Il avait créé la polémique en 2012 en qualifiant Mohamed Merah de “loup solitaire”. Ce jeudi, devant la Cour d’assises, l'ancien directeur du renseignement a parlé d’un homme “armé bras et tête par une nébuleuse” dont sa famille et la filière d’Artigat.
Plus question de parler de “loup solitaire” qui aurait agi totalement seul et n’aurait bénéficié d’aucune complicité. Plus de 5 ans après ses propos polémiques, l’ancien patron du renseignement intérieur français Bernard Squarcini a dressé devant la Cour d’assises spéciale de Paris qui juge l’affaire Merah un portrait du terroriste toulousain bien différent.Parlant lentement, l’ex-directeur aujourd’hui préfet placé hors-cadre, a dit que ses propos de l’époque sur le "loup solitaire", tenus à chaud, ont été “dénaturés”.
Il s’agissait d’un terme technique, ajoute-t-il, qui a été dénaturé à l’époque dans le cadre " d'une exploitation politique et médiatique”.
Il fallait comprendre, d’après lui, que le “loup solitaire” Mohamed Merah “agissait seul pour préserver sa capacité à durer plus longtemps et à commettre d’autres assassinats”.
“Armé tête et bras”
La version de l’ex-directeur du renseignement intérieur, aujourd’hui, est donc plus complexe : Mohamed Merah a été “armé tête et bras par son frère Abdelkader, sa famille, le réseau d’Artigat (NDLR : de l’émir Blanc Olivier Corel en Ariège), les frères Clain et Farrouk Ben Abbès”Il a appuyé seul sur la détente mais d'autres lui tenaient le bras"
L’arrivée mouvementée de l’ex patron des renseignements @BSquarcini au procès #Merah #loupsolitaire pic.twitter.com/AnKH7vPnk9
— Fabrice VALERY (@FabValery) October 19, 2017
Sans exprimer de regret comme l'a fait son ancien ministre Claude Guéant, sans s’excuser des ratés des services de renseignement, Bernard Squarcini a indiqué que les services ont été surpris car “Mohamed Merah a inauguré un modus operandi nouveau pour tous les services européens : le fait de partir seul au Pakistan, de revenir après un court séjour, de choisir ses cibles seul et d’exécuter ses crimes en solitaire, c’était nouveau à l’époque et nous n’avons pas vu venir cela, qui s’est ensuite reproduit en France”.
Mais quand les parties civiles lui rappellent ses propos d’avril 2012 (“Il n’y avait pas de réseau”), l’ex-directeur est assez gêné : “Je voulais dire qu’il n’y a pas eu de réseau d’exécution, mais à l’époque on ignore qu’il y a eu un réseau de préparation et d’endoctrinement. On l’a appris après”.
“Il a reçu un permis de tuer” et a "bénéficié d'un réseau structuré"
L’ex-directeur fait un petit mea culpa sur le passage de Merah au Pakistan et en zone tribale en 2011. “C’est là que Mohamed Merah a reçu le permis de tuer, de la part de Moez Garsallaoui, malheureusement, si les services extérieurs l’ont su, nous n’avons pas été informés”.Pour accéder à Garsallaoui, "il fallait bénéficié d'un réseau. On n'accédait pas à cet homme comme à la première station de métro".
Moez Garsallaoui, Tunisien, était considéré comme l'un des coordinateurs des réseaux jihadistes en Europe depuis le Pakistan. Il avait épousé la veuve d'un des tueurs du Commandant Massoud. Il aurait été tué dans une attaque en octobre 2012.
Un directeur bien éloigné du dossier Merah avant mars 2012...
Bernard Squarcini, grand patron du renseignement intérieur de 2008 à 2012, s'est présenté à l'audience comme éloigné du dossier Merah. "Jamais, a-t-il dit, je n'ai eu ce dossier sur mon bureau avant les crimes de Montauban le 15 mars 2012". Il dit ne pas avoir été informé du débriefing de Merah par ses services à son retour du Pakistan. Et n'avoir découvert ce nom qu'en mars 2012, au moment des faits... mais qui pense "le premier, à la piste islamiste"
Quant à la note du 16 mars où Merah figure sur une liste de suspects établie par la direction régionale du renseignement à Toulouse, il dit en avoir été à l'origine en l'ayant demandée car il a été "l'un des premiers à penser à la piste islamiste". Oui, il avait cette liste et c'est lui, dit-il encore, qui a "demandé que l'on relocalise Mohamed Merah, le dimanche 18 mars". La veille de la tuerie de l'école juive.Le reportage de Christophe Neidhart et Thierry Villeger :