Il faudra des mois pour tout reconstruire, un mois après le passage du cyclone Chido à Mayotte. Le lieutenant-colonel Stéphane Jahier, infirmier pompier au SDIS 76, a passé deux semaines en renfort sur l'archipel pour venir en aide aux populations sinistrées. Invité d'ICI 19/20 Normandie Rouen le lundi 13 janvier 2025, il témoigne.
Un mois, presque jour pour jour, après le meurtrier cyclone Chido - qui a fait au moins 5 600 blessés et 39 morts - Mayotte a de nouveau été contrainte au confinement. Pendant deux nuits, l'archipel a été menacé par la tempête tropicale Dikeledi. L'alerte est passée mais le traumatisme persiste. Revenu il y a une dizaine de jours de l'archipel dévasté, le lieutenant-colonel Stéphane Jahier décrit une population sinistrée mais profondément résiliente.
Regardez l'interview complète de Stéphane Jahier :
"Ils étaient désœuvrés, blessés, ils n'avaient plus rien"
France 3 Normandie : Vous avez passé deux semaines à Mayotte avec neuf autres collègues du SDIS de Seine-Maritime avant de revenir il y a une dizaine de jours. Avez-vous vu, au fil de votre carrière, de telles images de dévastation ?
Stéphane Jahier : Non. C'est la première fois, à l'extérieur de la métropole, que j'ai pu participer à une mission d'une telle ampleur.
On revoit des images de ce que vivent les Mahorais depuis un mois. Votre rôle sur place, quel était-il précisément ?
Nous avons été projetés sur place dans le cadre d'un renfort, de la mise en place d'un poste médical avancé, avec un groupe de sapeurs-pompiers de Seine-Maritime, en renforçant un détachement de la zone ouest et sud-ouest. Notre rôle essentiel était d'apporter des soins à la population sinistrée.
Quel est le témoignage le plus fort que vous retenez de votre passage sur l'archipel ?
C'est une phrase ou une expression, évoquée assez régulièrement par les personnes croisées sur place. Elles nous souhaitaient bon courage dans nos missions... Alors qu'en face de nous, les gens étaient complètement désœuvrés, blessés pour certains, ils n'avaient plus rien. Donc on avait évidemment tendance à leur restituer ce courage, de façon qu’ils puissent, eux, traverser cette épreuve.
Ces gens commençaient à reconstruire sans forcément attendre les secours. Il a même fallu aller auprès de la population, qui ne se déplaçait pas forcément jusqu'au poste médical avancé.
Stéphane Jahier, infirmier-pompier
Ça traduit quoi selon vous, ce "bon courage" de la part de personnes qui sont au plus mal ?
Je les ai trouvés très résilients. C'est un mot à la mode en ce moment... Mais là, il est tout à fait adapté. Ces gens commençaient à reconstruire sans forcément attendre les secours. Il a même fallu aller auprès de la population, qui ne se déplaçait pas forcément jusqu'au poste médical avancé.
Sur place, on a finalement changé de stratégie : on a fait des maraudes, de "l'aller-vers", de façon à apporter ces soins sur les lieux mêmes de la catastrophe, et de ne pas se retrouver dans un endroit très peu fréquenté.
Combien de personnes avez-vous pu secourir ?
Sur la période de présence du détachement, une petite dizaine de jours, on a prodigué un peu plus de 700 soins. Le temps du déplacement, du détachement, de la constitution du matériel sur place... Les premières heures ont été presque exclusivement consacrées à l'alimentation, à l'arrivée d'aide alimentaire et d'eau.
La tempête tropicale Dikeledi qui a menacé l'archipel pendant 48h, est-ce une donnée supplémentaire à prendre en compte pour les secours ?
Évidemment. Dans l'anticipation, il faut imaginer le pire sur les installations mises en place sur zone. Et c'est probablement un facteur de stress supplémentaire dans la gestion de la crise.
Propos recueillis par Frédéric Nicolas.