Forces de l'ordre : "Une dérive liberticide et violente", l'accablant rapport de l'observatoire toulousain des violences policières

L'observatoire toulousain des pratiques policières a présenté ce mardi 28 novembre son 3ème rapport. Et sa conclusion n'est pas tendre. Les militants des droits de l'homme dénoncent "une dérive liberticide et violente" pour le maintien de l'ordre dans les manifestations.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Fondé en 2017, l'observatoire toulousain des violences policières sort son troisième rapport et en profite pour rappeler son rôle : "Mettre à disposition des journalistes, des hommes politiques, des associations et des citoyens, des éléments documentés leur permettant de se faire une opinion". L'observatoire n'a pas de rôle politique. Son travail est scientifique, sous la houlette d'un laboratoire du CNRS. Il a pour vocation de documenter, d'analyser et de restituer ses observations à la société.

Lire aussi : Violences en manifestation : documenter sans juger, la difficile mission de l'observatoire des pratiques policières à Toulouse

Entretien avec Pascal Gassiot de la Fondation Copernic à l'occasion de la sortie du nouveau rapport. 

France 3 Occitanie : Pascal Gassiot, que faut-il retenir de ce rapport 2023 ?

Pascal Gassiot : Ce rapport traite des événements de ces deux dernières années. Il a débuté au moment des manifestations anti-pass sanitaire. Les deux grandes séquences concernées par le rapport sont les mobilisations contre la réforme des retraites, et le mouvement écologiste autour de Sainte-Soline.

Ce qui nous a frappés en premier lieu c'est l'armement des policiers. Nous avions déjà dénoncé un usage illégal de ces armes dans un rapport précédent. Nous avons largement documenté un usage offensif des grenades de désencerclement, notamment lors de la manifestation toulousaine du 28 mars, alors que les policiers n'étaient pas en danger. C'est totalement illégal et ça continue malgré nos alertes. À Sainte-Soline, nous avons constaté un usage hallucinant, passez mois le terme, de la force avec l'utilisation de sans doute plusieurs milliers de grenades offensives explosives, jetées sur les manifestants. Et nous-même nous n'en revenons pas car nous avons des vidéos ou nous entendons une explosion de grenade toutes les secondes.

La seconde chose, qui nous a marqués c'est une concordance des temps politiques avec la répression. Pendant la mobilisation contre la réforme des retraites, alors que les manifestations étaient pleines, il n'y a pas eu de heurts.

Et tout a basculé le 16 mars lorsque le gouvernement a annoncé le recours au 49-3 pour faire passer la loi. Ce même soir, les policiers ont chargé extrêmement violemment des manifestants rassemblés place du Capitole. Et après tout s'est enchaîné. Dans les journées de mobilisation suivantes, nous avons vu les policiers faire irruption dans les manifestations, arriver avec des canons à eau, charger, tirer des grenades et faire dégénérer les manifestations.

Lire aussi : « On traite deux dossiers, on en récupère cinq. On pète les plombs » : submergés, les policiers étouffent sous les procédures

Nous ne nions pas qu'il y ait eu dans les manifestations des personnes plus déterminées, mais rien ne justifiait cette montée en puissance de la répression. Et comme par hasard, il y avait ce temps politique à l'Assemblée nationale. Cette concordance des temps nous inquiète beaucoup.

C.S : Qu'est ce qui doit particulièrement alerter ?

P. G : On est très inquiets de l'attitude des syndicats de police et on le dénonce dans notre rapport. Alliance et le SGP Police ont sorti ensemble un communiqué qui devrait alerter tous ceux qui pensent que la police devrait être sous contrôle. Ils y appellent à "détruire les nuisibles". C'est un véritable appel à la violence.

On pense nous que les policiers devraient être calmes et mesurés parce qu'ils ont un droit exorbitant : celui de porter une arme, mais normalement pour nous protéger. Et de les voir porter ainsi des menaces sur la population et même le gouvernement, on appelle ça de la radicalisation et c'est très effrayant.

Enfin l'usage régulier que font les policiers de leur arme de service, impliquée notamment dans la mort de Naël doit alerter. On a le sentiment que les policiers sont désinhibés parce qu'ils sont couverts par leur hiérarchie. Et on craint que les forces de l'ordre en viennent à utiliser leur arme de service dans les manifestations.

C.S : Vous évoquiez la radicalisation des policiers, faisaient-ils face à des individus eux aussi "radicalisés" ?

P.G : Bien sûr, nous l'avons constaté. Il faut se rappeler pour la réforme des retraites, qu'une très grande majorité de Français y étaient opposés. Alors c'est sûr que face à ce passage en force du gouvernement, une partie des manifestants s'est radicalisée.

Normalement, face à cette dynamique de manifestation, on va dire déterminée, les policiers devraient prendre du recul, faire attention, se dire que leur attitude peut en rajouter et provoquer des réactions plus radicales. Je ne vais pas défendre les gens qui s'attaquent aux vitrines, mais franchement quand, pour contrer ces gens, on s'attaque à toute la manifestation, on utilise des armes de guerre et on met Toulouse sous tension pendant des heures, on peut s'interroger sur la logique du maintien de l'ordre qui est derrière.

Lire aussi : Réforme des retraites à Toulouse : des individus interpellés, des étudiants mobilisés et des manifestants dénoncent des violences policières

Ce que nous reprochons dans cette logique policière, issue des violences urbaines, c'est que l'intrusion des policiers de la BAC et parfois des CRS au cœur des manifestations, pour aller interpeller un individu qu'ils ont repéré, fait partir en vrille la manifestation. Les gens ne comprennent pas pourquoi soudainement, ils utilisent des matraques et des gaz lacrymogènes. Ça crée des phénomènes de solidarité et ça part en vrille.

Nous avons bien observé les manifestations toulousaines, et franchement le phénomène "Black Block", dont on a beaucoup parlé, se réduit à quelques dizaines de personnes, qui sont le plus souvent habillées en noir, et font les "fiers" et parfois des dégâts. Mais globalement, on se sert de quelques éléments, dits radicaux, pour jeter le discrédit sur des manifestations dans leur ensemble.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information