Jean-Paul Hébrard, berger en estive près du Mont Lozère a perdu 17 brebis cet été dans l'Aubaret. Il va au troupeau la peur au ventre. Il témoigne.
Les brebis de Jean-Paul Hébrard doivent encore rester une quinzaine de jours sur les estives de l'Aubaret près du mont Lozère. L'angoisse pour le berger qui a croisé les loups à plusieurs reprises cet été alors qu'il était avec son troupeau. " Il s'est retrouvé face à l'animal. Il était décomposé. Il a eu la peur de sa vie, témoigne Dominique Garrel, son ami journaliste dans les Cévennes. "Il était caché derrière un rocher dans un bois et quand je suis arrivé à sa hauteur, mes deux patous ( chiens de protection) l'ont fait partir alors qu'il était à trois ou quatre mètres de moi. Il s'est d'abord enfui et a fait volte-face pour attaquer les chiens qui sont revenus dans mes jambes. Là j'ai prié, et il est parti", témoigne le berger encore sous le choc.
Jean-Paul Hébrard a perdu 17 brebis cet été, tuées par le loup. Il a tué une brebis à 60 mètres de moi en pleine journée. J'ai eu droit à ça deux jours de suite.
Il y a eu ensuite des attaques de nuit alors qu'elles étaient parquées avec double clôture et grillage extérieur. Du coup je dors avec mes bêtes dans une petite cabane à proximité pour les protéger. On est retournés au siècle dernier.
Jean-Paul HébardBerger
"Hurlements provoqués"
C'est de pire en pire, poursuit Dominique Garrel. D'autant plus que le couple identifié en septembre 2021 a du se reproduire. La préfecture de Lozère qui suit le dossier le confirme : "La Lozère est zone de présence permanente de l’espèce depuis 2013. La question de la présence d’une meute de loups sur le Mont Lozère se posait depuis plusieurs mois. Afin de mieux connaître la population de loup et de suivre son évolution, des opérations de "hurlements provoqués" ont été menées par l’État, coordonnées par
l'Office Français de la Biodiversité(OFB) et le parc national des Cévennes (...) Sur le Mont Lozère, des clichés de deux individus avaient été pris en septembre 2021.Le suivi hivernal avait ensuite permis d’identifier génétiquement un mâle et une femelle.
Trois opérations de "hurlements provoqués" ont été réalisées durant le mois d’août 2022 sans détecter de reproduction. Il a été décidé d’en opérer une quatrième. Lors de cette dernière session, qui a eu lieu le mardi 30 août au soir, des réponses d’adultes et de louveteaux ont permis de détecter une reproduction.
Préfecture de Lozère
" J'ai entendu la meute hurler dans un bois et j'ai eu des frissons", confirme Jean-Paul Hébrard qui dit avoir croisé la meute : le père, la mère et les louveteaux ensemble.
Dans l'Aude, deux brebis et un bélier ont été tués par le loup la nuit dernière près de la Montagne noire.
Tirs renforcés
Dans l'Hérault en juin dernier, suite à la multiplication des attaques, la préfecture avait autorisé des tirs renforcés. Une quinzaine d'élevages ont été touchés depuis début 2021. La préfecture a signé une autorisation de tir de défense renforcée. Contrairement aux tirs de défense simples qui autorisent un éleveur à se défendre, les tirs de défense renforcée peuvent mobiliser jusqu'à 10 lieutenants de louveterie et tireurs habilités. Par le passé, 2 autorisations de ce type avaient déjà été délivrées.
Jean-Paul Hébrard a lui aussi des autorisation de tir.
Je vais au troupeau avec un fusil sur l'épaule. C'est pas une vie.
Jean-Paul HébrardBerger
Je ne suis pas pour l'éradication des loups mais je pense qu'il faut pouvoir tirer sur les ceux qui posent problème", conclut le berger qui a hâte de redescendre ses bêtes près d'Alès. En attendant, des amis sont montés sur les alpages pour l'aider "à tenir le coup".