Pour la virologue Mylène Ogliastro et l'épidémiologiste Mircea Sofonea, chercheurs à Montpellier, l'épidémie de Covid-19 n'est pas sous contrôle et les mesures sanitaires doivent être maintenues à un niveau élevé pour éviter une reprise de l'afflux des malades à l'hôpital.
L'une est virologue, elle étudie les virus. L'autre est épidémiologiste et à ce titre, il scrute les indicateurs du niveau de circulation et de transmission des maladies. Et tous les deux font le même constat : pour les scientifiques montpelliérains Mylène Ogliastro et Mircea Sofonea, la pandémie de Covid-19 n'est pas sous contrôle et il n'est pas temps d'assouplir les mesures sanitaires.
L'effet en trompe l'œil du reconfinement
Comme le dit Mylène Ogliastro, vice-présidente de la Société Française de Virologie et chercheuse à l'INRAE de Montpellier : "le confinement n'a pas éliminé la circulation du virus, il n'a fait que le ralentir".
Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses à l'Université de Montpellier, renchérit :
Là, on n'a pas de période d'accalmie : c'est juste la "lune de miel" post-déconfinement, on est sur l'inertie du confinement, levé progressivement le 28 novembre puis le 15 décembre. Mais on est sur la poursuite de la 2ème vague.
Ligne de crête
Certes, il y a eu l'élan des Français vers les tests avant de rejoindre leurs familles pour les fêtes de fin d'année, leur volonté de protéger leurs proches. Mais ces vacances sont aussi l'occasion d'un fort brassage des populations à l'échelle européenne, voir mondiale. Et c'est ce qui inquiète la communauté scientifique. Comme l'explique Mylène Ogliastro dans l'interview qu'elle nous a accordée, ce n'est que mi-janvier que l'on sera fixés, car il y a toujours un effet retard de 15 jours, 3 semaines :
Mircea Sofonea souligne que nous sommes sur une "ligne de crête", avec un taux de reproduction (nombre de personnes infectées par un porteur du coronavirus) légèrement au-dessus de 1, entre 1,05 et 1,15, signe que l'épidémie évolue lentement :
Son analyse se base sur les indicateurs de la dynamique hospitalière et confirme que si l'on n'y prend pas garde, "l'épidémie peut repartir dans les prochains jours, d'ici le 15 janvier, en matière d'afflux de patients Covid dans les services hospitaliers, pour remonter à 3000 nationalement".
En tant que chercheur, Mircea Sofonea se garde de prescrire telle ou telle politique sanitaire. Mais il observe que c'est ce chiffre de 3000 patients hospitalisés en réanimation, soins intensifs ou continus qui a été l'un des critères retenus pour nous reconfiner fin octobre.
Maintenir, voir renforcer mesures sanitaires et gestes barrières
Selon lui, "on peut donc s'attendre à ce que les mesures soient renforcées aujourd'hui pour éviter de dépasser ce seuil à nouveau". D'autant que la baisse des températures et l'humidité de l'hiver ne favorisent pas la baisse de la circulation du virus.
Pour Mylène Ogliastro, le début de la vaccination, qu'elle encourage fortement, ne doit pas conduire à un allègement des mesures sanitaires, ni des gestes barrières. Car les effets du vaccin ne seront mesurables que dans quelques semaines ou mois :
Plus que jamais il faut continuer ! On redécouvre ce qu'est une épidémie, ce qu'ont vécu nos aïeux avec la grippe espagnole de 1918-1919. Depuis, avec les avancées de la science, de la technique, de la médecine, nos sociétés ont été tenues éloignées des maladies contagieuses. Mais elles reviennent et il va falloir qu'on réapprenne à vivre dans l'incertitude. Charles Nicolle [médecin et microbiologiste, prix Nobel 1928, NDLR] disait que face à la maladie contagieuse nous sommes tous frères parce que le mal nous menace et tous solidaires parce que la contagion va venir de l'autre. Il faut redécouvrir ce que santé publique veut dire.
Des restrictions à différencier
Pour autant, Mircea Sofonea insiste sur la disparité des situations régionales et départementales. C'est dans un premier temps à cet échelon que, selon lui "les mesures devraient d'abord être prises, pour endiguer la reprise épidémique là où elle a lieu". Car à ce jour, certaines zones restent relativement épargnées, comme la Bretagne, la Corse ou certaines parties de la Nouvelle Aquitaine.
Situation délicate en Occitanie
En cette fin décembre 2020, l'Occitanie reste dans une position intermédiaire. Mircea Sofonea note une recrudescence de l'afflux des admissions en réanimation dans plusieurs départements, en particulier le Gard.
Ce qui témoigne d'une reprise de l'épidémie plus importante que dans d'autres régions plus préservées. Dans ce contexte, la question de la réouverture des bars et restaurants au 20 janvier 2021 se pose en Occitanie. Les pouvoirs publics devraient y apporter une réponse dans les jours qui viennent.