Le président des Hauts-de-France, invité de "Dimanche en politique", a été interrogé sur de nombreux sujets.
Réforme des retraites, hôpital de Lens, canal Seine-Nord ou encore municipales à Saint-Quentin, le président des Hauts-de-France est l'invité du premier "Dimanche en politique" de l'année 2020, après quatre ans à la tête de la région.
Voici quelques morceaux tirés de l'émission, diffusée ce dimanche 12 janvier.
1. Sur la mobilisation historique contre la réforme des retraites : "Le gouvernement, ce sont des amateurs et des orgueilleux"
Interrogé sur la grève contre la réforme des retraites – alors ce samedi marque le 38e jour de mobilisation – et notamment sur la position inflexible du gouvernement, Xavier Bertrand a fustigé "des amateurs et des orgueilleux".
Pour lui, "la façon dont ils ont conduit cette réforme" s'apparente à "une méthode gribouille". "Ils ne sont pas capables de dire aujourd'hui quels sont les avantages et les inconvénients" ni qui sont "les gagnants et les perdants" de la réforme.
Le président des Hauts-de-France dit prendre la défense des "entrepreneurs, commerçants, artisans" paralysés par la grève des transports. Pour lui, les membres du gouvernement "veulent avoir raison contre tout le monde" et refuseraient le dialogue "en restant inflexible, en ne discutant pas avec les syndicats qui sont prêts à discuter." Au risque de voir la grève se prolonger.
2. Sur l'âge de départ à la retraite : "64 ans d'âge légal", ce serait "beaucoup moins hypocrite que l'âge pivot"
Xavier Bertrand n'a pas manqué de critiquer l'âge pivot, considéré comme l'un des piliers du projet de réforme des retraites et principal point d'accroche avec les syndicats [Mise à jour : Édouard Philippe a finalement annoncé son retrait provisoire, ce samedi après-midi] : alors que l'âge légal de départ à la retraite est toujours fixé à 62 ans, le gouvernement souhaiterait un âge d'équilibre à 64 ans, en-dessous duquel un retraité toucherait moins.
Une mesure jugée injuste pour les personnes qui ont commencé à travailler tôt. Xavier Bertrand met quant à lui en avant le "dispositif Carrière longue". Il souhaiterait de son côté voir avancer à 64 ans l'âge légal de départ à la retraite. "Vous avez aujourd'hui des systèmes de décôte et de surcôte [un système de bonus ou de malus suivant l'âge de départ à la retraite] mais c'est beaucoup moins hypocrite que l'âge pivot."
Le président de région estime qu'"il vaut mieux annoncer la couleur pour que chacun puisse anticiper sa fin de carrière".
Et de proposer plusieurs autres pistes : "Pourquoi ne pas permettre en fin de carrièer à certains salariés de travailler à temps partiels en ayant la compensation de leurs revenus ?"
3. "L'erreur" d'Emmanuel Macron ? : "Il pense qu’avec 66% des voix il a un mandat pour tout"
Emmanuel Macron a-t-il oublié qu'il avait été élu avec le vote des électeurs de gauche ? Xavier Bertrand estime que "ce n'est pas seulement des questions de la gauche et de la droite. Quand vous êtes élu face aux 'extrêmes', vous avez une responsabilité : c'est d'avoir conscience du score du premier tour, mais de faire aussi une politique pour ceux qui vous aiment et ceux qui ne vous aiment pas. Pour ceux qui votent et pour ceux qui ne votent pas."
Lui-même a par ailleurs été élu à la tête de la région Hauts-de-France (avant la fusion) en faisant face au deuxième tour à Marine Le Pen. Il l'avait alors emporté avec 57% des voix.
"L'erreur que fait Emmanuel Macron", ajoute-t-il, "c'est qu'il a fait 24% des voix au premier tour, ce qui l'a placé largement en tête. Mais en tout état de cause, lui pense qu'avec 66% des voix [au second tour] il a un mandat pour tout. Non !"
