Le tribunal de Béziers a suivi les réquisitions du Parquet. L'ancien patron du "Romain Luca" est condamné à quatre ans de prison, dont deux avec sursis pour homicides involontaires et travail dissimulé. 2 frères marins-pêcheurs, âgés de 23 et 33 ans, ont péri noyés dans le naufrage.
Le délibéré du jugement est tombé ce lundi à 14h dans le drame du naufrage du chalutier "Romain Luca" au large d'Agde, en novembre 2020.
Le patron marin-pêcheur de 61 ans est reconnu coupable et est condamné à quatre ans d'emprisonnement, dont deux ans avec sursis. Il écope aussi d'une amende de 50.000 euros, de la confiscation d'une somme de 25.580 euros saisie lors d'une perquisition durant l'enquête préliminaire et d'une interdiction d'exercer le métier de patron de pêche durant 5 ans.
Christian Arnaud a en revanche été relaxé pour l'escroquerie à l'assurance.
"C'est une décision extrêmement lourde dans un dossier dramatique pour tout le monde, qui ne tient pas compte que c'était vraiment un accident. Le tribunal a estimé que mon client aurait dû comprendre tout de suite les conséquences de cette voie d'eau alors que les experts ont mis des semaines pour comprendre", a réagi Guillaume Tarin, l'avocat du patron de pêche, qui avait plaidé la relaxe.
La loi prévoit un délai d'appel du jugement de 10 jours. "Nous allons réfléchir pour voir si nous faisons appel", a-t-il ajouté.
Pour les parties civiles, "Le jugement n'est pas assez sévère. Mes enfants ne comprennent toujours pas pourquoi leur père est mort et je n'ai pas de réponse à leur donner", a confié à l'AFP la veuve d'un des deux marins décédés.
4 ans de prison requis contre le capitaine du "Romain Luca"
Le patron-pêcheur du chalutier était jugé lundi 28 novembre 2022 devant le tribunal correctionnel de Béziers, deux ans après les faits. Le parquet a requis quatre ans de prison, dont deux avec sursis et 75.000 euros d'amende.
L'enquête a révélé de nombreux manquements de sa part. Il est poursuivi pour homicides involontaires, travail dissimulé (un des deux matelots n'était pas déclaré) et escroquerie (fausse déclaration à l'assurance).
Les deux marins n'avaient reçu aucune formation à la sécurité à bord, pourtant obligatoire. Ils ne portaient pas leurs vêtements de flottabilité intégré (VFI), obligatoires lors du travail de nuit. Et le bateau ne disposait pas de radeau de sauvetage utilisable. Des circonstances aggravantes déjà verbalisées par la gendarmerie maritime en janvier 2020. L'homme était donc sous le coup d'une enquête administrative.
De plus, l’épave du "Romain Luca" a été retrouvée à 8,7 milles nautiques au large d'Agde après avoir déclenché pour la première fois sa balise de détresse à 10 milles, alors que ce navire ne devait pas réglementairement dépasser les 5 milles.
Dans l'attente de la décision du tribunal de Béziers, en vue d'une éventuelle confiscation, 105.580 euros ont été saisis à la demande du parquet et sur autorisation du juge des libertés de la détention. 80.000 euros sur le plan épargne logement du capitaine du navire et 25.580 euros retrouvés en espèces dans un coffre, lors de la perquisition à son domicile effectuée par les gendarmes le 18 février 2021.
Des excuses aux familles durant l'audience
Pendant l’audience, le capitaine et propriétaire du bateau a répondu aux questions. De temps à autres, sa voix se brise, notamment quand il décrit la nuit du drame.
Je voudrais présenter mes excuses à la famille. Je compatis à leur peine malgré ce qu’ils pensent de moi. Je serai marqué à vie, et toute ma vie j’en aurai la culpabilité. C’était à moi à partir, pas à eux.
Le capitaine du "Romain Luca" lors de son procès - novembre 2022.
Lors de l'audience, le patron pêcheur a reconnu le travail dissimulé mais, dans son esprit, c'était pour aider le jeune matelot à se former. Les deux frères devaient reprendre le bateau et le racheter au patron, ont expliqué ses avocats.
Le naufrage nocturne au large d'Agde
Le 30 novembre 2020 peu après minuit, le "Romain Luca" lance un appel de détresse avant de couler au large d'Agde. Ses deux matelots, deux frères de 23 et 33 ans, sont portés disparus. Le capitaine et propriétaire du bateau est retrouvé et repêché vers 2 heures du matin, par la SNSM, en état d'hypothermie, après un long séjour dans une eau à 15 degrés.
La SNSM, des pêcheurs locaux, la gendarmerie maritime et un chasseur de mines venu exprès de Toulon poursuivent les recherches toute la nuit, en vain. A 10h30, le lendemain, la préfecture maritime y met un terme.
Les corps des deux matelots retrouvés dans l'épave
De nouveaux moyens sont déployés pendant plusieurs jours pour retrouver le chalutier et les deux jeunes marins. L'épave est finalement localisée à 10 milles des côtes, par 58 mètres de profondeur. Les corps des deux matelots sont retrouvés le 3 décembre.
Après plusieurs mois d'enquête et d'expertises, menées par la gendarmerie de la brigade de surveillance du littoral de Port-la-Nouvelle et la brigade de recherche de la compagnie de gendarmerie maritime de Marseille, le propriétaire et capitaine du navire est mis en examen le 30 juin 2022.
Le sexagénaire, domicilié à Agde et pêcheur expérimenté, est poursuivi pour homicides involontaires, exécution de travail dissimulé et escroquerie.