Franck est victime d’un professeur pédophile à l’âge de 10 ans. Une emprise totale qui va s'étendre sur 15 années de sa vie. Aujourd’hui, pour se libérer, il explore les rouages de la manipulation. Dans le documentaire "La vie que tu m’as volée", il témoigne face caméra et raconte son histoire : l'emprise, le viol, sa descente aux enfers et sa reconstruction.
Franck a 10 ans et vit à Albi dans le Tarn. Fils unique, entouré de ses parents, il réside dans un lotissement ouvrier, un peu à l'écart de la ville. Cette année, il entre en 6ème. Lui, qui excelle dans les matières littéraires, s'en fait une joie car il va intégrer un collège qui a une excellente réputation.
Dans le documentaire, l'homme qu'il est devenu aujourd'hui, témoigne face caméra. Franck se remémore cette période clé où l’enfance s'achève doucement pour laisser, peu à peu, la place à l'adolescence. Le film alterne entre témoignage et fiction. Le récit au présent est délivré à travers le témoignage de Franck et la situation est retracée, plus de 30 ans auparavant, grâce à la fiction.
À l’époque, et cet âge-là, déjà, Franck se souvient être motivé par l'envie de réussir. Il a en quelque sorte une revanche à prendre sur la vie de ses parents qui n'ont pas fait d'études. Il veut aller plus loin qu'eux. Pour lui, mais aussi pour eux.
Comprendre le phénomène d’emprise
Et puis, il y a ce professeur de français qui lui accorde énormément d'attention. Il le félicite chaleureusement quand il a de bonnes notes. Il le cite en exemple, le flatte. Franck se sent vite privilégié dans cette classe.
Mais très vite, quelque chose de particulier se met en place. Le professeur commence à avoir des gestes un peu plus rapprochés. Pourtant, même si l’enfant se sent mal à l’aise, il va les considérer, au fond, comme de l’attention. Il explique :
Il s’approche pas mal de moi pendant le cours. Se frotte pas mal contre mon épaule et il me regarde de façon - je dirais aujourd’hui – d’un regard assez pervers, assez lubrique que je n’identifie pas du tout comme cela (…) je ne sais pas ce que c’est (…) je suis naïf.
Franck
Et puis il y a ces changements d’humeur qui le déstabilisent. Le professeur, en pleine stratégie d’emprise, sait parfaitement souffler le chaud et le froid. "C’est littéralement traumatisant pour la classe et pour moi" raconte Franck. Le professeur hurlant "Alors Franck, tu te fous de moi, tu crois que je ne t’entends pas ?"
"Qu’est-ce qui y a ? Qu’est-ce que j’ai fait encore aujourd’hui ? Pourquoi il me regarde comme ça ?" s'interroge le collégien déstabilisé : "Parfois, il me fixe pendant que je fais l’exercice. Je regarde par la fenêtre, j’essaie d’échapper à son regard, mais il me fixe".
"Ce rôle de prof, c'est son masque"
À son entrée en 5ème, Franck tombe malade. Le professeur est toujours son prof de français, et il est aussi devenu son professeur principal. Il lui apporte alors des livres. Chez lui. Il veut que Franck réussisse, c’est ainsi qu’il gagne la confiance des parents.
Le père de Franck voit en cet adulte une sorte de "père spirituel". Les parents ne réalisent pas ce qui est en train de se tramer pratiquement sous leurs yeux. Le prof s’adapte à l’emploi du temps des parents. Il vient rendre visite à "son protégé" le mercredi matin lorsque son père et sa mère sont au travail.
Il communique beaucoup "il s’inscrit dans cette espèce de toute puissance (…) il me dit que je suis beau, extrêmement intelligent, que je vais réussir… ".
Sa présence devient naturelle.
Des années de vie volées
Petit à petit, les rapprochements sont de plus en plus pressants avec des actes de nature sexuelle. Des viols répétés tous les mercredis. Mais comment peut-on impunément commettre des actes aussi abjects sans être repéré ? Franck explique "Ça me dépasse totalement (…) Je suis complètement sous emprise, sous domination, complètement soumis ( …) comme téléguidé".
En repartant, le professeur croise la mère et le père de Franck et discute avec eux :
C’est cette espèce de tranquillité avec laquelle il commet ses actes qui est absolument stupéfiante et qui me stupéfie
Franck
Et il y a les lettres, une centaine, que le professeur lui écrit, notamment l’été, tel un mentor ou un guide, et dont Franck fait la lecture dans le film "ce ne sont pas des lettres d’amour, elles sont toujours sous couvert de pédagogie".
Tout au long du film, Franck confronte son ressenti actuel avec celui qu'il éprouvait à l’époque lorsqu’il était enfant, puis adolescent. Comment se sentait-il ? Que pensait-il ? Il nous raconte les conséquences d’un tel traumatisme dans sa vie d'adulte. La destruction. Aujourd’hui, Franck a écrit un livre et s'est libéré grâce à la littérature notamment mais des failles demeurent. Comment faire pour accepter l’intolérable et arriver à se reconstruire ? Peut-on se réapproprier des années de vie volée ?
Filmé tel un patient face à son psychanalyste, Franck nous raconte son histoire avec une précision et une pudeur désarmantes. Le documentaire va au fond des choses. L’émotion est garantie.
"La vie que tu m'as volée" : un film de Christine Ravier, réalisé par Christine Ravier & Johan Touleron à voir le jeudi 24 octobre 2024 à 22h50. Une coproduction Les Films du Sud et France 3 Occitanie (FTV).