Suite à la fermeture de leur usine, deux salariés de Vallourec en Seine-Maritime se sont reconvertis dans la production de champignons. En un an et demi, ils sont devenus les seuls à produire en Normandie du champignon de Paris Bio en cave traditionnelle.
L’aventure de Jean-Philippe Bellemere et Clément Boutault, a commencé par une belle journée d’automne 2020. Ce jour-là, les deux anciens collègues sont en balade, en forêt. Comme souvent, ils occupent leur temps libre à cueillir des champignons. Du temps libre, ils en ont, car ils viennent d’être licenciés suite à la fermeture de leur usine Vallourec.
En pleine forêt, en pleine cueillette, Jean-Philippe commence à s’imaginer producteur de champignons. L’idée aurait pu paraître saugrenue à Clément car ces deux compères ont eu jusque-là une vie professionnelle très éloignée de la nature. Ils ont travaillé à fabriquer des tubes en acier chez Vallourec, une usine de métallurgie, à Déville-lès-Rouen, en Seine-Maritime. Jean-Philippe, 44 ans, y était informaticien, et Clément, 37 ans, était dans la partie hygiène et sécurité.
On a été licenciés en novembre 2020. On passait notre temps libre à cueillir des champignons en famille et comme on cherchait une nouvelle activité, j’ai pensé à cultiver des champignons et j’ai proposé ça à Clément.
Jean-Philippe Bellemere
De la métallurgie aux champignons de Paris, une reconversion professionnelle insolite
L’idée n’est pas si saugrenue que ça, car lorsque Jean-Philippe évoque le projet de s’associer pour devenir champignonnistes, Clément ne dit pas non. En quelques jours, l’idée fait son chemin et pour relever le défi, ils décident de mobiliser leurs indemnités de licenciement et commencent à chercher sur Internet les principes de culture et les formations professionnelles.
Le choix éthique d'une filière traditionnelle bio pour la production en cave naturelle
La formation sera orientée vers la culture à l’ancienne de champignons bio. Mais quels champignons ? Leur choix initial de produire shiitakes et pleurotes se réoriente vers du traditionnel champignon de Paris, un marché qui doit s’avérer plus porteur. Mais leurs champignons à eux seront bio et bruns pour placer leur petite entreprise sur un segment encore plus favorable. Car il faut le savoir, le champignon brun de Paris est plus parfumé et mieux texturé que le blanc, donc plus recherché. Quant au bio, il correspond à l’éthique et au sens que les deux amis veulent partager dans leur nouvelle vie professionnelle.
On a regardé sur Internet, on a cherché « champignon » et on a trouvé cette cave, à Canteleu. On n’y produisait plus de champignons depuis des années. On a sonné à la porte mais il n’y avait personne. On a laissé un petit mot dans la boite aux lettres et on a été recontactés par le propriétaire qui a bien voulu nous louer sa cave.
Jean-Philippe Bellemere
Le coup de pousse inattendu des réseaux sociaux pour la petite entreprise
La structure d’entreprise et la formation étant décidées, il reste à trouver un lieu. Jean-Philippe et Clément veulent un cadre traditionnel pour leur culture. Pas question de produire dans un hangar climatisé avec des techniques industrielles où les champignons sont gorgés d’eau et fondent à la cuisson. Ils veulent une vraie cave traditionnelle.
Là encore, leurs recherches sur Internet sont fructueuses. Nos deux champignonnistes se rendent à Dieppedalle-Croisset, un hameau de Canteleu à 5 kilomètres de Rouen, où se trouve un réseau de carrières souterraines ayant déjà servi de champignonnière dans les années 2000.
Mais la porte est close, personne ne répond. C’est le propriétaire qui va les recontacter et accepter de leur louer la moitié des 3 000 m2 de galeries.
On est alors à l’été 2021, c’est enfin parti pour Champis en Seine (nom de leur entreprise), qui s’installe et commence à produire sur ce site idéalement adapté, où l’hydrométrie et la température (10 degrés) sont constantes tout au long de l’année.
Ils continuent d’être épaulés par leur mentor, Laurent Gauthier, «LoloChampis, le roi du champignon », producteur dans le Loir et Cher, rencontré à l’occasion de leur formation. C’est lui qui les a convaincus de sauver la filière traditionnelle, alors il vient régulièrement les conseiller. Champis en Seine devient ainsi l’un des 20 derniers sites de production traditionnelle en cave et fait partie de la dizaine à produire en Bio en France.
Les tables sont installées dans la cave début septembre avant d’être ensemencées et les premiers champignons se forment début novembre 2021. Jean-Philippe et Clément sont alors surpris par la récolte plus abondante que prévue.
Tous les champignons sont sortis ensemble, c’était un peu le bordel. On avait un peu omis la partie commerciale et on s’est retrouvés avec beaucoup de champignons sur le dos.
Emportés par l’entrain de la production, les jeunes myciculteurs se voient contraints de maitriser très vite la partie commerciale qu’ils avaient un peu laissée de côté. Très vite, ils ralentissent les cultures et trouvent leur rythme pour éviter une surproduction inutile.
Le champignon brun de Paris est beaucoup plus charnu et proche du champignon sauvage en goût. Grace à la culture traditionnelle en cave il est moins gorgé d’eau.
Circuit court à la vente sur Internet, le champignon de Paris s'adapte aux nouvelles tendances de la vente
Ils distribuent actuellement leurs champignons sur les marchés, dans les circuits de vente des Biocoop rouennaises, en vente à la ferme, chez certains fournisseurs particuliers et même sur Internet. A ce jour 90% de la production de Champis en Seine est constituée de champignons de Paris et 10% de pleurotes et shiitakes.
Prochain objectif des jeunes myciculteurs : faire visiter la champignonnière pour valoriser leur travail ! Si cela vous intéresse, surveillez le site Internet de Champis en Seine et restez en lien avec leur page Facebook
Retrouvez en replay et ci-dessous Jean-Philippe Bellemere avec Anne Boétie dans notre émission Vous êtes formidables du 17 mars dernier