Crise de la filière bio : le gouvernement déçoit avec un soutien "dérisoire" au premier département bio de France

Le ministère de l'Agriculture a annoncé une nouvelle aide de 60 millions d'euros pour soutenir l'agriculture biologique, mercredi 17 mai. L'enveloppe attribuée au Gers est de 173 000 euros. Un montant que certains producteurs estiment dérisoire, alors qu'il est le premier département bio de France.

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La mauvaise santé de la filière bio n'est plus à prouver. Après des années de croissance à deux chiffres, le marché a commencé à fléchir en 2021. En 2022, les ventes se sont effondrées de près de 7,4% en supermarché. Les consommateurs, essorés par l'inflation, se détournent des produits issus de cette agriculture sans pesticides ni engrais au profit d'alternatives moins chères. 

C'est dans ce contexte que le gouvernement a annoncé ce mercredi 17 mai un plan de soutien à la production biologique chiffré à 60 millions d'euros. Cette enveloppe vient s'ajouter au fonds d'urgence de 10 millions d'euros déjà débloqué en avril dernierParmi ces 60 millions d'euros, 17 0000 iront au département du Gers. Ce dernier est le premier département bio de France. En 2021, il comptait près de 2 000 fermes engagées en bio qui représentaient 26% de la surface agricole, d'après les chiffres de l'Agence BIO.

Dans les faits, l'enveloppe de 173 000 euros sera "répartie entre les dossiers éligibles dans la limite d’une quarantaine pour permettre de conserver des montants d’aide de l’ordre de 4000 €", d'après la préfecture du Gers. Pourtant, le département comptabilise environ 1 000 agriculteurs éligibles. D'où la surprise de certains producteurs face au montant alloué au département pour soutenir la filière.

"On sent vraiment que la demande en bio a chuté"

Sur le marché d'Auch (Gers) ce jeudi matin, les habitués des stands estampillés "Agriculture biologique" l'avouent volontiers : ils se freinent plus qu'avant sur l'achat de produits bios. "Vu le montant de ma retraite, je dois faire attention, raconte une Auscitaine. Les patates bios, c'est beaucoup moins chers que les asperges bios par exemple. Donc je fais des choix, c'est certain".

Un peu plus loin, Sophie fait la queue devant son fromager bio. "J'achète moins c'est sûr, mais je tiens quand même à rester fidèle à mes petits producteurs", assure-t-elle. Derrière le stand, Romain Florent lui en est reconnaissant. Il est à la tête d'une exploitation de 35 hectares et produit du fromage de chèvre et du porc noir depuis une dizaine d'années. 

"On sent vraiment que la demande en bio a chuté. Je vois moins de clients, mais surtout c'est le montant moyen des achats qui a baissé", regrette-t-il. Pour preuve : l'éleveur en bio estime que son chiffre d'affaires annuel a baissé d'environ 15% par rapport à l'an dernier.

Bien entendu, il a entendu parler de l'enveloppe de 60 millions d'euros pour venir en aide à la filière. Mais pour Romain Florent, son montant est "dérisoire". "Il faudrait bien plus pour permettre aux exploitations de passer ce cap difficile. Parce que je constate, même parmi mes voisins, qu'il y a des fermes qui vont se déconvertir, qui vont repasser en agriculture conventionnelle parce qu'il n'y a plus de débouchés", déplore-t-il.

La crainte du retour des producteurs vers le conventionnel

Le mot "dérisoire" revient dans la bouche de Sylvie Colas, maraîchère en bio et porte-parole de la Confédération paysanne du Gers. "C'est très insuffisant et très difficile à attribuer. Sur quels critères vont-ils se baser ?, interroge-t-elle. Est-ce qu'on va réellement à la nécessité en empêchant que des gens quittent le bio pour revenir en conventionnel, ou est-ce que réellement on fait en sorte de progresser dans le bio ?".

La syndicaliste pointe du doigt l'objectif de 15% de surfaces agricoles utiles cultivées en bio que devait atteindre la France en 2022. Un échec, puisque le montant de ces dernières s'élèvent actuellement à 10%. "Certes, dans le Gers, on avait pris de l'avance, mais j'espère vraiment qu'on va la conserver", s'inquiète Sylvie Colas, qui craint le retour de nombreux producteurs vers l'agriculture conventionnelle. Ce serait un désastre pour l'environnement et pour la santé des citoyens".

De son côté, Bertrand Bortoloni pointe aussi l'insuffisance du plan de soutien du gouvernement au secteur de l'agriculture biologique. "Tout dépend aussi comment ces aides vont être réparties, pointe le trésorier du Groupement des agriculteurs biologiques et biodynamiques du Gers (GABB32). Si ça va aller directement aux producteurs, si ça va aller sur de la fidélisation de consommateurs, si ça va permettre de créer de la valeur ajoutée...".

Pour ce céréalier en bio, l'enjeu décisif pour redynamiser la filière réside dans la promotion auprès du consommateur. "Il va falloir que le consommateur comprenne que le bio ne coûte pas forcément plus cher que le conventionnel. Cela dépend de quels produits il achète et d'où il les achète."

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