Xavier Bertrand, se définissant comme un "homme de droite, d'une droite sociale, ouverte", dit avoir "voté pour Emmanuel Macron au deuxième tour parce que je ne voulais pas de Mme. Le Pen. C'est pas pour autant que j'adhère à sa personne et à l'ensemble de son projet."
4. Sur une interdiction des listes communautaires aux municipales : "Je suis déterminé à ce qu'on garantisse bien la laïcité" en politique
À l'approche des élections municipales, Xavier Bertrand dit craindre le risque de listes communautaires, notamment celles de "l'islam politique" et de "l'Union des démocrates musulmans de France, qui veut" à cette occasion "pousser une vision communautariste de la politique".
Sur un échelle locale, "ils pensent qu’il faut qu’il y ait des horaires différenciés dans les piscines. Ils pensent qu’il faut qu’il y ait des menus adaptés dans les cantines. Ils pensent également que la femme n’est pas l’égale de l’homme dans de nombreux domaines. Ça, je ne l’accepte pas", précise l'homme politique pour qui "la religion est importante pour nombre de nos concitoyens", mais "dans la sphère privée, dans les lieux de culte, pas dans la société politique."
Il assure qu'Emmanuel Macron s'est montré sourd à cette problématique. "Je ne comprends pas la naïveté du président de la République" sur ces questions, ajoute l'ancien LR, favorable à une interdiction de ces listes et "déterminé à ce qu'on garantisse bien la laïcité".
Interrogé sur le Parti Chrétien-démocrate fondé par Christine Boutin, Xavier Bertrand estime que ce dernier ne remet pas en cause "les principes de la laïcité".
5. "Je serai candidat aux élections municipales de Saint-Quentin", et ce "en position éligible"
Xavier Bertrand a-t-il la nostalgie du mandat local ? L'ancien maire de Saint-Quentin (2010-2016), qui préside toujours l'agglomération du Saint-Quentinois, a annoncé officiellement sur France 3 sa candidature "aux élections municipales de Saint-Quentin, sur la liste de Frédérique Macarez", maire LR sortante et ancienne première adjointe sous son mandat.
On ignore encore à quelle place Xavier Bertrand se trouvera sur la liste, mais il a indiqué se présenter "en position éligible" au conseil municipal.
"Je continuerai à siéger au conseil d’agglomération" a-t-il également précisé, sans que sa future fonction ne soit encore connue.
Sera-t-il candidat aux élections présidentielles de 2022 ? Pour l'heure, Xavier Bertrand noie le poisson en disant vouloir être jugé sur ses résultats à la tête de la région.
6. Contre "certains banquiers" : "J'aimerais qu'ils se rappellent qu'ils sont aussi là pour financer l'économie !"
C'est une tirade qu'on aurait pu entendre dans la bouche d'un élu de gauche. Xavier Bertrand a vilipendé les banques qui refusent de prêter de l'argent. "J'aimerais bien qu'ils se rappellent, dans la région, qu'ils sont là aussi pour financer l'économie et pour filer un coup de main !" a-t-il pesté.
"Il y en a qui jouent le jeu", tempère l'élu, citant plusieurs banques. "Il y en a des bons, mais les autres, honnêtement, il va falloir qu'ils jouent un peu plus le jeu de l'économie."
Ce discours n'est pas anodin : la région Hauts-de-France a consenti sous sa présidence à de nombreux prêts à des entreprises, ce qui est "normalement le boulot des banques", tempête-t-il.
7. Sur le canal Seine-Nord : "Une telle opportunité économique, en terme d’emplois, on en reverra pas avant au moins 50 ans"
Pour Xavier Bertrand, lorsque Emmanuel Macron s'est rendu à Nesle pour confirmer l'apport, par l'État, de plus d'un milliard d'euros au projet de canal Seine-Nord, "il a remis les Hauts-de-France sur son GPS".
Concernant l'échéance des travaux, il indique que les premiers travaux sont prévus "fin 2020", avec les ronds-points permettant d'accéder au site principal, et en 2021 "le coup de pioche sur le cœur du canal". "Il y a intérêt à les faire parce que l'Europe nous a prêté beaucoup d'argent !"
