Vendredi 4 octobre 2024, le tribunal judicaire d’Amiens a condamné deux parents pour violences et insultes homophobes prononcées à l’encontre de leur fils. Lucas Dekens, 18 ans, témoigne aujourd’hui dans l’espoir d’alerter sur l’homophobie familiale.
"Je me sens soulagé mais ça reste compliqué mentalement. Je m’attendais à des excuses de mes parents mais ça n’a pas été le cas", confie Lucas Dekens, ce samedi 5 octobre 2024. La veille, ses parents ont été condamnés à 8 et 10 mois de prison avec sursis pour violences et insultes homophobes à son égard.
"Le tribunal a prononcé une peine supérieure aux réquisitions demandées par le procureur de la République", se satisfait maître Stéphanie Lourdel-Iglesias.
Moi, ce qui m’importait avant tout, c’est que Lucas soit reconnu comme victime.
Me Stéphanie Lourdel-Iglesias, avocate de Lucas
Un quotidien marqué par des insultes
L’avocate décrit un calvaire "sur la durée" lorsque Lucas était mineur et vivait encore au domicile familial : "Il subissait des insultes régulières, des fouilles au corps, de la violence physique en le maîtrisant par le cou contre un mur et des propos qui relèvent du pur rejet. Quand il était question d’aller au cinéma par exemple, on lui disait : 'on ne sortira pas avec la pédale' ou encore des mots comme 'PD', 'tarlouze'. Il s’est senti complètement rejeté."
Le jeune homme, lui, se souvient notamment d’un message "très violent", reçu après avoir annoncé à ses parents son homosexualité. "Excuse-moi si je vais être cru avec toi. Pour ma part, tu connais ma réaction, tu fais ce que tu veux avec ton cul mais ton gay tu ne me le ramènes pas à la maison", y est-il écrit. Ou encore : "Je ne sais pas ce que j'ai fait pour que tu sois gay."
Une sanction jugée "non pédagogique" par la défense
"C’est une sanction qui n’est pas pédagogique et assez dure pour des personnes qui ont reconnu tout de suite leurs propos homophobes", regrette David Dalmaz, avocat de la défense.
Le tribunal n’a pas compris la difficulté pour un parent d'apprendre que son enfant est homosexuel, se travestit.
Me David Dalmaz, avocat de la défense
L’avocat prend aussi pour argument le lieu de résidence des parents, dans le Santerre : "Voir leur enfant se changer pour aller au lycée, s’habiller en fille et se rechanger en garçon pour rentrer chez lui... Le tout, dans un contexte rural où l'homosexualité, le transgenre est une notion où il doit encore y avoir de la pédagogie."
Dénoncer l'homophobie familiale
Lorsqu’il a déposé plainte en avril 2024, Lucas Dekens dit avoir tout de suite pensé aux autres victimes de violences intrafamiliales.
Quand j’ai commencé toutes ces procédures, je me suis dit "je ne suis pas le seul, alors si je peux aider plusieurs personnes qui subissent de l’homophobie, je vais essayer de les aider comme je peux". On peut s’en sortir ensemble.
Lucas Dekens, victime
"Je pense que c’est très courageux de la part de Lucas d’avoir fait ça, à son âge", réagit Timothée Kunde, militant de l'association Flash Our True Colors à Amiens. "En revanche, c'est quelque chose de très commun. Nous accompagnons des personnes mineures et lorsqu'elles n’ont pas l’espace pour exprimer ces choses-là, dans le cadre familial, cela peut avoir des gros dégâts sur leur développement personnel."
Les parents de Lucas et leur avocat disposent de dix jours pour interjeter appel.
Avec Gabin Cransac / FTV