Le CHU de Montpellier prône le port du masque et alerte sur le retard pris dans l'organisation du dépistage du COVID-19 en vue du déconfinement. Il s'inquiète aussi des faibles stocks de 5 médicaments indispensables en anesthésie-réanimation. Pour éviter une 2ème vague, voici son ordonnance.
Au CHU de Montpellier, certes l'activité COVID-19 est en diminution, mais on est loin de crier victoire. On préfère ne pas parler de plateau, mais de "faux plat" pour évoquer la très lente décrue du nombre de patients en réanimation, même si la baisse est plus nette dans le service de médecine COVID-19.
L'intensité de la circulation virale décélère grâce au confinement et comme le dit Thomas Le Ludec, Directeur Général du CHU de Montpellier : "On est sur la bonne voie mais il faut continuer". En clair : tout va se jouer lors du déconfinement. Dans cette optique, le Directeur Général du CHU de Montpellier juge que le port du masque obligatoire dans les transports serait "une très bonne chose".
Des masques pour tous, même en tissu
Thomas Le Ludec ajoute :
Il faudra maintenir la distanciation sociale, qui doit rester la règle. Il faudra du civisme et pas de regroupement. Et des masques pour tous, même en tissu, surtout dans les transports, les hôpitaux et les grandes surfaces. Ça nous protège un peu et ça protège beaucoup les autres.
Le CHU de Montpellier entend donner l'exemple :
Les patients devront venir avec un masque ou s'en voir attribuer un à leur arrivée.
- Ils seront appelés 48 heures avant leur intervention ou leur consultation pour vérifier s'ils n'ont pas de symptôme, afin de limiter les risques liés au coronavirus.
- Les accompagnants seront tolérés seulement pour les personnes ne pouvant être autonomes (enfants ou personnes ayant un déficit physique ou cognitif)
- Il n'y aura pas d’assouplissement des visites aux patients hospitalisés dans un premier temps : la règle restera celle d'un seul visiteur adulte par jour et par patient.
"La première vague, on s'est fait déborder, il ne faut pas recommencer"
En matière de dépistage, la préconisation du CHU est de tester tous les patients symptomatiques, même légers, ainsi que tous les cas contacts. Mais le professeur Patrice Taourel, Président de la Commission Médicale d'Etablissement, tire la sonnette d'alarme :
On a les tests, mais il faut mettre en place l’organisation pour les réaliser. La 1ère vague, on s’est fait déborder, il ne faut pas recommencer. Or, le CHU ne peut pas tout. Il y a urgence à une réelle politique de dépistage et d’isolation des malades et pour l’instant, ce n’est pas très précis.
Des tests pour les écoles
Une organisation du dépistage qui devra être stricte et rapidement cadrée pour la réouverture des établissements scolaires :
Tout lieu de vie peut devenir un lieu possible de contamination, un foyer épidémique. S'il y a des symptômes, le diagnostic et l’alerte devront être très rapides. Car s'il devait y avoir une 2ème vague COVID-19, l’Hôpital ne s’en relèverait pas, surtout dans les régions les plus touchées comme l’Ile-de-France ou le Grand Est. On ne doit pas en arriver là. Et ça dépendra de la qualité du déconfinement.
Autres pathologies : la vague arrive
Le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) redoute aussi l'arrivée massive de patients porteurs d'autres pathologies que le coronavirus et qui ont jusqu'ici repoussé leur visite à un médecin de peur d'engorger les services. Des personnes qui pourraient arriver à un stade avancé de leur maladie et dont la prise en charge sera lourde.
C'est la grande crainte du professeur Taourel. Car les stocks de 5 molécules indispensables en anesthésie/réanimation sont au plus bas :
La 2ème vague des patients non COVID-19, elle va venir. Et c’est pour ça qu’on est sur-angoissés sur cette alerte concernant la pénurie de médicaments. Les prises en charge vont être nombreuses en mai/juin et un peu plus graves et urgentes, alors que nous aurons moins de médicaments et moins de capacités d’hospitalisation.
