Le club de foot de Nîmes est en crise depuis plusieurs semaines. La situation est tendue entre la société commerciale qui gère la section professionnelle et l'association sportive qui s'occupe de la partie amateur. Point de crispation : l'avenir du centre de formation.
Réunion de crise hier mercredi 26 mai pour le comité directeur de l'association du Nîmes Olympique. C'est cette structure, formée de bénévoles, qui gère la section amateur du club de foot gardois. L'association détient aussi le numéro d'affiliation nécessaire à l'inscription en championnat professionnel.
Cette dissociation association /secteur amateur et société commerciale/section professionnelle est classique dans le football français. Et la plupart du temps, les deux parties s'entendent pour que le club fonctionne bien. Mais chez les Crocos, rien ne va plus. Les relations entre le président de la société commerciale et principal actionnaire du club, Rani Assaf, et l'association n'ont jamais été simples mais elles ont encore empiré ces derniers jours.
Le centre de formation remis en cause
Rani Assaf estime que le centre de formation du Nîmes Olympique coûte trop cher et souhaite mettre un terme à son agrément professionnel. Un changement de statut qui le ferait aussi changer de catégorie. Il ne formerait plus vraiment des joueurs pros. Inacceptable pour l'association qui a sollicité les services de l'avocat lyonnais Olivier Martin, spécialiste en droit du sport et conseil de nombreux clubs (Saint-Etienne ou Amiens par exemple) et joueurs de football.
Pour l'avocat, s'il est normal que l'actionnaire, celui qui met l'argent, ait un droit de regard sur la gestion des budgets, association comprise, il ne peut demander la démission collective des membres de l'association pour y placer ses proches. Et menacer de placer le club en liquidation s'il n'obtient pas ce qu'il veut. "Le dire comme ça, c'est une déclaration de guerre. Mais il y a d'autres solutions. Il faut simplement en discuter", explique l'avocat, "on peut rapidement faire un avenant à la convention qui régit les relations entre société commerciale et association, avec un comité de pilotage qui permet à l'actionnaire majoritaire de faire valoir son point de vue et aux bénévoles de l'association de continuer leur travail auprès des jeunes, c'est ce qui se passe ailleurs."
Ne voir que les coûts du centre de formation à l’instant T, c’est se masquer la réalité du modèle économique du foot aujourd'hui.
"Le centre de formation c’est en gros un budget de1,3 millions d’euros par an de frais de fonctionnement", détaille Oilivier Martin, "si vous sortez trois joueurs pro, vous en signez deux dans l’équipe et vous n’en vendez qu’un seul au prix du marché de la Ligue 2, vous avez remboursé 3 fois la mise".
Quand le centre de formation ne possède plus d'agrément, les jeunes qui en sortent peuvent signer dans l'équipe qu'ils veulent et cela ne rapporte pas un euro au club.
Pour Yannick Liron, président de l'association du Nîmes Olympique, se passer du centre de formatiuon agréé par la fédération française de football, c'est mettre en danger l'avenir du club. "Il faut trouver un compromis pour sortir de cette crise, mais le centre de formation de peut pas être sacrifié. L'association est bien gérée, il n'y a pas de déficit et nous sommes tous des bénévoles. L'association n'est pas responsable des difficultés financières du club, de la pandémie et de la faillite du diffuseur Mediapro."
Il faut qu'on discute. Avec notre avocat, nous sommes d'accord : l'association a le devoir d'aller à la conciliation, je pense qu'un dialogue est toujours possible.
Des explications à retrouver dans le reportage tourné hier soir par France 3 Occitanie. Un conseil d'administration est prévu ce jeudi après midi au club de Nîmes. Rani Assaf devrait préciser ses intentions.
Flou autour des intentions du président
Depuis son arrivée au club de Nîmes, le financier Rani Assaf porte un grand projet immobilier, avec un nouveau stade de 15.000 places, accolé à un éco-quartier avec des bureaux et des résidences seniors et étudiantes, qui permettrait de générer de nouveaux revenus pour le club. Un projet au point mort pour l'instant. Il estime d'autre part que le centre de formation est insuffisamment rentable à un moment où la crise pèse sur les finances du club, rélégué en outre en Ligue 2. En début de saison, Assaf avait annoncé la couleur. "Je n'ai pas de compte à rendre à qui que ce soit. J'ai 80% du club, je fais ce que je veux au club, il faut que ce soit clair pour tout le monde", avait-il dit. Rani Assaf a été directeur du réseau de l'opérateur téléphonique Free jusqu'en avril 2021 et est toujours actionnaire (minoritaire) du groupe Iliad la maison-mère de Free. Le magazine Challenges classe sa fortune parmi les 500 premières fortunes françaises et l'estime en 2020 à 164 millions d'euros.
Les supporters désabusés
Du côté des supporters nîmois, en tous cas, la messe est dite depuis longtemps déjà. Le président d'un des quatre clubs de supporters, présent à la réunion d'urgence hier soir, est circonspect quant aux chances de trouver un compromis. "C'est toujours très dur d'ouvrir un dialogue avec Rani. Mais c'est normal que l'association essaie, il n'y a aucune raison de fermer le centre de formation, estime Cyril Roure, du cop Nemausus 2013. "On soutient l'association qui fait ce qu'elle a à faire, mais nous les supporters, on est clair et les quatre clubs sont d'accord. On ne demande rien, on paie notre abonnement, on vient soutenir les joueurs. Les supporters font partie du paysage des Crocos mais le président ne nous respecte pas. Rani Assaf, on n'en veut plus au Nîmes Olympique".
Relégué en Ligue 2 à l'issue du championnat, les Crocos Nîmois ont en tous cas besoin de sortir le plus rapidement possible de cette crise pour préparer la prochaine saison. Premier match le 24 juillet.