La cour d'appel de Caen est revenue, le 5 décembre 2023, sur le jugement de première instance selon lequel un millier d'éleveurs laitiers devaient recevoir des dédommagements de la part du groupe agroalimentaire Savencia, après que celui-ci a revu à la baisse son prix d'achat du lait aux producteurs.
Coup dur pour les éleveurs laitiers. La cour d'appel de Caen (Calvados) est revenue le 5 décembre 2023 sur le jugement de première instance selon lequel un millier d'éleveurs laitiers, dont de nombreux Normands, devaient recevoir des dédommagements de la part du groupe agroalimentaire Savencia.
La bataille juridique avait commencé en 2018. À l'époque, sur la base de la loi Egalim 2, qui vise à assurer aux agriculteurs un revenu correct, l'industriel Savencia entérine un accord sur le prix du lait avec l'organisation de producteurs Sunlait, qui représente un millier d'agriculteurs.
Déboutés en appel
Mais les autres industriels du secteur, eux, continuent eux d'acheter le lait à un prix plus faible. Pour rester compétitif, Savencia décide donc de dénoncer le contrat à peine signé. Pour les agriculteurs de Sunlait, il est hors de question de revoir un contrat déjà signé.
"On a été devant la justice juste pour faire appliquer un contrat qui a été signé avec notre client", se souvient Yves Tison, producteur laitier à Saint-James (Manche), membre de Sunlait.
En août 2022, devant le tribunal de Coutances (Manche), les agriculteurs de Sunlait obtiennent gain de cause en première instance. Le tribunal réclame que Savencia honore son contrat. Il est demandé à l'entreprise de verser des milliers d'euros de dédommagements aux producteurs. Savencia a fait appel.
Ce mardi 5 décembre, en seconde instance, c'est la stupeur chez les agriculteurs : la justice les déboute sur l'ensemble de leurs griefs, annulant quasi intégralement le jugement de 2022. En d’autres termes, le tribunal donne finalement raison à Savencia et estime que le contrat signé en 2018 n'est pas valable.
"L'audience a donné raison aux industriels"
"On ne pouvait pas espérer pire, regrette Yves Tison. C'est un mauvais jugement pour Sunlait, pour les producteurs, mais c'est aussi un mauvais jugement pour la filière laitière française." Il craint en effet que le jugement de la cour d'appel de Caen ne crée une nouvelle règle pour la fixation du prix de vente.
"Si le délibéré reste comme il est, ça donne carte blanche à tous les industriels laitiers pour ne pas faire de contrat et imposer un prix unilatéral", exprime l'agriculteur. Les industriels pourraient ainsi s'asseoir sur les négociations.
On doit être maître de notre vente pour avoir un prix rémunérateur, pour partager la valeur ajoutée. C'est quand même nous qui nous levons tous les matins, sept jours sur sept, toute l'année.
Yves Tison, producteur laitierà France 3 Normandie
"L'audience a donné raison aux industriels et nous, on a que nos yeux pour pleurer", déplore aussi Landry Rivière, également producteur de Sunlait.
"La production laitière baisse tous les ans. Dans quelques années, on ne va plus avoir d'autonomie en termes de production laitière. Si demain on veut conserver cette autonomie, il faut qu'il y ait une rémunération suffisante", ajoute Yves Tison.
L'affaire devant la Cour de cassation ?
Aussi, l'éleveur de Saint-James a un vœu désormais : que les politiques prennent le dossier en main pour assurer la rémunération des producteurs de lait.
En dernier recours, le collectif Sunlait pourrait porter l'affaire devant la Cour de cassation. À ce jour, les producteurs n'ont pas encore décidé s'ils souhaitent s'y pourvoir.