Pénurie de médicaments : l'Etat va centraliser les achats
Pour faire face à la pénurie, à partir de lundi 27 avril, c'est l'Etat qui centralisera les achats pour ces 5 médicaments en tension. Les Agences Régionales de Santé seront chargées de les livrer aux établissements "en fonction de l'état des stocks".
En revanche, pour les équipements de protection, la situation s'améliore : il y a encore des difficultés de livraison des surblouses, mais celle des écouvillons nécessaires aux tests est assurée à moyen terme. Quant aux masques, ils sont à présent livrés régulièrement.
La rééducation se met en place pour les guéris du COVID-19
A très court terme, c'est un autre défi qui attend le CHU : celui de la réadaptation des malades guéris du COVID-19 et qui sortent de réanimation. Pour ceux-là, la rééducation ne peut se faire qu’en Unité de Rééducation Aigüe. Car le coronavirus est lourd de conséquences en termes physique et pulmonaire.
Plusieurs organes peuvent être atteints :
- La récupération pulmonaire est rarement totale, même si on peut récupérer une grande partie de sa capacité respiratoire.
- Les patients sont en grande faiblesse musculaire et nécessitent une prise en charge motrice, alors même qu'ils sont très affaiblis.
- Certains ont des problèmes de nutrition, de déglutition, et des atteintes neuro-psychologiques.
Une rééducation longue et complexe
Le professeur Isabelle Laffont, Responsable du département Médecine Physique et de Réadaptation, précise que cette prise en charge nécessite la coordination de plusieurs métiers :
Ergothérapeutes, kinésithérapeutes, orthophonistes, diététiciennes : tous travaillent ensemble dans un seul but : que le patient acquière un niveau d’autonomie meilleur et un état de santé plus stable.
Son confrère Arnaud Bourdin, Chef d'équipe en Pneumologie générale, explique que la durée du séjour varie d’une à deux semaines jusqu’à 3 mois. Mais ceux qui ont des séquelles psychiques devront être suivis à plus long terme sur 3, 6 ou 12 mois. Pour les autres, les retours et rééducations à domicile se passent bien.
Encore du travail pour des soignants éprouvés
On le voit, le travail reste titanesque pour tous les personnels. Un numéro d’écoute a été mis en place pour prévenir les risques psychologiques. Mais le CHU s'attend à ce que cette ligne dédiée soit davantage utilisée après la crise que pendant l’action. Il faut tenir en attendant, "c’est le rôle des chefs de service".
Solidarité entre les personnels
Heureusement, une solidarité est née entre les soignants et les autres catégories de personnels, notamment administratifs (par exemple, des kinés ont fait une offre spontanée de massages assis). Le CHU espère qu’elle va durer.
Le Plan Blanc maintenu malgré la décrue des hospitalisations COVID-19
"Nous rentrons dans une autre étape, même si on reste en Plan Blanc. Car on ne peut pas revenir à la normale d’un coup de baguette magique" : Thomas Le Ludec, Directeur Général du CHU de Montpellier, ne crie pas victoire :"On s‘adapte mais on conserve notre capacité de réaction en cas de nouvelle vague, car il faudra nous remobiliser".
D'abord parce que le virus circule toujours. Ensuite parce qu'il n'y aura pas de vaccin avant le début de l'année 2021.
Pourtant, aux urgences COVID, la décrue est nette :
- Le centre n'a reçu que 77 appels le 23 avril, contre 1500 la 3ème semaine de mars.
La baisse est nette aussi aux urgences respiratoires, pour le COVID comme pour les autres viroses (la grippe saisonnière peut être considérée comme éteinte).
Et voici le nombre d'hospitalisations au 24 avril :
- 25 patients en médecine COVID (un nombre divisé par 3 en 3 semaines)
- 25 patients en réanimation COVID (un nombre divisé par 2 en 2 semaines)
- Pour les Ehpad : "il semblerait" qu’il y ait moins de résidents hospitalisés.
En revanche, l'activité des autres urgences hors COVID au CHU Lapeyronie est en hausse significative, ce dont les médecins se félicitent car "les autres patients retrouvent le chemin des soins, dans leur propre intérêt".