'Helfaut, construite en 1943, devait servir de base de lancement pour les fusées V2, des missiles allemands destinés à frapper l'Angleterre.
À l'automne 1943, les Allemands taillent dans une carrière de craie près de Saint-Omer pour y établir la Coupole d'Helfaut, une base souterraine de lancement de missiles. L'immense chantier vise à créer un dédale de galeries au cœur de ce bunker pour stocker ces fusées V2.
► À LIRE AUSSI : La Coupole d'Helfaut vue d'en haut
Les fusées V2 étaient construites par des déportés du camp de Dora, comme Paul Hazelart, aujourd'hui âgé de 94 ans. Embauché il y a 80 ans, il travaillait avec des Belges et des Hollandais à la construction de ces technologies chargées de 750 kilos d’explosif. Alors qu'il n'était qu'un adolescent, ce travail était "dur" car il "faisait tout", explique-t-il.
► À LIRE AUSSI : Helfaut : l'enfer de la déportation au cœur de la fabrication du V2, l'arme secrète d'Hitler
La base opérationnelle reconvertie en musée d'histoire
La portée de 300 kilomètres des missiles obligeait les Allemands à les tirer uniquement depuis les côtes françaises en direction de l'Angletterre, et notamment Londres. Ils ne seront jamais lancés. Après dix mois de travaux, et peu avant que la base ne soit opérationnelle, les Alliés repèrent la Coupole et y envoient 3 000 tonnes de bombes au printemps 1944.
Après plusieurs années d'abandon, la coupole est réinvestie en 1997 par l'amicale des anciens de Dora-Ellrich pour y ouvrir un musée. Le projet consiste à rendre l'humanité enlevée par les nazis via un travail de mémoire et de transmission. Il retrace le parcours de vie et de déportation des hommes et des femmes du camp de Dora qui travaillaient à la construction de la fusée nazie.
J’ai quasiment tout découvert de lui, à part sa date de mariage
Jean-Marc Doisne, fils de déporté
Grâce à un échange mutuel de connaissances, historiens et familles ont rédigé la notice biographique de chaque détenu de l'époque puis les ont compilées dans Le Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora, sorti en 2020.
Parcours professionnel, familial, politique, militant, mais aussi conditions de déportation et de décès : le récit est sourcé pour chaque déporté. À tel point que Jean-Marc Doisne confie avoir "presque tout découvert" de son père en lisant sa fiche, "à part sa date de mariage". Son père avait même changé de prénom pendant la résistance.
► À LIRE AUSSI : Laurent Thiery, historien de la Coupole d'Helfaut, sort de l'oubli les déportés de Dora
En effet, l'ancien déporté "n'a presque jamais parlé" à son fils de sa déportation, "peut-être parce qu'il ne trouvait pas les mots pour raconter ce qu'il a vécu sans me choquer", tente-t-il d'expliquer.
Aujourd'hui, Jean-Marc Doisne peut raconter l'histoire de son père à ses propres enfants. Il utilise l'exemplaire du dictionnaire qui lui a été remis par l'historien qui s'est penché sur son parcours. "Il m'a tout raconté, de son arrestation à sa libération, j'en ai appris plus en une demi-heure d'entretien que j'en avais su en soixante ans de vie avec mon père" confie-t-il, ému.
Un support pédagogique
En plus des familles de rescapés, le recueil historique est un objet d'histoire et d'apprentissage. Parmi leurs 140 000 visiteurs annuels, les équipes de la Coupole tiennent à transmettre aux groupes scolaires l'histoire des déportés grâce aux archives familiales et publiques. Il s'agit de "marquer les élèves par rapport à ce qu'il s'est passé il y a 80 ans" et "les sensibiliser à la paix", explique Philippe Queste, directeur de la Coupole.
► À LIRE AUSSI : Documentaire Colette : de la Coupole d'Helfaut jusqu'à un prix aux Oscars, une jeune bénévole au chevet d'une résistante
Désormais, le centre historique, de mémoire et de sciences dispose d'un planétarium. Il permet de montrer que la technologie des fusées V2 a été une inspiration pour la conquête spatiale, notamment en direction de la lune.
La Coupole s'érige ainsi en "lieu de conscientisation où on peut se rendre compte que du pire - le travail des déportés - peut naître le meilleur - la conquête spatiale -" et ainsi "s’appuyer sur la mémoire pour s’améliorer dans le futur", explique Philippe Queste, directeur de la Coupole.