Aveyron : le ras-le-bol du Président du groupe semencier RAGT après la dernière action de militants anti-OGM

Dans sa lutte contre les OGM, les Faucheurs volontaires s'en sont encore pris à l'entreprise RAGT. "La 27e agression en 20 ans" selon Claude Tabel. Le président du directoire du groupe RAGT exprime sa colère et appelle à un "choix de société" quant aux autorisations sur les techniques de sélection génétique des végétaux.

Il y a dans la voix de Claude Tabel de la lassitude, mais surtout une colère qui couve. « C'est la 27e agression, c'est la 17e destruction, en 20 ans, sans aucune condamnation. Vous feriez quoi à ma place ? Vous ne seriez pas en colère si quelqu'un venait dans votre bureau et vous détruisait votre ordinateur pour la 17e fois ? » réagit le président du directoire du groupe Rouergue Auvergne Gévaudan Tarnais (RAGT). 

SENTIMENT DE "RAS-LE-BOL"

A l’origine de ce courroux, l’irruption des Faucheurs volontaires dans les locaux de l'entreprise RAGT, mercredi 10 novembre, à Calmont dans l'Aveyron. « Il y a surtout un sentiment de ras-le-bol, exprime le semencier. Nous sommes dans une démocratie, il paraît. Et dans une démocratie, chacun a le droit d’avoir son avis. Mais de là à venir détruire le travail de personnes systématiquement pour interpeller le gouvernement. Ils n'ont qu'à aller voir le gouvernement où aller à la préfecture s'ils le souhaitent, mais pas rentrer dans des propriétés privées et casser tout. Le tout cautionné par des médias présents lors de leurs actions. » Un sentiment qu'il n'hésite pas à partager sur les réseaux sociaux :

En dehors du préjudice matériel et du moral en berne de ses salariés, c’est l’absence de résultats de la justice et « l’impunité » dont bénéficieraient les Faucheurs volontaires que le patron de l’entreprise de distribution de semences de grandes cultures veut dénoncer : « Mes collaborateurs sont à la fois dépités, abattus de voir que rien ne se passe. Vous appelez la gendarmerie et il n'y a pas d'interpellation. Il n'y a rien. Tout au plus, les plaques d'immatriculation des voitures sont photographiées, ce que nous savons faire. Nous savons que la gendarmerie va faire son travail. Elle va enquêter. Elle va convoquer les gens et la procédure judiciaire va suivre son cours pour rien. Cela fait 17 destructions. 17 fois que nous portons plainte sans résultat. »

Installée, comme les Faucheurs volontaires dans l’Aveyron, la RAGT a subi le fauchage d’une de ses parcelles de tournesol, qualifié d’OGM par ces militants, en août dernier. Ils cherchaient à vérifier si la RAGT en était bien la fournisseuse. Lors de l’action à Calmont des sacs de tournesol Vollcano Clearfield ont été trouvés dans un hangar de l'entreprise. "Ce sont des plantes VRTH, c'est-à-dire rendues tolérantes aux herbicides" explique une militante sur place.

OGM OU PAS ?

Ce terme d’OGM, Claude Tabel, également président de l’Union française des semenciers, le rejette : « On peut dire qu’ils (les Faucheurs volontaires) ont gagné, car il n’y a pas d’OGM sur le territoire français. L'OGM, c’est ce que l’on appelle la transgenèse, c’est-à-dire que l’on introduit un gène qui n’est pas dans l’espèce. Aujourd’hui, ce dont parle, ce ne sont pas des OGM, mais la mutagenèse, que les Faucheurs volontaires vont qualifier d'OGM ou d'OGM cachés. Contrairement à ce qu'ils racontent, la Cour européenne de justice ne leur a pas donné raison. La preuve. Le Conseil d'Etat a renvoyé le dossier à la cour de justice européenne pour avoir des précisions. Sur cette question, rien n'est tranché. Tout ce qu'ils ont trouvé, ce sont des essences légales. »

Le jour même de l’action des Faucheurs volontaires, le Conseil d’Etat a rendu une décision enjoignant l’État à adopter « un plan d’action définissant les mesures retenues en vue d’évaluer les risques liés aux variétés de plantes rendues tolérantes aux herbicides (VRTH) pour la santé humaine et le milieu aquatique, en exécution de l’injonction mentionnée à l’article 4 de la décision du 7 février 2020 » et demandant « une nouvelle fois des questions sur la mutagenèse à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) : « Pour distinguer parmi les techniques/méthodes de mutagenèse, celles qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps." 

Ces questions sont sur le tapis aujourd'hui, reconnaît Claude Tabel. Les techniques qui sont actuellement en discussion, ce sont toutes les techniques d'édition du génome où NBT. Là, il y a une prise de conscience à ne pas répéter les erreurs que nous avons faites avec les OGM. Il va y avoir un débat ce qu'il y a de plus démocratique avec potentiellement des textes au niveau européen pour discuter de la façon d'utiliser ces technologies.» Un débat sur lequel deux chercheuses apportent un point de vue intéressant sur le site The Conversation. 

DANS L'ATTENTE D'UNE DÉCISION EUROPÉENNE

Car pour le semencier, cette question est un véritable « problème de société »: « Nous avons des défis qui sont devant nous comme le réchauffement de la planète, le changement climatique. Nous avons des stratégies européennes qui nous obligent à réduire l'utilisation des produits phytosanitaires, des engrais. Les techniques dont on parle là, sont des techniques qui doivent permettre aux plantes de faire face à ces nouvelles conditions, soit nous les avons à notre disposition, nous semenciers en Europe, soit nous ne les avons pas, alors nous continuerons à faire notre boulot. »

Pour le dirigeant, la RAGT prend du retard à chaque nouvelle action contre sa production. « Le fait d'avoir raté le rendez-vous OGM – transgenèse - entre 2005 et 2010, cela nous a empêché d’offrir des solutions qui nous paraissaient élégantes. Lorsque nous avions un maïs qui se défendait tout seul face à une chenille qui venait le manger, car elle produisait une protéine insecticide utilisée en agriculture biologique. Nous trouvions cela bien, mais nous ne l’avons pas. Nous allons donc continuer à demander aux agriculteurs de balancer des pesticides parce que nous ne pouvons pas leur offrir cette solution. Cela nous pénalise, mais aussi la France. » La proposition de réglementation européenne est attendue pour le premier semestre 2023. « Pour l'instant, nous attendons. Après, si ces techniques sont interdites, nous regarderons en dehors de la France et en dehors de l'Europe. »

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