Plus de 4 ans après les attentats de Trèbes et Carcassonne qui ont fait 4 morts en mars 2018 dans l'Aude (dont le colonel Arnaud Beltrame), 7 personnes sont renvoyées devant les Assises au terme de l'instruction. Un procès dont on ne connaît pas encore la date mais qui se tiendra en l'absence du terroriste Radouane Lakdim, tué dans l'assaut du Super U de Trèbes.
Ils sont 7 : six hommes et une femme. Ils ont entre 22 et 23 ans et seront jugés devant une cour d'Assises car ils sont suspectés d'avoir aidé, à des degrés divers, à la réalisation des attentats de Trèbes et Carcassonne, le 23 mars 2018. Ce jour-là dans l'Aude, 4 personnes ont trouvé la mort, dont le colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame. La date du procès n'est pas encore fixée mais les 3 juges chargés d'instruire ce dossier ont signé ce mercredi l'ordonnance de mise en accusation.
Des jeunes de la Cité Ozanam
Les accusés comparaîtront en l'absence de Radouane Lakdim, le terroriste à l'origine des attaques, tué lors de l'assaut du GIGN dans le supermarché Super U de Trèbes où il s'était retranché avec des otages. Si les juges précisent qu'il n'a bénéficié d'aucune complicité, ils considèrent que les 7 personnes renvoyées devant la justice "ont favorisé son passage à l'acte". Pourtant, tous assurent avoir ignoré le projet criminel de l'assaillant.
La plupart des suspects vivait au moment des faits dans la cité Ozanam de Carcassonne, où habitait aussi Radouane Lakdim, 25 ans, un délinquant de droit commun radicalisé, fasciné par les armes et vivant dans la haine des forces de l'ordre.
Les magistrats sont allés plus loin que les réquisitions du parquet national antiterroriste en retenant la notion "d'association de malfaiteurs terroriste criminelle" pour 5 des suspects : la petite-amie et le plus proche ami de l'auteur des attentats, Marine Pequignot, 22 ans, Samir Manaa, 27 ans, ainsi que Sofiane Boudebbouza, 24 ans, Reda El Yaakoubi, 32 ans, et Ahmed Arfaoui, 27 ans.
Une petite amie convertie à l'Islam
Les juges dépeignent Marine Pequignot, convertie à l'Islam, comme étant "totalement imprégnée de l'idéologie jihadiste". En garde à vue, elle avait ainsi justifié les actes de Radouane Lakdim : "tout musulman doit défendre la religion, en parole ou en acte", avant de nuancer ses propos. Quant à Samir Manaa, lui aussi délinquant de droit commun, il faisait du sport et du trafic de stupéfiants avec l'assaillant. Deux semaines avant les attaques, il l'a accompagné acheter un poignard, celui-là même utilisé pour égorger Arnaud Beltrame.
De son côté, déjà condamné quand il était mineur pour avoir projeté de se rendre en zone irako-syrienne en 2017, Sofiane Boudebbouza est accusé d'avoir fourni un soutien intellectuel
à Radouane Lakdim lors de discussions sur un forum acquis à l'idéologie jihadiste. Enfin Ahmed Arfaoui, beau-frère de l'auteur, avait nettoyé le domicile familial avant une perquisition, emmenant avec lui un sac volumineux.
Réaction des avocats
Les 2 derniers accusés, Baghdad H. et Sofiane M., sont renvoyés pour des délits connexes, notamment la détention d'armes. Une victoire pour l'avocat du dernier suspect, maître Pierre Debuisson, car à l'origine son client était mis en examen pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. Il se félicite de cette réduction des charges retenues :
C'est une belle décision qui n'était pas évidente à obtenir au regard de la pression populaire et du caractère insoutenable de ces actes terroristes, que je suis le premier à condamner.
Maître Pierre Debuisson, avocat de Sofiane M.
Non-lieu pour un huitième mis en cause
Fait notable, un quadragénaire qui était mis en examen depuis 2019 bénéficie au final d'un non-lieu. Cet homme, informateur des services de renseignements, avait été présenté comme un père de substitution pour Radouane Lakdim. Dès 2014, il avait signalé la radicalisation du jeune homme et avait à nouveau alerté sur son comportement en janvier 2018, quelques semaines avant les attentats, sans obtenir autre chose qu'un rapport préconisant "une mise en surveillance", aucun élément n'étayant alors son appartenance à une mouvance djihadiste. Aujourd'hui, son avocat affirme que cet homme s'est senti "abandonné par ses officiers traitants" :
Mon client a dû s'exposer pour se défendre. Il s'est mis en danger en révélant être une source de la DGSI et il a fallu déclassifier des notes de renseignement pour établir sa crédibilité et son innocence.
Maître Moad Nefati, avocat d'un suspect innocenté
Rappel des faits
Le matin du 23 mars 2018, Radouane Lakdim vole une voiture à Carcassonne. Armé,
il tue le passager, Jean Mazières, un vigneron retraité de 61 ans et blesse très grièvement le conducteur, Renato Silva, un jeune Portugais de 26 ans. Il tire ensuite sur un groupe de CRS à proximité de leur caserne, blesse l'un d'eux puis pénètre dans le supermarché Super U de Trèbes. Se présentant comme un soldat du groupe Etat islamique (EI) et criant "Allah Akbar",
il tue le boucher, Christian Medvès, 50 ans, et un client, Hervé Sosna, âgé de 65 ans. Une vingtaine de personnes parviennent à s'échapper, d'autres se cachent dans la chambre froide.
L'héroïsme d'Arnaud Beltrame
C'est alors que le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame propose de se livrer à lui à la place d'une caissière retenue en otage. Au terme de cet acte héroïque, il sera égorgé par le terroriste avant que celui-ci ne soit tué dans l'assaut donné dans la foulée par les forces de l'ordre. L'EI avait revendiqué ces attaques. Mais les investigations n'ont pas permis d'établir de contact entre l'auteur et l'organisation.