Témoignage. Les mères de familles qui travaillent, oubliées de la réforme des retraites, selon les associations familiales de Gironde

Publié le Écrit par Catherine Bouvet et Vincent Dubroca
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Selon les associations de défense de droits des femmes ou des familles, cette réforme des retraites atteint aux principes d'égalité et de solidarité et serait une forme de régression dans l'histoire.

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" Le gouvernement prend les choses à l'envers. Avant de faire cette réforme des retraites, il y avait une question fondamentale sur laquelle le Président s'était engagé dès son premier quinquennat, c'est l'égalité femme-homme . Force est de constater qu'à la fin de son mandat, l'égalité femme-homme ne sera pas présente et réelle, surtout dans notre pays". 

Car, selon l'association féministe, les femmes en 2022 représentent :

  • 70 % des travailleurs pauvres
  • 83 % des personnes à temps partiels
  • 62 % des emplois non qualifiés.

Dès le 19 janvier, Annie Carraretto, présidente du Planning familial de Gironde, alertait sur le fait que cette réforme ne faisait qu'aggraver les inégalités entre les hommes et les femmes au travail.  "Les lois sur l'égalité salariale ne sont pas appliquées.   C'est inconcevable que les femmes travaillent tous les mois de novembre et décembre pour rien" (voir notre article sur l 'inégalité salariale entre femme et hommes).  L'association appelait, dès la première manifestation, à une mobilisation contre la réforme des retraites.

La prochaine réforme sur les retraites empêchera des centaines de milliers de femmes d’accéder à la retraite à taux plein et les obligera à travailler jusqu’à un âge très avancé.

Annie Carrareto, présidente du planning familial de Gironde

Rédaction Web France 3 Aquitaine

"Ce sont aussi les femmes qui cumulent travail salarié et travail domestique, la charge des soins et de l’aide aux plus jeunes, comme aux plus âgés ", ajoute-t-elle. "Parce que les structures et l’organisation nécessaires au partage du travail domestique et de soin ne sont pas mises en place".

Des salaires équitables pour des retraites équitables

Pour l'association, une véritable réforme d'égalité salariale, c'est-à-dire pour un travail égal, un salaire égal, pourrait rapporter " 14 milliards d'euros", chiffrés par les syndicats : "S ix milliards d'euros aux caisses de retraites en termes de cotisations annuelles", auxquels on ajoute "la revalorisation des emplois dits "féminins", sous-payés et précaires, les métiers du soin et de l'accompagnement. On n'aurait plus besoin de la réforme des retraites !"

En 2022 en France, les femmes touchaient 15,8% de moins que les hommes.

Annie Carrareto, planning familial de Gironde

Rédaction web France 3 Aquitaine

Et les inégalités s'aggravent à l'heure de la retraite. " La majorité des femmes n'ont pas de retraites complètes". Elle estime que globalement, les femmes touchent " 40 % de moins que les hommes" parce que leurs salaires sont moindres et parce qu'elles ne partent pas à taux plein.

"Cette compensation qui est donnée est nécessaire pour compenser un système qui est inégalitaire"

Les femmes connaissent déjà les inégalités au travail. Des salaires moindres, des avancements espacés ou "oubliés", mais aussi des congés parentaux ou sans soldes pour s'occuper des enfants ou des membres de la famille impactent leurs revenus, donc leurs cotisations. Des trimestres leur sont attribués, jusqu'à huit par enfants, pour pallier ces pauses dues aux maternités.

Un acquis social qui permet pour certaines de compléter leur temps de cotisation, mais dont l'effet n'est plus aussi efficace. Elles doivent, de toute façon, continuer de travailler jusqu'à 62 ans, puis avec la réforme 64 ans. On peut considérer que limiter cet avantage est une forme de régression sociale et donc, " un acquis à préserver", selon Annie Carrareto, tant que les femmes assument, dans les faits, les arrêts de travail pour l'éducation des enfants. " Sans parler des femmes qui élèvent seules leurs enfants... Ce sont des choses qui doivent évoluer dans le temps, dans la société. Ce n'est pas un cadeau en soi", explique Annie Carrareto en prenant son exemple personnel d'infirmière : " J'ai bénéficié de ces trimestres pour éviter la décote et partir à la retraite".

