Procès des attentats de Trèbes et Carcassonne : "l'auteur principal est mort mais il faut quand même offrir un procès aux victimes"

Alors que s'ouvre le procès ce matin, que reproche l'accusation aux sept complices présumés du terroriste abattu par le GIGN à Trèbes le 23 mars 2018 après avoir tué quatre personnes dont le Colonel Beltrame ? Entre la théorie du loup solitaire et la participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle, la cour d'assises spéciale de Paris devra trancher.

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Radouane Lakdim est l'auteur principal des attentats terroristes de Carcassonne et Trèbes le 23 mars 2018. Il a été abattu par le GIGN après avoir tué quatre personnes : Jean-Michel Mazières, Christian Medvès, Hervé Sosna et le colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame. 

Il a pleinement assumé et même revendiqué le mobile terroriste de ses actes. "Je suis un soldat de l'Etat islamique", a-t-il clairement indiqué aux forces de l'ordre dans le supermarché. Cependant, comme Radouane Lakdim est mort, l'action publique le concernant est éteinte. C'est l'application du droit français. Il ne peut donc pas être jugé.

Six hommes et une femme

Ce lundi, à l'ouverture du procès devant la cour d'assises spéciale de Paris, six hommes et une femme âgés de 23 à 34 ans seront dans le box des accusés. La justice reproche à cinq d'entre eux, Marine Pequignot, Samir Manaa, Sofiane Boudebbouza, Reda El Yaakoubi et Ahmed Arfaoui d'avoir apporté leur aide au jeune djihadiste audois originaire de la cité Ozanam de Carcassonne, en ayant connaissance de sa radicalisation. Ils seront jugés pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. Deux autres, Baghdad H. et Sofiane M. devront répondre de délits connexes : détention d'armes et non-dénonciation de crime.

Lire : Attentats de Trèbes et Carcassonne. 23 mars 2018 : le chaos et la déflagration

Reda El Yaakoubi est considéré par l'accusation comme le caïd, le "boss" de multiples trafics dans la cité. À ce titre, il connaissait Radouane Lakdim et ne pouvait pas, toujours selon l'accusation, ne pas connaître la radicalisation du terroriste. 

Son avocat, Maître Edouard Martial s'oppose vivement à cette analyse. "C’est toujours le même problème. J’ai plaidé dans le dossier Merah où je défendais un garçon, Fettah Malki (NDLR : Condamné en avril 2019 par la Cour d'assises spéciale d'appel de Paris à 10 ans de réclusion pour avoir fourni un pistolet et un gilet pare-balles à Mohammed Merah), qui était poursuivi exactement dans les mêmes circonstances. C’est-à-dire qu’on considérait qu’à partir du moment où il avait été en relation commerciale avec Mohamed Merah, il n‘avait pu que savoir qu’il était radicalisé et qu’il était prêt à passer à l’acte".  

Je ne crains pas de dire que dans ce genre d’affaire, dès lors que l’auteur principal, le terroriste, n’est plus là pour répondre de ses actes, il faut quand même offrir un procès aux victimes.

Maître Edouard Martial, avocat de la défense

"Et là, poursuit-il, j’ai l’impression que l’on a fait exactement pareil. Je ne crains pas de dire que dans ce genre d’affaire, dès lors que l’auteur principal, le terroriste, a disparu, a été tué, n’est plus là pour répondre de ses actes et bien il faut quand même offrir un procès aux victimes. Franchement, on ne voit pas ce qu’on vient faire dans une association à but terroriste. Qu'on nous dise que notre client est une petite frappe, un petit voyou, pourquoi pas. Il n’y a pas de soucis là-dessus. Nous venons pour plaider l’acquittement"

Marine Pequignot, 22 ans, la jeune femme qui comparaît n'est autre que la petite amie de l'époque de Radouane Lakdim. Convertie à l'Islam les juges la décrivent comme "totalement imprégnée de l'idéologie djihadiste". 

Samir Manaa, délinquant de droit commun, faisait du sport et du trafic de stupéfiants avec l'assaillant, qu'il avait accompagné pour acheter un poignard deux semaines avant les attaques. C'est ce couteau qui a servi à égorger le colonel Arnaud Beltrame, qui s'était substitué à une caissière otage pour lui permettre d'être libérée.

Une peine de 30 ans de réclusion criminelle encourue

Sofiane Boudebbouza, déjà condamné, mineur, pour avoir projeté de se rendre en zone irako-syrienne, est accusé d'avoir fourni un soutien intellectuel lors de discussions sur un forum acquis à l'idéologie jihadiste. Quant à Ahmed Arfaoui, beau-frère de Radouane Lakdim, il avait nettoyé le domicile familial avant une perquisition, emmenant avec lui un sac volumineux. 

La participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle pour laquelle les principaux accusés encourent une peine de 30 ans de réclusion criminelle est contestée par les avocats de la défense.

La théorie du loup solitaire, je n’y crois pas trop.

Maître Franck Alberti, avocat de la partie civile

Une position qui ne convainc pas l'un des avocats de la partie civile : "Moi personnellement, la théorie du loup solitaire, je n’y crois pas trop, assure Maître Franck Alberti. Comme quoi, un matin, Radouane Lakdim se lève et se dit qu’il va passer à l’acte. Tout ceci résulte de plusieurs choses et notamment de l’image qu'il renvoie dans les semaines, les mois qui ont précédé. L’image de quelqu’un qui va se lancer sur quelque chose qui va faire de lui un type important. Ériger le mal, la mort. Sans ce regard de l’entourage, de cette assistance, le passage à l’acte ne se fait pas de la même façon".

Cinq semaines de procès

La plupart des suspects vivaient au moment des faits dans la cité Ozanam et auraient "favorisé le passage à l'acte" du terroriste selon l'accusation. À noter qu'aucun d'entre eux n'est poursuivi pour complicité.

Le procès doit durer cinq semaines. L'audience sera présidée par Laurent Raviot (comme pour le procès de l'attentat de Nice). Le ministère public sera représenté par deux avocates générales : Alexa Dubourg et Aurélie Valente, vice-procureures antiterroristes. Le délibéré est attendu le 23 février.

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