Il n’est plus tout à fait le petit-fils de Raymond Poulidor. C’est désormais le plus célèbre des Miaulétous ! En s’imposant, ce dimanche sur le vélodrome de Roubaix, après avoir dompté, pour la deuxième année d’affilée, les pavés de l’Enfer du Nord, Mathieu van der Poel est entré un peu plus dans la légende de la petite reine, et sans doute dans celle du sport tout court. Réactions en Limousin.
Un (presque) inconnu néerlandais dans l’actualité limousine
Sur France 3 Limousin, c’est en 2015 que l’on a commencé à vous parler de Mathieu van der Poel. Cette année-là, le jeune néerlandais, âgé alors de vingt ans, remportait le premier de ses six titres de champion du monde de cyclo-cross. Un exploit alors que lui, et son déjà grand rival Wout van Aert, avaient été surclassés sur la course Élite, alors qu’ils devaient concourir chez les Espoirs !
Mais pourquoi diable vous parler d’un jeune néerlandais, aussi brillant qu’il soit ? Tout simplement parce que Mathieu n’était autre que l’un des petits-fils de Raymond Poulidor, le fils de sa fille Corinne, marié à l’ancien champion cycliste, Adrie van der Poel.
Et c’est ainsi qu’au fil des ans, soit pour des actualités liées à son grand-père, soit pour celles liées à sa carrière, nous avons continué de suivre, même de loin, Mathieu.
Il était donc impensable de ne pas vous en reparler aujourd’hui, au lendemain de son monumental exploit sur Paris-Roubaix.
Mathieu van der Poel, exceptionnel sur les pavés
Sa prestation a été saluée unanimement, par ses adversaires, par la presse, et par tous les amoureux du vélo.
C’est vraiment exceptionnel. C’est vraiment l’un des tous meilleurs du peloton aujourd’hui. On aurait bien aimé voir un duel, ou un peu plus d’adversité, mais quand même. En l’absence de ses principaux rivaux, blessés, il était le favori. Mais c’est une chose de l’être, c’est autre chose de gagner. Oui, c’est déjà une légende de notre sport.
Maxime MédérelAncien cycliste professionnel
Même réaction de Kevin Cao, journaliste spécialiste du vélo au Populaire du Centre, bon cycliste amateur lui-même : "Il est impressionnant. Ce qui me sidère le plus, c’est son panache, sa capacité à attaquer de loin, comme ce dimanche. Attaquer comme cela, à 60 km de l’arrivée, on ne l’avait plus vu depuis Tchmil, en 1994. Et gagner avec autant d’écart, pas depuis 23002 avec Museeuw. Il peut gagner sur tout type de terrains, sur tout type de course, ses adversaires ont peur de lui, il a une classe folle sur son vélo. Il fait rêver tous les cyclistes amateurs. Et les jeunes coureurs, c’est à lui qu’ils veulent ressembler."
Il fait rêver tous les cyclistes amateurs. Et les jeunes coureurs, c’est à lui qu’ils veulent ressembler.
Kevin CaoJournaliste spécialiste du vélo au Populaire du centre
Mathieu van der Poel, dans la légende
Ce qu’il a fait, mais qu’il fait déjà depuis longtemps, c’est digne des plus grands. Quand je l’ai vu partir seul ce dimanche, j’ai aussitôt pensé aux épopées, aux chevauchées de Koblet, de Coppi, de Merckx !
Claude LouisPrésident de l’Association des Amis de Raymond Poulidor et André Dufraisse
Dithyrambique Claude Louis. Et la comparaison avec les trois immenses noms cités un rien peut être audacieuse. Encore que… Ni le Campionissimo, ni le Cannibale n’ont jamais remporté l’Enfer du Nord avec le maillot de champion du monde sur les épaules, ce qu’a fait van der Poel. Seuls Rick Van Looy, Bernard Hinault et Peter Sagan, excusez du peu, l’avaient fait avant lui.
