Santé publique France et l’Anses lancent une vaste enquête pour mesurer l’exposition des habitants aux pesticides. Plus de 3.000 personnes vont être suivies dans six régions viticoles dont l’Occitanie, premier vignoble du monde. L'enquête PestiRiv est unique en son genre et livrera son verdict en 2024.
C’est une enquête réclamée depuis longtemps par les associations et les habitants qui vivent à proximité des vignobles. Pour la première fois, les autorités sanitaires vont se pencher à grande échelle sur la question des pesticides et leur impact sur la santé des riverains.
Depuis ce mardi 19 octobre, l’opération PestiRiv est lancée. Des mesures vont être réalisées auprès de 3.350 personnes tirées au sort dans 6 régions, dont l’Occitanie. L’Occitanie est la première région viticole de France avec près de 230.000 hectares côté Languedoc-Roussillon. Mais elle fait partie des mauvais élèves en matière de pesticides, comme le montre la carte de l'association Générations Futures en 2019 avec l'Hérault, l'Aude et le Gard parmi les plus gros consommateurs.
4e département plus gros consommateur de France de pesticides, le Gard, 5e l'Hérault et 9e l'Aude. Record pour la Gironde et la Marne.
Cheveux, urine, alimentation, air intérieur analysés
L’étude va comparer les résultats dans les zones viticoles et non viticoles. L’urine et les cheveux des participants, adultes et enfants, seront analysés. Ainsi que leurs conditions de vie et d’alimentation pour tenir compte de tous les paramètres.
«C’est bien, c’est une bonne nouvelle» se réjouit Claudie Hénin, relais dans l’Aude de l’association Générations Futures (association mobilisée depuis 25 ans contre les substances chimiques, en particulier les pesticides). «Jusqu’ici, ce type d’études était menée par des organismes indépendants, des associations, ajoute Chloé Ochoa, membre aussi de l’association. En octobre 2019, nous avons participé à l’opération des "pisseurs volontaires" contre le glyphosate. Nous avons été surpris par les résultats alors que nous faisons attention à ce que nous mangeons et buvons. » Mais cette action citoyenne avait fait l’objet de nombreuses polémiques.
Une enquête pilotée par les autorités sanitaires
Cette fois, l’enquête émane de l’Etat. Et sera encadrée par les scientifiques, avec des participants anonymes.
Cette étude nous parait robuste. Ils ont à coeur de faire quelque chose d’inattaquable, une vision à 360°
Nadine LauverjatDéléguée générale Association Générations Futures
La responsable dans l'Aude y voit un vrai espoir de transparence. "Peut-être que cela ouvrira le regard des agriculteurs car il y a beaucoup de malades. Parmi eux et à proximité des exploitations. Mais de nombreuses personnes ont peur de parler car nous sommes dans un milieu très viticole, c’est pas évident."
Pourtant le standard parisien de l’association reçoit quotidiennement des appels de riverains entre mars et octobre, en période d’épandage. Des problèmes de toux, d’irritations des yeux, de la gorge. Ou pour signaler des pratiques peu respectueuses de la réglementation. Des pulvérisations réalisées trop proches des maisons, ou par conditions de vent trop fortes.
Il faudra patienter pour les résultats
Problème : les résultats de l’enquête, qui va durer jusqu'au mois d'août 2022, ne seront connus qu’en 2024. Et si décisions il y a, elles ne seront pas prises avant des années. Mais pour l’association environnementale, en attendant, on peut déjà anticiper. En déployant des filets anti-dérives (pour retenir les particules pulvérisées) déjà testés dans le Limousin. En informant mieux les riverains avec des panneaux d’affichage les jours d’épandage, comme cela se pratique à l’étranger. Et en diffusant mieux la réglementation à respecter.
«C’est une étude d’exposition, mais clairement, on attend des mesures derrière», espère Nadine Lauverjat pour Générations Futures. PestiRiv aura la lourde tâche d’éclairer le dossier sensible des pesticides. Sujet polémique dans un pays parmi les plus gros consommateurs en Europe de produits phytosanitaires.