À l'approche de la rentrée universitaire, bon nombre d'étudiants bordelais n'ont toujours pas trouvé de logement. La faute à un marché immobilier tendu dans la métropole bordelaise, où les demandes abondent et les prix s'envolent. Principal syndicat étudiant, l'UNEF regrette un manque d'investissement de la part de l'État.
"Chaque été, c'est le stress, souffle Louise Guérin. Et ça fait six ans que cela dure." L'étudiante en master à Bordeaux, qui souhaite devenir enseignante, quitte systématiquement ses logements avant les grandes vacances. "Je n'ai pas le choix. Je n'ai pas l'argent pour les garder l'été. Et je dois travailler pour vivre à l'année." De nuit comme de jour, débutent alors d'intenses recherches pour trouver un logement dès septembre. Un parcours semé d'embuches.
Depuis début juillet, l'étudiante originaire de Bayonne, dans le Pays basque, cherche une location à Bordeaux pour son année universitaire. Jusqu'à ce jour, aucune offre ou visite ne lui a été proposée. Mais voilà que ce jeudi 15 août semble être une journée pleine d'espoir : après 200 kilomètres de voiture et deux heures et demie de route, elle s'apprête à visiter deux appartements. "J'espère que ça va marcher, que la propriétaire n'a pas fait venir trop d'étudiants et qu'elle va croire en mon dossier", glisse-t-elle timidement.
Ses espoirs sont d'autant plus importants, que les offres semblent correspondre à ses attentes. "L'un des deux logements fait 28 mètres carrés. Il a l'air en bon état et son budget est plutôt raisonnable", poursuit l'étudiante, à propos d'un appartement situé dans le quartier du Jardin public. "Il faut un toit, c'est certain. Mais il faut qu'il soit en bon état et que l'on s'y sente bien pour réussir ses études, avance Louise. Je n'ai pas envie de ressentir du stress pour quelque chose que je ne peux pas maîtriser."
Frais, arnaques et méchanceté
Avec ces années de recherche, Louise a fini par acquérir une certaine expérience en matière de recherche d'appartements. Si bien qu'elle a essayé plusieurs méthodes, qui ont parfois porté leurs fruits. "Au début, je passais par des agences de locations, se souvient l'étudiante, qui pointe plusieurs désavantages. Certaines ne répondent pas souvent, voire ne sont pas sympathiques. Et en plus, il faut payer des frais." Alors, elle s'est tournée vers des sites de particuliers comme Leboncoin ou SeLoger, où "il y a beaucoup d'arnaques".
La seule solution, selon elle, est de faire la différence. "Il faut savoir se vendre, ne pas hésiter à écrire des messages avec une photographie de son visage, bien détailler son parcours d'études et surtout ses besoins", assure Louise, après six ans d'expérience. Une technique qui semble avoir porté ses fruits. Après la visite de l'appartement, l'étudiante peut enfin le dire : "C'est fini, j'ai trouvé mon appartement." Émue, Louise a le sourire aux lèvres. "C'est un soulagement, c'est sûr. Mais je me sens aussi fatiguée."
Un logement pour dix étudiants
Ce poids porté par Louise, avant même que la rentrée scolaire ne débute, est aussi partagé par de nombreux autres jeunes. Rien que dans la métropole bordelaise, ils sont 100 000 étudiants à entamer une formation chaque année. Parmi eux, 90% se logent dans le privé, comme Louise, faute de places dans les résidences universitaires publiques. Proposées via le réseau de services étudiants Crous, seuls 10 400 logements et chambres sont proposées à Bordeaux, assure l'Union nationale des étudiants de France (UNEF). Soit un logement pour dix étudiants.
Ce n'est pas aux étudiants de payer le manque d'investissement de l'État.
Clémence DelfaudÉtudiante à Sciences Po et membre du syndicat Unef
"La proportion n'est pas bonne, regrette Clémence Delfaud, étudiante à Sciences Po et membre du syndicat étudiant. La seule solution serait de construire de nouveaux logements, mais cela relève de l'État et des moyens qu'il donne au Crous", explique la jeune femme de 22 ans, avec peu d'espoir. "Le rôle du Crous est justement de sortir les étudiants du marché locatif privé, en leur proposant des logements de qualité, à bas prix." Pour elle, les résultats ne sont pas là. À Bordeaux, le loyer moyen est estimé à 560 euros.
Pour répondre à cette situation générale, le pôle bordelais de l'UNEF a créé un groupe WhatsApp, il y a trois ans. L'objectif : mettre en relation les étudiants qui cherchent un logement et ceux qui les quittent après leurs études. "On s'est rendu compte que beaucoup d'étudiants quittaient leur logement, sans les mettre en réseau à la fin de leurs études. C'est dommage", regrette Clémence Delfaud. Elle assure que le nombre d'adhésions au groupe de discussion augmente chaque année.
D'étudiant à "conseiller logement"
Plus largement, les membres du syndicat étudiant se sont transformés, avec le temps, en véritables conseillers logement. "On aiguille les étudiants qui recherchent des appartements, poursuit l'étudiante. On les informe sur les aides auxquelles ils ont le droit, car il n'y a pas que les APL, précise-t-elle. On se fait aussi le relai entre leur dossier et le Crous, notamment en cas de difficulté administrative, de papiers à remplir"
Voir cette publication sur Instagram
Parfois, certains membres de l'UNEF se rendent même à des visites pour le compte d'étudiants qui vivent loin de Bordeaux. Cette implication de l'UNEF résulterait, selon le syndicat, d'un manque d'investissements général de l'État dans le réseau Crous. Clémence Delfaud ajoute : "Cela a obligé le Crous à augmenter ses loyers de 3,5% dès septembre."
L'UNEF a par ailleurs lancé une pétition, espérant que la situation s'améliore et que les étudiants sans logements puissent trouver un toit, à seulement quelques jours de la rentrée.