Témoignages. Incendie de Lubrizol : quand le traumatisme pousse à l'exil, loin de Rouen

Publié le Mis à jour le Écrit par Béatrice Rabelle
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Certains rouennais ont décidé de déserter leur domicile suite à l'incendie de Lubrizol. Traumatisés par le nuage de fumée, migraineux, nauséeux, inquiets pour leur santé, ils ont tout simplement quitté la ville avec une hantise : celle du retour...

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On est choqués, et très angoissés à l'idée de revenir à Rouen


Karine et sa famille ont fui Rouen au lendemain de l'incendie de Lubrizol, survenu dans la nuit du 25 au 26 septembre.

Trop tard à mon avis. On aurait dû partir le jour-même. Mais la préfecture se voulait rassurante. On est resté confinés chez nous. Avec le recul, je me dis qu'on aurait dû être évacués. On est quoi, nous, les citoyens? On compte pour quoi, exactement? 

Dieppoise d'origine, Karine Monti habite à Rouen depuis une vingtaine d'années. Le jeudi 26 eptembre, elle dormait chez elle, avec son compagnon, Nicolas, et la fille de celui-ci, Lou-Andréa, âgée de 15 ans.

On a été réveillés par les explosions. On a eu les infos grâce aux réseaux sociaux, et à la radio qui nous conseillait de rester chez nous.  J'ai passé ma tête par la fenêtre pour prendre des photos du nuage de fumée qui arrivait face à nous. C'était effrayant. Notre appartement a été envahi par une odeur horrible. Il est mal isolé, nous avons même une cheminée. Nous sommes restés jusqu'au vendredi matin dans l'appartement, sans savoir que faire. On a quitté la ville le lendemain. Nous avions tous les trois une migraine, des nausées, la gorge irritée et la langue qui piquait.

  

Relogés par leur assurance

Karine et sa famille ont filé vers la côte, ont dormi dans leur camionnette pendant trois jours, avant que leur assurance leur propose d'être relogés à 30 kilomètres de Rouen "loin de ce cauchemar".
Depuis, ils sont hébergés à l'hôtel.

On est juste revenus une journée dans notre appartement pour prendre des vêtements, le strict nécessaire. Un proche m'a prêté une combinaison spéciale, j'avais acheté des masques de mon côté. Ca sentait encore tellement fort...  J'avais les yeux qui me brûlaient.

 

Je ne veux pas rester ici. C'est devenu impossible pour nous.

Karine et Nicolas devront rentrer mercredi à Rouen, près de 2 semaines après l'incendie. Un expert passera chez eux pour évaluer les dégats.
Pour l'instant, ils ne travaillent plus. Karine, commerçante, est en arrêt. Nicolas lui, a fait jouer son droit de retrait. 

J'ai une brûlure sur la partie droite du visage, une sorte de mini-névralgie, qui ne guérit pas, même au bout de 10 jours. Mais il ne faut pas se leurrer : les dégats sont aussi et surtout psychologiques. On a subi un traumatisme, un choc émotionnel. Il y a un impact sur nos vies qui est terrible.

Un impact si important que le couple ne compte pas rester dans cet appartement.

Nous voulons déménager, dans une zone de Rouen qui n'a pas été touchée par le panache de fumée. La rive Sud, ou l'est de la ville. Je ne veux pas rester ici. C'est devenu impossible pour nous.

Karine va faire des analyses de sang. Elle compte porter plainte, via le collectif Rouen respire, mais aussi à titre individuel.
   

J'ai pris l'aller mais pas le retour

Autre histoire, même traumatisme, du côté de Lorena Rougé. 
Cette mère de famille est partie deux jours après l'incendie pour un périple qui l'a menée de Dieppe à Fontaine-le-Dun en passant par Paris. Dès demain, elle se rendra à Toulouse chez ses parents, avec ses deux fils.

J'ai pris un aller simple pour Toulouse, mais je n'ai pas acheté le ticket du retour. Je n'ai aucune envie de rester sur Rouen. Je me méfie du discours des autorités. Vous savez, je suis céramiste, je sais ce que c'est de brûler des matières premières... Je veux éviter toute la période de nettoyage de l'usine Lubrizol à mes enfants. Je ne veux pas qu'ils respirent cet air-là.

Ses enfants, Laszlo, 3 ans, et Pablo, 11 ans, ont donc été descolarisés jusqu'à nouvel ordre.

Je fais classe à la maison, et ça se passe bien. Quant à moi, j'ai différé les cours de céramique que je donne dans les centres culturels de Rouen et Déville-lès-Rouen. Nous devrions revenir début novembre. Pour tout vous avouer, je n'ai aucune envie de revenir,  mais comment faire? Nous avons notre travail, une maison, un crédit... Il parait que la valeur immobilière de nos biens a déjà baissé avec l'incendie de Lubrizol, alors, ça va être difficile de tout quitter du jour au lendemain...


Lorena et ses enfants, comme Karine et sa famille, affirment que cet exil se fait à contrecoeur. Mais les deux femmes assument ce choix, "le seul possible à l'heure actuelle", affirment-elles.

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