Sur l'estive d’Ourdouas, près de Sentein en Ariège, un berger a fait face à une ourse et son ourson. Après avoir tenté de l'effaroucher, le berger s'est réfugié dans son abri, alors que l'animal se dirigeait vers lui. Un nouvel évènement, qui relance les arguments des pro et anti-ours.
Ce vendredi 21 août 2020, sur la crête du Pic de l'Har, le troupeau de brebis que surveille Etienne Moyenin est en train de paître, quand soudain, l'agitation de ses 5 patous (chiens protecteurs), tire le berger de son sommeil.
"Vers 5 heures, les patous ont commencé à aboyer violemment. Je me suis douté qu'il y avait quelque chose d'anormal. " Après être sorti plusieurs fois avec sa torche, le berger finit par apercevoir une ourse et son ourson à 100 mètres de lui. Il tente de l'effaroucher avec des cris et la lumière : "Elle a changé de trajectoire et s'est mis à avancer vers la cabane", dans sa direction. Etienne Moyenin se réfugie rapidement dans l'abri.
Besoin d'un suivi des individus
Une belle frayeur pour ce berger, qui a toutefois décidé de rester sur place pour terminer sa saison. Sur l'estive d'Ourdouas, 5 chiens patous et un parc de regroupement nocturne étaient en place. Pour le berger, ni l'effarouchement, ni les mesures de protections ne sont adaptés à ce prédateur.Pour améliorer ça il faudrait qu'on ait un suivi un peu plus concret des espèces prédatrices en France et des individus. C'est cette notion d'individu qui est importante. On ne nie pas que c'est difficile à mettre en place mais je ne suis pas persuadé qu'ils mettent tous les moyens pour le faire.
Dans un communiqué, Bruno Saurat, éleveur sur la commune voisine de Bonac Irazein et président du groupement pastoral d’Ourdouas, soulève une aggravation de la situation. "C’est la première fois que ça arrive et ça arrivera surement d’autres fois, assure-t-il. On met en estive un troupeau de proie et le berger est en première ligne. En tant qu’employeurs, on est démunis par tous ces risques."
A la suite de l'incident, la préfète de l'Ariège est venue sur place ce mardi rencontrer l'éleveur et le berger. Et l'effarouchement renforcé a été mis en place pour deux jours sur l'estive d'Ourdouas, avec la venue d'une équipe de l'Office Français de la Biodiversité.
"Une réaction de défense de sa progéniture"
Pour l'association Adet Pays de l'ours, l'incident repose la question de l'effarouchement. "Depuis l'an dernier, nous militons pour interdire l'effarouchement sur les femelles suitées", explique Alain Reynes, le directeur. Des poursuites judiciaires sont en cours contre l'État et la mise en place du protocole ours, qui, selon l'association, va à l'encontre de la législation sur les espèces protégées.L'effarouchement présente selon lui deux inconvénients : " pour les animaux, l'effarouchement renforce le risque d'abandon entre la femelle et ses petits." D'autre part, "une femelle avec ses petits qui se sent agressée va toujours avoir une réaction de défense de sa progéniture", explique-t-il. Ce qui expliquerait la "charge d'intimidation" .
On constate que l'État privilégie l'effarouchement à la protection des troupeaux.
Suite à cet évènement, les associations de défense de l'ours demandent dans un communiqué "une expertise de l’évènement par l’Office Français sur la Biodiversité et que les conclusions soient rendues publiques."
Le reportage de Geoffrey Berg et Rémy Carayon à l'estive d'Ourdouas