Laurent Dejean accusé du meurtre de Patricia Bouchon est jugé en appel par la cour d’assises du Tarn à Albi. Il avait été arrêté 4 ans après la disparition de la joggeuse de Bouloc. Il a toujours nié les faits. Quand un portrait-robot est diffusé, les langues se délient.
Patricia Bouchon a été tuée il y a plus de dix ans à Bouloc le 14 février 2011. Le corps de la quinquagénaire a été retrouvé 42 jours plus tard, dans un fossé. Laurent Dejean a été arrêté en 2015.
C’est la diffusion d’un portrait-robot qui met les enquêteurs sur sa piste. Un dessin réalisé à partir du témoignage d’un homme qui a croisé Patricia Bouchon le matin de sa disparition vers 4h30 puis un automobiliste au volant d’une Clio. Un proche dit reconnaître Laurent Dejean qui justement a possédé ce modèle de voiture.
A partir de là, l’entourage de Laurent Dejean (aujourd’hui âgé de 42 ans) est interrogé : ses amis, ses voisins, ses collègues de travail, son employeur. Des auditions qui commencent fin 2013 et se prolongent toute l’année 2014. On est à Bouloc, une petite ville de 4 500 habitants au nord de Toulouse, près de Fronton.
Devant la cour d’assises ce mardi, un témoin parle de village. Mélanie est une amie de Laurent Dejean. Aujourd’hui, elle a 44 ans. Cette animatrice péri-scolaire décrit quelqu’un de serviable, gentil. "Des fois, il parle fort mais rien de plus", répond-elle quand on l’interroge sur le comportement de l’accusé.
L’avocate de la famille Bouchon, maitre Lena Baro, lui rappelle sa déposition devant les gendarmes en 2014 :
-"Vous aviez dit : 'quand Patricia Bouchon a disparu, avec la proximité de la maison de la mère de Laurent, j’étais sûre qu’il pouvait être impliqué'".
-"Non j’ai pas le souvenir d’avoir dit que c’était lui. Pour moi, pour tout mon entourage on est persuadé que c’est pas lui. Nous, on veut des preuves et qu’il l’ait fait ou pas ça restera notre ami".
L’avocat générale :
-"Nous avons bien compris que vous avez beaucoup d’affection pour Laurent Dejean. Vous avez envie de l’aider je peux le comprendre. On vous demande juste la vérité."
-"On a tous plus ou moins douté, je ne peux pas le nier mais de là à dire que c’est lui".
-"Et les doutes vous les avez toujours ?"
-"Non"
-"Mais vous ne l’avez jamais revu"
-"Il se défend becs et ongles et quand on le connait, on sait qu’il n’est pas capable de faire ça".
L’avocat de la défense maître Karim Chebbani tient à marquer la différence entre les faits et les impressions.
-"Vous avez indiqué avoir connu Laurent Dejean en 1997 et en 2017 à la naissance de votre enfant vous sortiez moins, vous le voyiez moins ?"
-"Oui"
-"Quand vous dites aux gendarmes dans cette déposition, 'il sortait la nuit pour siphonner les voitures', ça vous ne le constatez pas on vous le rapporte ?'
-"Oui"
-"Les doutes, c’est une question fondamentale, poursuit l’avocat. Il faut savoir s’ils sont fondés sur des faits constatés ou rapportés. Aujourd’hui vous avez pris du recul ?"
-"Oui"
-"Pensez-vous avec l’ambiance à Bouloc à l'époque et les informations qui circulaient, que les gens, pardonnez-moi l’expression, se sont montés le bourrichon ?"
-"Oui, exactement c’est ce que j’allais vous dire".
Le contexte, les a priori
Céline, 50 ans, secrétaire comptable dans une entreprise de plâtrerie de Bouloc vient témoigner à son tour. Laurent Dejean a travaillé dans cette société entre janvier 2010 et juillet 2011. Elle précise qu’elle ne le connait pas beaucoup car elle n’avait pas les mêmes horaires. Il commençait vers 7h00 pour aller faire des placoplâtres sur les chantiers ; elle, débutait vers 8h30. Elle se souvient très bien en revanche de ce qu’il a dit quand il est venu pour signer les papiers de rupture conventionnelle.
-"Il a dit qu’il voulait partir pour oublier, ça m’a marquée vu que cela faisait quelques mois que cette dame était morte. Et puis, il a eu un arrêt maladie juste après que cette dame a disparu, ça nous a interpellés".
-"Vous l’avez peu vu, pourquoi vous faites le lien entre l’arrêt de travail prescrit par un psychiatre et la disparition de madame Bouchon, demande maître Chebbani ?"
-"Il y avait quand même une personne en liberté qui avait tué cette dame et il y avait un comportement tendu avec ses collègues de travail."
Un ancien voisin est appelé à la barre. Il discutait souvent avec Laurent Dejean. Ils parlaient bricolage.
L'avocat de la défense :
-"Dans une déposition en 2014, vous avez dit 'je l’ai vu avec une de ses copines, elle portait une minerve et avait des hématomes. On s’est regardé avec mes amis et on a pensé qu’il avait pu la maltraiter.'"
-"Il y avait un contexte, répond cet ingénieur, on avait saisi que Monsieur Dejean pouvait avoir un comportement violent. C’est un a priori, un jugement. J’ai fait un lien. J’ai pas assisté moi-même à des violences".
Colères, crises, violences verbales
Aucun témoin ne parle de violence physique de Laurent Dejean sur des personnes. En revanche, plusieurs proches évoquent des colères et une kinésithérapeute venue faire des soins chez la mère de ce dernier raconte une crise à laquelle elle a assistée. "Il est entré en criant, sa mère m’a dit de ne pas m’inquiéter. Il a jeté beaucoup de choses par terre. Il est reparti dix minutes après".
Le président de la cour lit la déposition de la mère de Laurent Dejean en janvier 2014. Elle témoigne des nombreuses crises de violence de son fils depuis plusieurs années notamment cette fois en 2002 où il l’a attrapée par les bras et soulevée. "Il a tout cassé. Il m’a fait très peur mais il ne m’a pas frappée".
Laurent Dejean est interrogé sur sa violence. "Oui j’ai fait peur à ma mère mais je n’en suis jamais venu aux mains."
L’avocat générale fait lecture d’écoutes téléphoniques entre Laurent Dejean et une certaine Magali.
-"Vous parlez de votre ex, Natacha. On est en décembre 2014. Vous dîtes 'j’irai faire des courses avec toi j’espère que je ne verrai pas Natacha parce que j’ai envie de lui péter la gueule à cette salope'".
-"Ce n’est que verbal, répond l’accusé, je n’en suis jamais venu aux mains".
-"Vous êtes sûr demande la magistrate parce que Madame Bouchon on lui a pété la gueule aussi !"
En 2019, Laurent Dejean a été condamné par la cour d'assises de la Haute-Garonne à 20 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de Patricia Bouchon.
Son procès en appel a débuté lundi 28 juin devant la cour d'assises du Tarn. Le verdict est attendu ce vendredi.