Aujourd'hui 2 avril, c'est la journée internationale de sensibilisation à l'autisme. L'occasion de revenir avec les enfants et leurs familles sur l'impact des confinements sur leur vie quotidienne. Avec des effets parfois inattendus. Enquête à Montpellier.
C'est un rendez-vous annuel pour sensibiliser aux problèmes rencontrés par les autistes et aux défis qu'ils relèvent. Mais cette journée internationale coïncide cette année avec un nouveau confinement et surtout, elle met en lumière les difficultés qu'ont affrontées les familles des jeunes autistes depuis le début de la pandémie en février 2020. Le suivi des différents maillons médico-sociaux s'est brusquement altéré le temps du confinement, pour des enfants et adolescents particulièrement sensibles parfois déboussolés par la rupture des routines. Mais le resserrement des liens familiaux et les temps libres inhabituels ont également eu des effets positifs sur le développement de certains enfants, ce qui remet un peu en question l'accompagnement habituel de l'autisme.
A Montpellier, Enzo le collégien retrouve ses marques
Ce jour-là à midi, Enzo termine sa journée au collège. Scolarisé dans une classe spécialisée pour l'inclusion scolaire, c'est en taxi qu'il rentre chez lui, à quelques kilomètres de là. A peine arrivé, l'adolescent se plonge dans sa chaine Youtube dédiée à sa passion, la météo.
Ses routines, le jeune autiste est heureux de les avoir retrouvées. A la maison, avec 4 frères et soeurs, il a très mal vécu le premier confinement.
"A la fin du confinement je commençais à ne plus rien supporter. Je faisais du mal à mes petits fères et soeurs et même je voulais partir de la maison, je ne supportais vraiment plus rien! "
Comme la plupart des enfants avec des troubles envahissants du comportement, Enzo est très suivi : orthophoniste, psychologue, éducateurs. Quand tout s'est brusquement arrêté en mars 2020, ses parents se sont sentis abandonnés.
"Quand c'est que le Covid va partir?"
"De l'aide, c'est simple, il n'y en avait pas!" résume le père d'Enzo, Cédric, "Tout était fermé!". Myriam Massol, la maman, tempère : "Vers la fin, il y a eu des sorties avec des éducateurs, heureusement. Parce que pour lui, ça peut aller dans la tristesse et vraiment ça lui fait mal."
Il prend vraiment la situation sanitaire à coeur et des fois on le retrouve en train de pleurer en disant : "Quand c'est que le Covid va partir?"
Enquête à grande échelle aux résultats contrastés
Au CHU de Montpellier, le centre de ressources autisme a adressé un questionnaire à 900 familles sur l'impact du confinement dans leur quotidien. Et certains résultats ont étonné les médecins.
"On a observé que le principal impact négatif du confinement portait sur des difficultés de sommeil et l'aggravation des troubles du comportement chez les enfants qui en avaient déjà" analyse Amaria Baghdadli , professeur pédopsychiatre au CHU de Montpellier. "Mais en même temps on a observé un impact plutôt intéressant".
Les enfants s'étaient améliorés au niveau de leur capacités de communication, ce qui nous paraissait paradoxal mais peut s'expliquer parce qu'ils étaient moins exposés au stress quotidien des accompagnants, des changements d'activités, des rééducations nombreuses...et c'est pareil pour leurs parents!
Jackson, enfant avant d'être autiste
Ce constat, les parents de Jackson l'ont fait eux-aussi. Passés les premiers instants de panique avec la crainte d'un manque d'accompagnement scolaire et médical, ils ont vite ressenti les bienfaits d'un rythme de vie moins soutenu, pour leur fils autiste comme pour sa petite soeur.
"On a laissé tomber les timings, on a vraiment vécu un peu en mode vacances" explique sa maman Marina, habituée à une vie très organisée autour de l'autisme de son fils.
Avec le confinement, Jackson et sa soeur Jade aussi étaient beaucoup plus posés, plus sereins et Jackson d'ailleurs commence à parler. Il a des interactions beaucoup plus fortes avec sa soeur !
Une observation qui a fait s'interroger ces parents toujours à l'écoute de leur petit garçon, mais parfois obnubilés par sa différence.
"On s'est rendu compte que finalement, Jackson, on ne le traitait pas toujours comme un enfant...un enfant tout court, et qu'on était focalisés sur son autisme".
Les leçons du confinement
Une expérience qui a changé le fonctionnement de cette famille qui a su en tirer des enseignements.
Du coup, on s'est dit qu'un enfant doit avoir du repos, de la quiétude et ne doit pas toujours être dans l'activité et la production. Et c'est cette ligne de conduite qu'on essaie de suivre depuis...
L'impact des restrictions sanitaires varie, bien sûr, selon l'âge de l'enfant et la sévérité de ses troubles. Mais pour les parents comme pour les médecins, le confinement a rappelé l'importance d'accompagner les jeunes autistes sans surcharger leurs plannings, d'alléger leur temps de trajet pour les laisser être des enfants comme les autres.
Le dossier de Carine Alazet et Franck Detranchant pour France 3 Occitanie Languedoc-Roussillon est à retrouver ici.
Quid du troisième confinement ?
Pour les familles d'enfants avec des troubles du spectre autistique, le plus grand stress est celui de l'annonce du diagnostic. C'est un autre enseignement de l'étude menée par le centre de ressources autisme du CHU de Montpellier, auprès des patients inscrits dans la cohorte nationale Elena.
"L'annonce du diagnostic est une telle déflagration pour les parents, qu'ils ont ressenti moins de stress que le reste de la population à l'annonce du premier confinement", explique le professeur Baghdadli, "cela nous confirme dans notre souci d'accompagner encore plus les familles au moment du diagnostic."
A la différence du premier confinement, en mars 2020, les instituts médico-éducatifs restent ouverts. Les jeunes autistes qui y sont accueillis, tous les jours, partiellement ou pendant les vacances pourront donc continuer leurs activités habituelles. Mais, au grand désespoir des parents, les écoles sont fermées, y compris les classes spéciales, type Uliss (unité localisée d'inclusion scolaire) au sein des établissements. "C'est tellement important l'inclusion scolaire, les relations sociales pour ces enfants", se désole Natacha Garcia, maman d'un enfant autiste et membre d'un groupe d'entraide pour les parents, "il faudrait une solution pour qu'ils puissent continuer à aller à l'école, le distanciel n'est vraiment pas adapté à la plupart d'entre eux."
Le rectorat de l'académie de Montpellier explique que les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) assureront le suivi scolaire des enfants dont ils s'occupent habituellement. Une annonce qui a fait sourire (jaune) les parents concernés : "Tout dépendra de la bonne volonté de l'accompagnant... Et en général, comme c'est un boulot précaire et mal payé... On devra souvent se débrouiller tout seuls, comme d'habitude en fait."