Neuf médecins du Tarn ont été convoqués, mardi 7 novembre 2023, par la Caisse primaire d'assurance maladie devant une commission. Ils leur est reproché d'avoir prescrit trop d'arrêts maladies ou des arrêts trop longs. Sa tenue fait suite à une campagne nationale lancée par le Ministère de l'économie.
Francis Blanc est un médecin généraliste, installé à Albi, dans le Tarn, depuis le 10 juillet 1978. Il est convoqué, ce mardi 7 novembre 2023, avec 8 autres de ses confrères, devant la commission des pénalités de la CPAM du Tarn, sur le sujet controversé des arrêts de travail.
Cette commission fait suite à une campagne nationale lancée par le Ministère de l'économie qui vise à réduire le nombre d'arrêts de travail, en accompagnant les médecins qui seraient trop enclins à les prescrire. Il lui est reproché de prescrire trop d'arrêts maladies.
"J'ai regardé nos relevés où sont listés nos arrêts de travail qu'on nous envoie chaque année, explique le médecin généraliste, document à la main, à David Bobin, journaliste à France 3 Occitanie. La durée moyenne de mes arrêts, c'est 35 jours alors que la moyenne de mes collègues, c'est 29-30, ça n'a rien de catastrophique, je ne vois pas où j'en fais trop." Mais ce professionel de santé soupçonne la CPAM de se baser sur un autre ratio qui lui ferait remonter le nombre d'arrêts maladies délivrés : "Entre 16 et 60 ans, j'en ai 75%, alors que la moyenne c'est 49%. Le simple fait d'avoir 30% de gens susceptibles d'être en arrêt maladie de plus que la moyenne ça me fait remonter mon chiffre à 60%."
Des analyses qui ont été a priori corrigées par la CPAM, selon Francis Blanche : " ils nous ont comparé à des cas comparables. Comment ont-ils fait pour nous comparer, mystère ! Il faut leur faire confiance ! Moi, je suis dans un quartier prioritaire dans une maison de santé, j'ai 60% de CMU, 80 nationalités au cabinet, je ne sais pas si on trouve beaucoup de cabinets comme ça, il y en a heureusement mais à mon avis, il faut prendre large".
Un longue précédure décidée au niveau nationale
Le Tarn compte environ 330 médecins. Mais seule une vingtaine d'entre eux sont concernés par cette procédure nationale. C'est la Caisse nationale d'assurance maladie qui a identifié les médecins du Tarn relevant d'une "atypie" sur la prescription des arrêts maladies, il y a plusieurs semaines. La CPAM du Tarn a ensuite pris le relais pour échanger par courrier ou de visu avec les praticiens. Certains ont été écartés de la procédure, suite à ces échanges, d'autres se sont vus proposés une "mise sous objectif" ( MSO) avec un nombre réduit d'arrêts maladie à atteindre. "Une partie d'entre eux a refusé la MSO et cela a donc basculé sous une mise sous accord préalable", détaille Maël Stefant, directeur santé de la caisse du Tarn. Celle-ci induit notamment la validation du médecin conseil de la CPAM du Tarn sur arrêts maladie prescrits par les médecins concernés.
La commission qui s'est réunie, ce jour, avait donc pour but de rendre un avis. Les médecins, invités, ont ainsi pu s'exprimer. Cela a aussi permis aux membres de la commission, à la fois des représentants de la CPAM et de la commission paritaire locale des médecins de donner un avis suite aux échanges avec les médecins auditionnés.
Des pénalités financières possibles
Que se passera-t-il ensuite ? "Ce sera à la directrice de la CPAM du Tarn de se prononcer sur cet avis et sur l'effectivité ou pas d'une mise sous accord préalable". Les médecins peuvent aussi contester cette décision finale par un recours devant le tribunal administratif.
Les médecins, placés sous MSO qui n'étaient pas présents à cette commission et qui doivent réduire leur nombre d'arrêts maladies, risquent eux des pénalités financières pouvant aller jusqu'à 7500 euros, selon l'avis de la commission et de la directrice de la caisse tarnaise.
"C'est une approche uniquement statistique en fonction de la patientèle qui aboutit parfois à des choses absurdes, estime Théophile Combes, médecin membre de la commission au titre de la commission paritaire des médecins du Tarn qui veut défendre ses confrères, joint par France 3 Occitanie avant la tenue de la commission. 55% des médecins donnent des signes de burn-out en France et je pense que ce genre de contrôles est de nature à leur donner envie de déplacer et d'aller exercer leur métier dans une structure privée dont ils seront salariés, et où ils n'auront pas cette pression".
À sa sortie de la commission, Francis Blanc témoigne de son ressenti : " J'ai eu l'impression d'avoir été dans un tribunal !" Une pancarte a d'ailleurs été dressée devant l'entrée de la CPAM avec l'inscription "Tribunal médical". D'autres médecins et des syndicats de salariés étaient venus soutenir ceux qui étaient convoqués.
98 millions d'euros en 2022
En 2022, la CPAM du Tarn a versé 98 millions d'euros d'indemnités journalières. Au niveau national, la CNAM a versé 14 milliards d'euros d'indemnités journalières, l'an dernier, soit 7% de plus par rapport à 2021 hors arrêt Covid. Concernant le département du Tarn, la CNAM n'a pas calculé ce taux d'évolution hors Covid entre 2021 et 2022.