Les dernières annonces du gouvernement ne suffisent toujours pas à calmer la colère des agriculteurs. À quelques heures de l'ouverture du salon de l'agriculture, blocages et actions coup de poing se multiplient. Versement des aides, loi Egalim, lourdeur administrative, un éleveur témoigne.
Installé à Lacapelle-Livron dans le Tarn-et-Garonne, Jean-Philippe Viguié s'affaire pour nourrir ses vaches allaitantes. Son élevage a été épargné la MHE, la maladie hémorragique épizootique. En revanche, ses animaux ont été touchés par la fièvre catarrhale ovine. "Ce qui s'est passé, c'est que cette année, il y a eu un nouveau variant, un peu comme pour le Covid. Et ça s'est propagé assez rapidement avec les moustiques à l'automne", explique-t-il. Les répercussions sur son élevage ? Avortement, mortalité, animaux qui ont du mal à récupérer... "Comme c'est une maladie qui était déjà présente sur le territoire et qu'il existe un vaccin, il n'y a pas d'indemnisation."
Des aides versées avec plusieurs mois de retard
L'éleveur, affilié à la FDSEA 82, ne cache pas son exaspération face aux lourdeurs de l'administration et à la complexité de la moindre démarche. Jean-Philippe Viguié nous explique qu'il attend toujours le versement de ses aides de la PAC. Il aurait dû les toucher au 15 octobre. Il espère les avoir au 1ᵉʳ mars. "Un blocage de logiciel" serait à l'origine de ces mois de retard.
On se retrouve à aller voir la banque, faire des emprunts...
Jean-Pierre Viguié, éleveur de vaches allaitantes - Fdsea 82
L'éleveur tient à nous donner une autre illustration de cette "difficulté de l'administration à se réformer elle-même". Il nous raconte que pour emmener ses vaches par camion à la montagne, il doit avoir une autorisation de transporteur. "J'ai fait ma demande pour renouveler cet agrément et j'ai reçu onze fichiers différents à remplir. Vous savez quoi ? J'ai ouvert le mail, j'ai vu les onze fichiers, j'ai tout refermé. Clairement, je n'ai pas le temps."
Toujours là demain ?
Parmi les revendications des agriculteurs, il y a les lois Egalim, censées garantir des revenus décents aux exploitants agricoles. Jean-Pierre Viguié destine en partie son élevage à l'export. Prix de vente : 3€50 le kilo vif. Il faudrait au moins 1€ de plus pour que l'éleveur s'y retrouve.
"Comment tu fais passer les hausses de coût de production à ton acheteur italien ou algérien ? La coopérative, aujourd'hui, elle n'a pas la solution. Parce qu'Egalim, c'est français et non pas une loi européenne", s'agace Jean-Pierre Viguié.
La PAC, les maladies qui fragilisent les élevages, les hausses de charge. Jean-Pierre Viguié a bien du mal à se projeter dans l'avenir. "Aujourd'hui, je ne suis plus capable de me dire : est-ce que demain, je serai là ou pas", confie-t-il
C'est difficile de vivre toute une vie professionnelle en ne sachant si demain, on sera toujours là.
Jean-Pierre Viguié, éleveur dans le Tarn-et-Garonne
Et lorsqu'il demande à ses enfants s'il a l'air plutôt heureux dans son métier, sa fille Blandine lui apporte tout son soutien.
L'adolescente de 15 ans aime le contact avec les animaux et le métier semble vouloir lui tendre les bras. Elle envisage de faire un stage dans l'agriculture, et de reprendre la ferme familiale.