Pour autant, l'élu qui préside le groupe en charge du projet appelle à ne pas brusquer les habitants qui vivent dans les communes se trouvant sur le tracé. "Il ne faut pas les mettre dehors, comme ça, sans discuter avec eux !"
En revanche, il reste convaincu de l'importance du projet en terme d'emplois, même si le nombre pourrait être revu à la baisse. "Le monde économique nous parle de 50 000 emplois. Honnêtement, même la moitié, je prends. C'est vrai que c'est sur 10 ans, sur 15 ans, mais une opportunité économique, en terme d'emploi, comme ce canal, on n'en reverra pas avant au moins 50 ans !"
8. Sur le Brexit : "Pas de guerre de la pêche", mais il faut être prêt à "un bras de fer" avec le Royaume-Uni
Bye bye, les Britanniques ? Pas tout à fait, à en croire le président de région pour qui "géographiquement, ils ne vont pas lever l'ancre et c'est pas une île qui va partir à la dérive du côté de chez M. Trump". Autrement dit : il y aura toujours une cohabitation à gérer et "27 km entre Douvres et Calais".
Xavier Bertrand alerte tout particulièrement sur les problèmes à venir concernant la pêche, dans les eaux qui séparent la France et l'Angleterre. Des problèmes qui ont soulevé ces derniers de nombreuses craintes, chez les pêcheurs de la Côte d'Opale. "Attention ! Pas de guerre de la pêche !" prévient-il, avant d'appeler à ce que "la France (...) soit avec nous, avec toutes les régions côtières, que l'Europe ne nous lâche pas."
Pour le président des Hauts-de-France, il faut être prêt à ce "qu'on fasse avec nos amis britanniques un bras de fer s'il le faut en disant : 'Attention, si on ne peut plus pêcher chez vous, vous ne transformerez plus vos poissons chez vous. Et vous allez avoir à y perdre."
Il rappelle également à Emmanuel Macron sa promesse "devant témoins" à Calais, lorsqu'il plaidait en tant que candidat aux présidentielles "pour qu'il y ait une zone franche sur le Calaisis à la sortie du port et du Tunnel, uniquement pour les nouvelles implantations, qu'elles soient britanniques ou pas."
9. Sur l'environnement : "Je ne ris pas au nez de ceux qui nous parlent du réchauffement climatique"
Interrogé sur l'environnement, Xavier Bertrand assure qu'il n'est n'est "pas un climatosceptique". "Je ne ris pas au nez de ceux qui nous parlent du réchauffement climatique ou autre. J'essaie juste de voir, au niveau qui est le mien, ce que je peux faire, ce que je dois faire".
Il cite notamment "cette idée, parce que ça capte le carbone, de planter des arbres, beaucoup d'arbres. Un million d'arbres en trois ans, à la fois sur le patrimoine régional, mais aussi en proposant aux collectivités, aux parcs naturels de le faire".
En revanche, le président des Hauts-de-France confirme son opposition aux projets éoliens, dont les habitants ont d'après lui "saturation". Et l'éolien en mer ? "À une condition : que ce soit du flottant" et que cela "n'enquiquine pas les pêcheurs et les touristes".
10. Sur l'hôpital de Lens, délaissé par l'État : "Quand des ministres viendront, ils seront systématiquement interpellés"
Enfin, concernant le nouvel hôpital de Lens, dont le financement n'a toujours pas été signé par l'État, Xavier Bertrand assure qu'il ne lâche pas, et pose désormais comme préalable à tout partenariat avec l'État en matière de santé "la confirmation des crédits et le démarrage des travaux de l'hôpital de Lens".
Le personnel du CH Lens, en crise, n'a en effet pas les moyens de mener efficacement sa mission de service public et le président des Hauts-de-France a menacé les représentants de l'État dans la région, à commencer par l'ARS, qu'ils n'auraient "pas un euro de la région" si le feu vert n'est pas donné au projet.
Il envisage même, de "nouvelles options" pour faire réagir l'État. "Quand des ministres viendront, ils seront systématiquement interpellés et moi, je suspends toute participation de la région aux côtés de l’Etat en matière de santé tant que l’hôpital de Lens ne voit pas le démarrage confirmé."