De même, Mathieu venait tout juste de remporter le Tour des Flandres, le Ronde, la semaine précédente. Là encore, doubler ces deux monuments la même année, ni Merckx, ni Coppi ne l’l'ont fait.
Dans l’époque moderne, seuls seuls Raymond Impanis, Alfred de Bruyne, Rik Van Looy (encore), Roger De Vlaemynck, Peter Van Petegem, Tom Boonen et Fabian Cancellara y étaient parvenus ; re-excusez !
Le voilà désormais avec six Monuments à son actif. Les Monuments, ce sont les cinq plus grandes courses classiques : dans l’ordre du calendrier, Milan-San Remo, le Tour des Flandres, Paris-Roubaix, Liège-Bastogne-Liège et le Tour de Lombardie. Mathieu van der Poel possède donc désormais, à seulement 29 ans, un "Milan", trois "Ronde", et deux "Roubaix" ! Il est le seul coureur en activité à en posséder autant. Et encore, s’il ne s’était sacrifié pour son coéquipier Philipsen mi-mars dernier, il aurait sans doute un autre "Milan" dans sa besace. Et pour une fois, Liège-Bastogne-Liège (le 21 avril) pourrait lui sourire…
Sans oublier son titre de champion du monde, ses autres victoires de prestiges, comme à l’Amstel Gold Race, au Strade Bianche, ses trois étapes au Tour de France (avec le maillot jaune porté !) et au Giro, et ses innombrables victoires au cyclo-cross, en VTT, disciplines qu’il ne délaisse toujours pas. D’ailleurs, officiellement, son objectif 2024 est l’épreuve de VTT aux JO !
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Un champion (un peu) de chez nous ?
Petit, il venait souvent chez son grand-père, Raymond Poulidor, en vacances à Saint-Léonard-de-Noblat, et on pouvait voir le jeune Mathieu sur son vélo.
Présent aux festivités des 80 ans de Poupou, il l’était bien sûr aux obsèques de ce dernier, en novembre 2019. Et quand le Tour rendit hommage à Poulidor, en juillet dernier, lors de l’étape Saint Léonard-Puy-de-Dôme, il fut de toutes les images…
Est-il pour autant Miaulétou ? Selon, Alain Darbon, le maire DVG de Saint-Léonard, s’il y a de la tendresse pour le petit-fils de Raymond dans sa ville, ce n’est pas non plus une icône absolue : "Les fans de Raymond, dont le maire que je suis, le suivent activement. Et je communique régulièrement avec Corinne, sa maman. Mais de là à dire que tout Saint-Léonard commente ses résultats, non. Et on ne fait pas un article dans le bulletin municipal à chacune de ses victoires non plus. Et puis, il faut dire, il ne vient plus…"
Xavier Georges, également spécialiste du vélo au Populaire du Centre, qui avait, après une très longue tractation, pu obtenir une interview de Mathieu van der Poel en 2023, nous confiait : "On peut lire çà et là qu’il ne parle plus de son grand-père, enfin moins spontanément qu’avant. J’avais dû lui envoyer mes questions par mail, et je m’attendais à ce qu’il réponde de même. Mais non, il m’avait envoyé des réponses audios. Et je peux vous assurer qu’il était plein de tendresse et d’émotions, en me parlant de ses souvenirs chez lui, à Saint-Léonard… "
De fait, Mathieu van der Poel est désormais trop grand, pour que Saint-Léonard ou le Limousin puissent seuls se l’approprier, le revendiquer.
Maxime Médérél, Kévin Cao, Claude Louis, Xavier Georges et l’auteur de ces lignes ne sont d’ailleurs pas loin de penser que l’on a assisté, ce dimanche ou déjà un peu avant, à un renversement : Mathieu n’est plus le fils d’Adrie, le petit-fils de Raymond. C’est désormais Adrie qui est le père de Mathieu van der Poel, et Poulidor, s’il était encore là, son grand-père.
Et en se rappelant avec émotion comment et avec quelle fierté Poupou parlait de son champion de Mathieu, sûr que ça ne l’aurait pas dérangé.