Presque six ans après, un procès pour demander justice. À partir du lundi 19 février 2024 et pour quatre jours, la cour criminelle de Saint-Omer jugera Alexandre B., agent d'une unité d'élite de la gendarmerie. Il est accusé d'avoir tué par balle Henri Lenfant, membre de la communauté des gens du voyage et soupçonné de vols, lors d'une intervention du GIGN sur le camp de Fouquières-lez-lens en 2018.
Dans la nuit du jeudi 27 au vendredi 28 septembre 2018, un groupe de gendarmes mène une intervention dans un camp de gens du voyage installé sur le parking de l'ancien Carrefour de Fouquières-lez-Lens. À la recherche d'hommes suspectés dans une affaire de vols de fret et de cambriolage, ils en poursuivent trois qui tentent de s'enfuir en voiture.
Alors que le véhicule est à l'arrêt, Alexandre B, sous-officier de gendarmerie, s'introduit sur la banquette arrière et tire sur Henri Lenfant, un ferrailleur nomade de 23 ans. Touché à la nuque, il meurt sur le coup, vers 3h30, selon la version du militaire. Ce que conteste la famille du défunt.
Des doutes sur les différentes versions
Son père, Georges, et sa veuve, Aude, attestent, dans une interview à La Brique, avoir "entendu crier et trois coups de revolver". Le personnel du funérarium va corroborer cette déclaration en les informant de diverses blessures au visage et sur les avant-bras ainsi que "deux balles dans la poitrine et une dans la nuque." Les pompiers, eux, affirment que "l’heure du décès est prononcée à 4h43", soit une heure après l'intervention.
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Les proches d'Henri, père de famille laissant deux jeunes filles de 6 et 8 ans à l'époque, sont révoltés. Ils dénoncent des "manœuvres d'intimidation" visant à éviter de faire toute la lumière sur les circonstances du drame. Les jours suivant les faits sont marqués par des épisodes de tensions et de violences entre les forces de l'ordre et les membres de la communauté des gens du voyage.
«Je suis toujours dans la tristesse. Le gendarme m’a pris ma vie, il a pris la vie de sa femme, il a pris la vie de tout le monde de chez nous.» @Yann_Levy a rencontré le père d’Henri Lenfant, gitan de 22 ans tué par un gendarme en 2018
— Les Jours (@Lesjoursfr) September 23, 2020
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De l'acquittement à 20 ans de réclusion
Alexandre B. est membre de l'antenne du GIGN de Reims. Il estime dans une interview au Parisien "avoir agi dans « un instinct de survie »". Depuis les faits, il a été écarté du terrain et placé sous contrôle judiciaire. L'enquête ouverte par le parquet de Béthune a permis de le mettre en examen pour "violences avec armes ayant entraîné la mort sans intention de la donner." Un chef d'inculpation que conteste la famille Lenfant, réclamant, en vain, une requalification en meurtre, soit un homicide volontaire.
Presque six ans après les faits, le gendarme sera jugé devant la cour criminelle départementale du Pas-de-Calais. Il comparaîtra devant cinq magistrats professionnels, sans aucun juré populaire. Son avocat, Sébastien Busy, plaide l'acquittement alors qu'avec une telle accusation, le sous-officier encourt jusqu'à 20 ans de réclusion.