Virus Zika, dengue, chikungunya : face à l'augmentation de maladies importées, la lutte s'intensifie contre le moustique tigre

En Nouvelle-Aquitaine, de nombreux cas importés de dengue et de chikungunya ont été recensés à la suite de piqûres de moustiques tigres. Acteurs privés et publics ne baissent pas les bras et poursuivent leur lutte antivectorielle depuis le début du mois de mai.

Difficile de le reconnaître à l'œil nu. Pourtant, le moustique tigre est l'animal domestique le plus répandu en Europe et figure sur le podium des espèces les plus invasives au monde. En moins de quarante ans, cet insecte aux rayures noires et blanches s'est implanté sur tous les continents. Avec lui, de nombreuses maladies vectorielles se sont répandues, à l'image de la dengue, du chikungunya et du virus Zika.

Le moustique est l'animal qui tue le plus au monde.

Laurent Filleul

Responsable de la cellule régionale de Santé publique France en Nouvelle-Aquitaine

Pour Laurent Filleul, épidémiologiste, cela ne fait aucun doute : "Le moustique tigre est dangereux pour la santé publique, parce que chaque personne est exposée à l'une de ses piqûres." Le responsable de la cellule régionale de Santé Publique France en Nouvelle-Aquitaine, suit de près l'activité de ce petit moustique silencieux, opérant de jour, dans cette région où sa présence grandit d'année en année depuis son arrivée en 2014.

Un record de cas importés

Si aucun cas autochtone n'a été recensé dans la région cette année, de nombreux cas importés ont toutefois été notifiés par l'Agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine. Au total : 80 personnes touchées par la dengue et une autre par le chikungunya en dehors de la métropole, un record pour ce début de saison. "Nous restons dépendants de ce qu'il se passe dans le monde, souligne l'épidémiologiste. Et en ce moment, il y a une épidémie de dengue aux Antilles."

Par son expérience, l'épidémiologiste remarque : "À l'étranger ou dans les outremers, les métropolitains font attention. Ils utilisent de l'antimoustique et se couvrent les bras et les jambes, rapporte celui qui a longtemps vécu à la Réunion. Toutefois, il faut poursuivre ces efforts dès son retour dans l'hexagone."

Laurent Filleul invite tous les vacanciers à consulter le médecin après s'être rendu dans un endroit où l'épidémie sévit. "Les cas de dengue peuvent être asymptomatiques, c'est-à-dire sans traces de fièvres, douleurs articulaires, mal aux yeux ou saignements de gencives. Il faut consulter."

Sang et "gîtes larvaires"

Plus largement, pour éviter toute piqûre, les professionnels rappellent les bons gestes à adopter : porter des vêtements amples, installer des moustiquaires à ses fenêtres et mettre en place des ventilateurs dans les pièces de son logement. Plus important encore, éviter tous les "gîtes larvaires", que sont les pots de fleurs, les arrosoirs, les cache-pots, où les larves se plaisent à grandir dans l'eau stagnante.

"La difficulté est que ce moustique tigre se plaît partout où il va, assure Aurélie Dupeyron, directrice adjointe de l'agence de lutte antivectorielle Actopictus, située à Mérignac en Gironde. Il lui faut seulement des récipients pour ses larves et du sang pour se nourrir." À l'échelle du département, plus de 92 % de la population est concernée par le moustique tigre. Sur les 535 communes de Gironde, l'insecte a élu résidence dans 271 villes, selon les chiffres de l'agence établis sur l'année 2023.

Nous recevons de plus en plus de signalements, tellement les nuisances sont importantes.

Aurélie Dupeyron

Directrice adjointe d'Actopictus-Mérignac

C'est au plus fort de la prolifération, en 2020, que l'entreprise privée a été mandatée par l'ARS pour mener à bien cette lutte antivectorielle. Immédiatement, un plan de surveillance a été mis en place en Gironde afin de suivre l'évolution et les déplacements de l'insecte zébré. "Deux fois par mois, nous plaçons des seaux d'eau dans des endroits dits sensibles, comme les aéroports, les hôpitaux et les sites touristiques", précise Aurélie Dupeyron. Ces récipients, dans lesquels a été ajouté du polystyrène, permettent aux experts de constater, ou non, la présence de larves de moustiques tigres.

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Ces tests viennent en supplément des alertes émises par les communes et les citoyens. "Grâce à la mise en place d'une plateforme, chaque personne peut rapporter la présence d'un moustique tigre dans sa commune ou son logement, ce qui nous permet de voir la propagation de l'insecte dans la région", explique la directrice adjointe de l'entreprise. L'année dernière, en Gironde, 52 nouveaux signalements ont eu lieu dans des communes non colonisées. 

Enquête entomologique et pulvérisations

L'étape suivante est celle du terrain. À l'aide de son pick-up, la société Actopictus procède à des traitements de démoustication entre 22 heures et sept heures du matin. "Nous pulvérisons de la deltaméthrine, la seule molécule autorisée en Europe, dans les lieux nouvellement colonisés par le moustique tigre afin de freiner sa progression, précise Aurélie Dupeyron. Un protocole qui porte ses fruits puisqu'aucun cas autochtone n'a été recensé dans la région depuis début mai.

La lutte antivectorielle n'a jamais supprimé une épidémie.

Laurent Filleul

Epidémiologiste

Ces pulvérisations, choisies par les politiques publiques pour freiner le moustique tigre, ne sont pas les seules options qui s'offrent à l'homme. Dans certaines régions du monde, certains acteurs procèdent à la stérilisation des moustiques, une solution qui pourrait marcher selon l'épidémiologiste Laurent Filleul, à quelques conditions près. "Dans des petits endroits, c'est faisable. Mais à l'échelle de la France, il faudrait stériliser des milliards de moustiques. C'est infaisable."

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L'autre option est de durcir les insecticides. "Le moustique tigre est très malin. Il se réfugie fréquemment sous les feuilles des arbres quand il y a des pulvérisations dans son espace", rapporte Laurent Filleul. Toutefois, cette utilisation chimique se heurte selon lui aux règles éthiques et professionnelles. "Utiliser des produits violents pourrait nuire à d'autres espèces de faune sauvage, et ce n'est pas le but. En plus, s'interroge-t-il, a-t-on vraiment besoin de supprimer l'entièreté d'une espèce parce qu'elle nuit à notre santé ?"

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