En tant que fonctionnaire, infirmière, elle était soumise à des notes annuelles.  À chaque maternité, elle pouvait constater que sa note n'avançait pas et elle s'entendait dire " mais vous l'avez bien choisi votre maternité, d'un air de dire : qu'est-ce que vous venez réclamer". Cette note salariale pénalise donc sur l'avancement et les primes de l'année, mais aussi l'avancement global de votre carrière. " Cette compensation qui est donnée est nécessaire pour compenser un système qui est inégalitaire ".

"De lourdes conséquences pour les femmes"

Monique Lubin est membre du Conseil d'Orientation des retraites qui avait rendu un rapport en septembre 2022. Elle est défavorable à ce projet et a débattu sur Public Sénat avec Franck Riester, le ministre des Relations avec le Parlement, après que celui-ci a affirmé que "les femmes sont un peu pénalisées par le report de l'âge légal" le 24 janvier dernier.

Les trimestres par enfant ne jouent pas sur le report de l'âge, ils jouent sur la durée de cotisation", sur ce point-là en particulier, elles sont un peu plus impactées que les hommes 

Franck Riester, ministre des Relations avec le Parlement

sur la chaine Public Sénat

Selon la sénatrice socialiste des Landes, la réforme des retraites pénalisera toutes les femmes, du fait de carrières souvent hachées et des inégalités salariales. " En allongeant l'âge légal de départ à la retraite de deux ans, les trimestres de bonifications accordés aujourd'hui aux femmes pour chaque enfant - ce qui leur évite une décote- ne servent plus à rien", s'inquiète l'élue landaise.

Avec cette réforme, les femmes devront travailler a minima sept mois de plus que les hommes

Monique Lubin, sénatrice des Landes

à rédaction web France 3 Aquitaine

" Cette réforme aura de lourdes conséquences pour les femmes à cause de l'inégalité salariale de 20% qui perdure avec les hommes",  ajoute la sénatrice socialiste des Landes.  "Sans parler des carrières hachées, qui pénalisent celles qui ont eu un ou des enfants. 

Ce qui doit être amélioré avant tout aujourd'hui, c'est le respect des carrières des femmes et l'application de la loi sur l'égalité des salaires

Monique Rubin, sénatrice des Landes

à rédaction web France 3 Aquitaine

" Avec cette réforme, ce sera donc plus de retraités pauvres et en premier lieu des femmes",   conclut Monique Lubin qui a déposé plusieurs amendements pour le débat parlementaire. 

Premières bénéficiaires selon le gouvernement

Le ministre Riester en convenait, même s'il expliquait que d'autres mesures sont en faveur des femmes, avec une revalorisation de retraites les plus basses.

De son côté, l'exécutif assure que cette réforme va "réduire" les inégalités avec les hommes. " Les femmes seront les premières bénéficiaires de la revalorisation des petites pensions (...)   La réforme contribuera à réduire l'écart de pension entre les hommes et les femmes",   a encore dit la cheffe du gouvernement, Elisabeth Borne, dénonçant un faux procès, mais ajoutant espérer que le débat parlementaire permettrait de continuer à enrichir le projet.

Autrement dit, ce sont les femmes de famille de la classe moyenne, qui ont le plus à perdre dans cette réforme. Du moins celles qui ont commencé à travailler après 20 ans, ont peut-être fait des études et ont eu deux, trois ou quatre enfants, tout en essayant de poursuivre et progresser dans leur carrière.

Cela fait partie des nombreux aspects qui feront sans doute débat, dans la rue ou dans l'hémicycle, ces prochaines semaines.

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