Témoignage. "Ils me mettaient des claques derrière la tête, me tiraient mes affaires" : le harcèlement scolaire a privé Manon de sa jeunesse

Publié le Mis à jour le Écrit par Sixtine Boyer

Le harcèlement scolaire inquiète dans les écoles. Si des mesures sont prises pour le prévenir, certains professeurs dénoncent le manque de moyens mis en œuvre. Témoignage d'une jeune femme qui revient dix ans plus tard sur le harcèlement qu'elle a subi à l'école et qui affecte encore son quotidien aujourd'hui.

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"Ça a été ma faiblesse, j'aurais aimé lui montrer que maintenant c'est ma force", confie Manon Brousse devant son ancien collège aujourd'hui détruit.

Harcèlement scolaire

Adolescente, la jeune femme rêvait de devenir orthophoniste mais son projet s’est évanoui il y a dix ans à cause du harcèlement qu'elle a subi. "Ils me mettaient des claques derrière la tête, ils me tiraient mes affaires", se souvient Manon. Régulièrement agressée, elle a multiplié les crises d'angoisse et développé une phobie scolaire.

Ça pouvait être des bousculades ou des insultes quand je passais dans le couloir. Dans la cour, j'étais assise sur mon banc et il y avait quelqu'un qui venait m'insulter. C'était tout le temps, sinon ce n’est pas marrant.

Manon Brousse - Victime de harcèlement scolaire

Depuis, impossible pour elle de mettre un pied dans un établissement scolaire. Donc pas de bac, pas d’études, et une longue période d’isolement. Manon n'est pas sortie de chez elle pendant quatre ans. Une jeunesse gâchée regrette sa mère.

"Je veux qu'elle se reconstruise pleinement et qu'elle soit heureuse, le rôle de toute maman. Maintenant ça va mieux quand même, j'ai pas mal d'espoir mais on a perdu du temps", espère Sandrine Brousse, la mère de la jeune femme.

À 25 ans, Manon commence tout juste à mener sa vie et travaille désormais comme vendeuse. Dix ans auront été nécessaires pour qu’elle se reconstruise.

"Pour une gamine c'est dur"

"Je n'en veux pas à mes harceleurs", explique la jeune femme mais les souvenirs restent, toujours vifs. Elle s'en rend compte lorsqu'il lui arrive de croiser ses harceleurs dans la rue.

"Il y a deux ans j'ai croisé l'un de mes harceleurs, j'ai commencé à me sentir pas bien. Maintenant quand je les croise, ça me fait un pincement mais ça va, je ne fais pas une crise d'angoisse pour ça. J'essaie de les éviter quand même et de les voir avant qu'ils ne me voient pour ne pas qu'on me reconnaisse".

Quelques années plus tard, l'un d'entre eux qui l'avait frappée au visage pendant un cours, s'est excusé.

Il m'a dit "je suis désolé", ça le rongeait de l'intérieur alors ça m'a fait du bien de me dire qu'il était conscient qu'il avait fait quelque chose de mal.

Manon Brousse

6% des collégiens

Comme Manon, de nombreux jeunes sont victimes de harcèlement scolaire. Longtemps mal pris en compte, le harcèlement scolaire alerte aujourd’hui les pouvoirs publics.

Pour eux ça n'était qu'un jeu, ça n'était pas sérieux, c'était juste de l'amusement, c'était l'effet de groupe.

Manon Brousse

6% des collégiens en sont victimes, selon le ministère de l’Éducation nationale.

Certains te disent "ce n’est rien, c'est simplement des petites embrouilles de récréation, ça va passer" mais en réalité ça détruit.

Manon Brousse

Un phénomène contre lequel le gouvernement dit "être en guerre" pour que l’histoire de Manon ne se répète plus.

Dispositif pHARe

En 2022, le dispositif pHARe, programme de lutte contre le harcèlement scolaire, a été mis en place dans toutes les écoles et les collèges de France.

Comme dans le collège Pierre Mendès-France à Jacou près de Montpellier. Dans la cour, 14 collégiens sont chargés de repérer les élèves en difficulté et de s’assurer que leur camarade est en sécurité.

J'ai repéré une personne assise toute seule au niveau des casiers donc on pourrait peut-être aller la voir.

Evan Falzon - collégien

Après vérification auprès de la collégienne : rien à signaler. Mais le jeune garçon reste sur ses gardes, "on ne sait jamais d'où ça part, est-ce qu'elle est seule parce qu’elle ne se sent pas bien ou parce qu’elle subit du harcèlement depuis quelque temps", explique-t-il.

En cas de problème, ces élèves ambassadeurs peuvent solliciter le personnel de l’établissement, dont certains volontaires sont désormais formés pour gérer ce type de situation. Une nouvelle approche basée sur la prévention.  

Je pense que ce qui a beaucoup changé, c'est cette prise de conscience générale ainsi que l'investissement plus important des uns et des autres pour éviter que des situations n'existent ou ne dégénèrent.

Annie Raulet - principale du collège Pierre Mendès-France

D’après la directrice, ces mesures ont porté leur fruit. L’établissement, dit-elle, est plus apaisé.

Manque de moyens

Mais ce dispositif pHARe a des limites, comme le dénoncent des enseignants d'un autre collège à Montpellier où Samara, une collégienne de 13 ans, a été roué de coups début avril 2024.

C'est du volontariat, c'est du personnel de l'établissement qui a été volontaire à se former à la question de pHare et qui fait des heures en plus, qui peuvent être payées ou non en fonction de l'enveloppe budgétaire d'heures supplémentaires, qui peuvent être refusées par le chef d'établissement.

Jordan Homps - Enseignant et délégué Snes-FSU

Les syndicats enseignants réclament plus de moyens et plus de personnels pour lutter contre le harcèlement.

Mais dans le cadre d’un vaste plan d’économie exigé par le ministère de l'Économie et des Finances, le budget de l’Éducation nationale diminuera de 692 millions d’euros à la rentrée 2024.

Écrit avec Emilien David.

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