En Occitanie, plusieurs communes rencontrent des difficultés pour s'assurer, à l'image de Lavaur (Tarn) ou Revel (Haute-Garonne). Elles ne sont pas des cas isolés, et les solutions tardent à se mettre en place.
Voilà des engins qui ont bien failli rester… au garage. "En 2021 on assurait nos véhicules pour 21.000 euros par an, cette année, il faut payer 70.000 euros pour la même chose". Fin décembre, Benoit Croux s'est fait une frayeur. Directeur général des services à la mairie de Revel, il a bien cru ne pas retrouver de contrat d'assurance pour les 84 véhicules et engins de cette commune de quasi 10 000 habitants. Voitures de police municipale, balayeuse, tractopelle, tondeuses… ont bien failli ne plus pouvoir entrer en action au 1er janvier 2025.
De 80.000 à 190.000 euros
À l'été 2024, l'assureur qui les couvrait a fait part de sa volonté de rompre unilatéralement le contrat en fin d'année, comme le lui permet le code des assurances. Après de longs mois de recherches et une offre arrivée en dernière minute, la commune de Revel réussit de justesse à signer un contrat de remplacement…
Mais à quel coût ! Elle paie désormais 233% plus cher pour assurer cette flotte qu'il y a quatre ans. Cette augmentation ne concerne d'ailleurs pas que les véhicules de la mairie. La ville de Revel dépensait 80.000 euros en assurances diverses en 2021, la note s'élève désormais à 190.000 euros en 2025 ! Une augmentation notable pour cette commune au budget annuel de 22 millions d'euros. "Cette hausse, il faut l'absorber, s'émeut Benoit Croux. Nous avons gelé les nouveaux recrutements et nous réfléchissons à l'éventualité d'une hausse de la taxe foncière".
Revel n'est pas un cas isolé. De nombreuses villes et villages sont confrontés à ce problème en France. Des communes telles que Lavaur (Tarn), Saint-Hilaire (Aude), Roquebillière (Alpes-Maritimes), Le Petit-Quevilly (Seine-Maritime) ou Goyave (Guadeloupe) ont fait état de telles difficultés pour s'assurer.
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D’après l’Association des maires de France, 1.500 communes françaises ne parviennent pas à trouver un contrat d’assurance ou font face à des tarifs exorbitants, en ce début d’année 2025. L’association affirme que les collectivités sont face à une progression de 90% des primes d’assurances, entre 2018 et 2024. Dans un communiqué publié le 21 janvier 2025, l’AMF appelle à une action urgente face à ce qu’elle qualifie de "crise".
"Tarifs exorbitants"
"Les élus se heurtent à des prestataires d’assurance qui, soit ne répondent pas aux appels d’offres, soit proposent des tarifs exorbitants, rendant la protection contre les risques de dommages insoutenable pour les communes et intercommunalités", affirme l’AMF. L'une des explications de cette difficulté, serait la concentration du marché de l’assurance aux communes, principalement partagée par seulement deux compagnies d’assurances : Groupama et SMACL.
"Le marché de l’assurance des collectivités territoriales, représentant seulement 1,5 à 2 % du chiffre d’affaires total des assureurs, est particulièrement vulnérable car jugé peu rentable par les compagnies d’assurance", souligne l’AMF. Un manque de rentabilité qui pousserait les autres assureurs à se détourner de ce marché.
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La survenue croissante de catastrophes naturelles suite au dérèglement climatique en cours, mais aussi l’existence d’émeutes urbaines - comme celles survenues après la mort de Nahel Merzouk en 2023 - expliquent également une hausse des tarifs d’assurance pour les communes. Enfin, le risque croissant de cyberattaques sur des infrastructures de collectivités s’ajoute aux périls possibles.
Rien de neuf
"C’est un vrai problème !", confirme Jean-Marc Vayssouze-Faure, sénateur du Lot, et président de l’AMF Occitanie, joint par téléphone. Et d’ajouter : "il ne s’est pas passé grand-chose pour que cela s’améliore depuis le rapport publié en avril 2024". Le gouvernement indiquait alors dans un communiqué que les enjeux soulignés par ce rapport - rédigé par Alain Chrétien, vice-président de l’AMF et Jean-Yves Dagès, ancien président de Groupama - "feraient l’objet de consultations approfondies d’ici l’été (2024)". Mais depuis, les gouvernements se succèdent, et toujours rien…
Pour faire bouger les choses, le sénateur a adressé une question écrite au gouvernement le 10 octobre 2024. À ce jour, elle n’a pas encore été traitée. « Nous sommes très mobilisés, car la difficulté de s’assurer devient vraiment problématique », soutient le sénateur du Lot.
Contactée, la fédération France Assureurs, fait quant à elle savoir que les prix demandés par les assureurs aux collectivités locales ne reflétaient jusqu’alors pas la réalité des risques auxquels les communes étaient exposées, et souligne combien le coût du dérèglement climatique va s’aggraver sur les trente prochaines années.
Des axes d'amélioration
Les auteurs du rapport rendu en 2024 proposaient plusieurs axes d’amélioration de la situation, notamment une vigilance accrue de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) sur ces marchés, mais aussi de refondre le guide de passation des marchés publics d’assurance et également l'idée de créer un dispositif de mutualisation du risque social exceptionnel pour faire face au cas particulier des émeutes. "On pourrait envisager de mieux sensibiliser les assureurs au problème", suggère également Jean-Marc Vayssouze-Faure. À bon entendeur...