Sécheresse : dessaler l’eau de mer, une fausse bonne idée ?

Alors que le manque d'eau douce se fait criant, certains souhaitent transformer l'eau de mer en eau potable. Loin d'être une solution miracle, la désalinisation, déjà pratiquée à petite échelle en France, s'avère coûteuse et polluante.

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Les nappes phréatiques se vident, les cours d’eau se tarissent, les restrictions s’accumulent. Alors que l'ensemble des départements du territoire métropolitain sont placés en vigilance sécheresse, l'eau potable manque.

"Je ne vois pas pourquoi on ne chercherait pas (…) à exploiter la mer, a déclaré Louis Aliot, le maire RN de Perpignan, sur France inter ce mercredi 10 août. Ce sont des questions que nous nous posons à l’agglomération de Perpignan.".

Mais dessaler l’eau de mer est un procédé complexe et coûteux. Puisque les molécules qui composent l’eau et le sel font environ la même taille, un simple filtre ne suffit pas.

Une technologie énergivore

Pour transformer l’eau salée en eau douce, on peut la distiller ou agir via électrodialyse.

La première méthode, qui revient à faire bouillir l’eau pour la séparer du sel, est extrêmement coûteuse en énergie. La deuxième, qui utilise un champ électrique, ne fonctionne que pour de petits volumes.

À grande échelle, il faut se tourner vers un autre procédé : l’osmose inversée. L’eau douce est séparée de l’eau salée par une membrane. Lorsqu’elle est soumise à une très forte pression, l’eau salée finit par passer à travers la membrane, laissant derrière elle, le sel.

C’est encore coûteux, mais il y a beaucoup d’efforts faits pour réduire le coût et améliorer la performance de la membrane.

Mihai Barboiu, directeur de recherche au CNRS.

Cette technique, inventée il y a une cinquantaine d’années, consomme beaucoup d’énergie. "Tous les procédés sont très énergivores, tous les efforts de la recherche sont faits pour réduire ce besoin d'énergie", explique Mihai Barboiu, directeur de recherche au CNRS et membre de l’Institut Européen des Membranes, à Montpellier.

Des rejets polluants

Même si le dessalement est "une solution viable", selon le chercheur, il n’existe pas de grande usine de désalinisation en France. De petites unités sont installées dans certaines îles bretonnes et en Corse pour répondre à l’augmentation de la demande en eau l’été, quand les touristes affluent.

L’Hexagone fait exception sur le pourtour méditerranéen. Depuis le début des années 2000, les usines de dessalement poussent comme des champignons en Afrique du nord, en Italie, en Grèce, ou encore en Espagne.

Mais l’osmose inversée n’est pas une solution miracle : coûteuse en énergie, elle produit également des déchets. Il faut environ 2 litres d’eau salée pour produire 1 litre d’eau potable. Que faire de l’eau, très salée, qui reste à la fin du processus ?

"Ce sont des solutions salines très concentrées, bien plus concentrées que l’eau de mer", détaille Mihai Barboiu. Lorsqu’elle est directement rejetée dans la nature, cette saumure met en péril la biodiversité marine.
Reste la possibilité de diluer la saumure en utilisant… de l’eau douce. "Certaines usines de dessalement sont placées à côté de rivières, pour mélanger l’eau salée à de l’eau douce", précise Mihai Barboiu.

  Réutiliser les eaux usées

Pour faire face aux pénuries, une autre solution existe : le recyclage des eaux usées. Plutôt que de déverser dans la nature les eaux traitées dans les stations d’épuration, on peut les réemployer, pour irriguer des cultures, par exemple. 

En France, les eaux usées recyclées ne représentent que 1% de la consommation nationale. Ce chiffre atteint 8% en Italie, 14% en Espagne et jusqu’à 80% en Israël. "Jusqu’à présent, on n’était pas confronté à un manque d’eau suffisamment sévère pour développer le recyclage des eaux usées, estime Julie Mendret, elle aussi chercheuse à l’Institut Européen des Membranes. L’Espagne est leader dans le domaine en Europe parce que le problème de pénurie d’eau y est ancien.".

Le recyclage de l’eau va se développer, mais c’est une solution locale, on ne peut pas l’utiliser partout.

Julie Mendret, chercheuse à l’Institut Européen des Membranes.  

La réglementation, encore lourde, limite les initiatives.

Autre frein, le prix : l’eau recyclée n’est pas assez compétitive par rapport à l’eau conventionnelle.  Reste le problème de l’acceptabilité sociale. "Il y a des personnes qui n’ont pas envie de consommer des légumes qui ont poussé avec des eaux usées traitées", souligne la chercheuse. Mais face aux pénuries, les mentalités évoluent. Un sondage de juillet 2020 estime que 83% des Français seraient prêts à boire de l’eau potable produite à partir d’eau recyclée.

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